[0] ISÉE - PLAIDOYER POUR LA SUCCESSION DE CLÉONYME. [1] Que les choses, ô Athéniens! ont changé de face pour nous, depuis la mort de Cléonyme ! Il nous a laissé sa succession lorsqu'il vivait encore; et, depuis qu'il n'est plus, nous courrons risque de la perdre. Il nous avait élevés avec une si grande réserve, que nous n'avons jamais paru au tribunal, même pour entendre plaider, et nous y plaidons aujourd'hui pour toute notre fortune; car on ne nous conteste pas seulement les biens de Cléonyme, mais encore notre patrimoine, sur lequel on prétend que nous étions redevables au défunt. [2] Les parents et amis de nos adversaires proposent de nous faire entrer en partage des biens qu'a laissés incontestablement Cléonyme et eux portent l'impudence jusqu'à vouloir nous ravir même notre patrimoine. Ce n'est pas qu'ils ignorent notre droit, mais ils voudraient abuser de l'abandon où nous nous trouvons maintenant. [3] Voyez, Athéniens, sur quoi nous comptons les uns et les autres, en paraissant devant vous. La partie adverse s'appuie d'un testament qu'a fait Cléonyme irrité contre un de nos proches, mais n'ayant contre nous, en particulier, aucun sujet de plainte; d'un testament qu'il a annulé avant de mourir, en chargeant Posidippe d'aller chez le magistrat. [4] Nous, nous sommes les plus proches parents du mort; nous lui étions attachés pendant sa vie; les lois nous donnent ses biens à titre de parenté; et lui-même nous les a laissés comme un gage de l'amitié qu'il nous portait. Enfin, Polyarque, son père, notre aïeul, lui a recommandé de ne pas nous frustrer de ses biens, s'il mourait sans enfant. [5] Quoique nous soyons appuyés de tous ces titres, nos adversaires, qui sont nos parents, sans avoir rien de solide à alléguer, ne rougissent pas de nous citer en justice pour les biens de Cléonyme, et de nous contester un titre que ne pourraient honnêtement nous disputer des hommes qui nous seraient absolument étrangers. [6] Il me semble que nous ne sommes pas disposés de même les uns à l'égard des autres. Moi, la plus grande de mes peines n'est point de subir un procès inique, mais de plaider contre des parents dont il n'est pas même honnête de repousser durement les injures. En un mot, je ne regarderais pas comme un moindre malheur de nuire à des proches pour me défendre, que d'avoir à essuyer leurs attaques. [7] Pour eux, bien éloignés d'être dans ces dispositions, ils viennent nous attaquer; ils ont appelé contre nous leurs amis et gagné des orateurs; ils emploient toutes leurs ressources, comme s'il était question de se venger de leurs ennemis, et non de dépouiller leurs proches. [8] Vous connaîtrez encore mieux leur impudence et leur basse cupidité, lorsque vous aurez entendu tous les faits. Je prendrai les choses au point où je pourrai vous instruire le plus brièvement de l'objet de notre contestation. [9] Quand nous eûmes perdu mon père, Dinias, son frère, en qualité d'oncle, fut notre tuteur; il était fort mal avec Cléonyme. Ce n'est pas à moi, sans doute, d'examiner celui des deux qui était cause de la rupture; je puis seulement leur reprocher à l'un et à l'autre qu'ayant toujours été amis, ils sont devenus ennemis sans nulle raison assez forte, sur de simples propos. [10] Au reste, Cléonyme, relevé de maladie, disait lui-même qu'il avait fait le testament en question, non pour sujet de plainte contre nous, mais par ressentiment contre Dinias. Comme celui-ci était notre tuteur, il craignait que si lui, Cléonyme, venait à mourir avant que nous fussions sortis de l'enfance, Dinias ne devînt maître de la succession qui devait nous revenir. Or, il ne pouvait soutenir l'idée qu'un frère avec lequel il était si mal devint tuteur et administrateur de ses biens, et que, vu notre minorité, celui qui avait été son ennemi pendant sa vie lui rendit les derniers devoirs après sa mort. [11] Ce fut dans cette pensée, soit qu'il eut tort ou raison, qu'il fit son testament. Dinias lui ayant demandé, aussitôt après, s'il avait à se plaindre de mon père ou de nous, il lui répondit, en présence d'un grand nombre de citoyens, qu'il n'avait rien à nous reprocher; il protesta que c'était par haine contre lui, son frère, et non par mauvaise intention contre nous, qu'il avait fait son testament. En effet, Athéniens, comment un homme de sens aurait-il voulu faire du mal à ceux dont il n'avait reçu aucun préjudice? [12] Mais ce qui doit être pour vous la plus forte preuve qu'il ne cherchait pas par son testament à nous faire tort, c'est que, depuis la mort de Dinias, voyant nos affaires en mauvais état, il ne nous laissa manquer de rien, il nous fit venir dans sa maison, nous éleva lui-même, nous conserva notre patrimoine, que des créanciers cherchaient à nous ravir; en un mot, il eut soin de nos affaires comme des siennes propres. [13] Or, c'est d'après cette conduite, et non d'après le testament, qu'il faut juger des sentiments du défunt : oui, c'est moins d'après les actes de la passion qui nous fait toujours commettre des fautes, qu'on doit raisonner sur le compte de Cléonyme, que d'après les démarches par où il a manifesté depuis sa volonté. [14] Considérez-le dans la dernière maladie dont il est mort : car c'est surtout dans les derniers jours de sa vie qu'il a montré comment il était disposé à notre égard. Voulant faire venir le magistrat pour annuler son testament, il chargea de cette commission Posidippe qui, loin de s'en acquitter, renvoya le magistrat, lequel s'était présenté de lui-même à la porte. Irrité contre Posidippe, le lendemain il chargea Dioclès de la même commission ; mais, quoiqu'on ne le crût pas dangereusement malade, et que même on eût beaucoup d'espérance, il mourut subitement pendant la nuit. [15] Je vais prouver par des témoins, d'abord que Cléonyme a fait le testament parce qu'il était mal avec Dinias, et non pour aucun sujet de plainte contre nous; ensuite qu'après la mort de Dinias, il eut soin de toutes nos affaires, il nous reçut dans sa maison et nous éleva lui-même; enfin que, voulant faire venir le juge de police, il chargea de cette commission Posidippe, qui, loin de s'en acquitter, renvoya Archonide, lequel s'était présenté de lui-même à la porte. [16] Pour certifier ce que je dis, greffier, fais paraître les témoins. (Les témoins paraissent.) Ce n'est pas tout : les amis de nos adversaires et Céphisandre voulaient qu'on fit le partage des biens de Cléonyme, et qu'on nous laissât le tiers de toute la succession. Greffier, appelle les témoins qui déposent de ce fait. (Les témoins déposent.) [17] Je crois, Athéniens, que, quand on réclame des successions, et que l'on montre, ainsi que nous, qu'on a pour soi et le droit du sang et l'amitié du défunt, il est inutile de fournir d'autres preuves. Mais, puisque des gens qui n'ont aucun de ces deux titres osent contester ce qui ne leur appartient pas, et cherchent à en imposer par des raisons fausses, je vais les attaquer dans leurs propres assertions. [18] Ils s'appuient du testament, et disent que Cléonyme a envoyé chercher le magistrat dans le dessein, non d'annuler, mais de confirmer la donation qu'il leur faisait. Or voyez, je vous prie, lequel est plus probable, ou que Cléonyme, lorsqu'il nous témoignait de l'amitié, voulût révoquer un testament fait dans la passion, ou qu'il prit des mesures pour nous priver plus sûrement de son héritage? [19] Il est ordinaire de se repentir par la suite des torts qu'on a faits même à des proches dont on n'est pas l'ami; et nos adversaires soutiennent que Cléonyme, lorsqu'il était le mieux disposé à notre égard, voulait confirmer le testament qu'il avait fait par haine contre son frère! Ainsi, Athéniens, quand nous conviendrions de ce qu'ils disent, et que vous les en croiriez, faites attention qu'ils taxent le défunt d'un excès de folie. [20] Quel égarement, en effet, aurait-ce été dans Cléonyme, après nous avoir frustrés de ses biens lorsqu'il en voulait à Dinias, après avoir fait un testament par lequel il faisait tort à ses proches plutôt qu'il ne se vengeait d'un ennemi ; quel égarement, dis-je, aurait-ce été de vouloir encore, ainsi que le disent nos adversaires, nous priver de sa succession, nous seuls ses propres neveux, et cela lorsqu'il avait pour nous le plus d'amitié? Quel homme, de sens rassis, se conduirait de la sorte? [21] La raison même qu'ils allèguent est donc pour vous un moyen facile de discerner la vérité. En effet, si Cléonyme envoyait chercher le magistrat pour annuler le testament, comme nous disons, leurs prétentions deviennent nulles; s'il était assez peu raisonnable pour ne faire aucune mention dans son testament de ceux qui lui étaient les plus proches et les plus attachés, vous devez casser un pareil testament. [22] Faites encore cette réflexion : ceux qui disent que Cléonyme appelait le magistrat pour confirmer leur donation, loin de le faire venir suivant l'ordre qu'ils en avaient reçu, l'ont renvoyé lorsqu'il se présentait. Or, comme, en ne le renvoyant pas, ils devaient voir leur donation ou confirmée ou annulée, il est clair qu'en le renvoyant ils se sont condamnés eux-mêmes. [23] C'est tout à fait invraisemblable? Ceux qui devaient gagner quelque chose de cela, comme s'ils ne devaient pas en souffrir, se dérobent au service demandé ; et Cléonyme pour sa part témoigne d'un tel zèle à les avantager qu'il se met en colère contre Posidippe parce qu'il a été négligeant, et renouvelle sa demande à Dioclès pour le lendemain ! [24] Si en effet, juges, ainsi que le prétendent nos adversaires, le testament, tel qu'il est rédigé maintenant, leur donne la fortune, il me semble qu'on doive s'étonner par quelles retouches Cléonyme croyait pensait le rendre plus effectif. En effet, pour tous, juges, c'est la forme la plus parfaite de la donation. [25] De plus, s'il voulait y ajouter quelque chose pour eux-mêmes, pourquoi ne l'a-t-il pas consigné sur une deuxième tablette, alors qu'il n'a pu se faire restituer son écrit par les magistrats. En effet l'annulation, juges, ne pouvait porter que sur l'acte déposé chez le magistrat ; mais un codicille pouvait être consigné ailleurs s'il le voulait, et ne nous laisser aucune possibilité de revendication. [26] Mais à supposer que le défunt ait voulu changer de testament; c'est que clairement pour vous il le considérait comme incorrect. Et donc vous reconnaissez l'effronterie de ces gens qui vous demandent de ratifier un testament alors que, de leur propre avis, le testateur lui-même ne l'estimait pas correct, et qui sollicitent de vous une décision contraire à la fois aux lois, à l'équité et aux intentions du défunt. [27] Ensuite, la plus impudente de toutes leurs assertions, c'est d'oser prétendre que Cléonyme voulait nous déshériter totalement. Pourtant, juges, qui eût-il voulu rendre maître de sa fortune de préférence à ceux de ses parents que sa fortune lui servit surtout à aider de son vivant ? [28] Et voici le plus surprenant de tout : Céphisandre, un parent de nos adversaires, croyait juste que chacun de nous eût une partie de l'héritage ; mais Cléonyme, qui était notre plus proche parent, qui nous avait pris chez lui, élevés, qui prenait soin de nos affaires comme des siennes, Cléonyme seul aurait voulu que nous n'ayions rien de l'héritage. [29] Qui de vous pourrait croire que notre adversaire soit plus aimable et plus prévenant envers nous que nos parents les plus proches ; le défunt qui était par devoir obligé de bien nous traiter et pour qui il aurait été honteux de nous négliger, ne nous aurait rien laissé de ses biens, tandis que ces gens, qui n'ont aucun engagement envers nous et dont la négligence n'implique pour nous aucun déshonneur, nous ont offert une partie de l'héritage auquel, comme ils disent, nous n'avons aucun droit ? Tout cela, juges, est parfaitement incroyables. [30] Et si Cléonyme avait eu les mêmes sentiments envers les deux parties au moment de sa mort qu'au moment où il fit son testament, on pourrait raisonnablement croire ce que racontent mes adversaires ; car c'est exactement le contraire. A ce moment il était en désaccord avec Dinias, qui nous servait de tuteur, et n'était pas encore en relations étroites avec nous, et était très bien disposé envers tous mes adversaires ; à l'heure de sa mort il s'était disputé avec certains d'entre eux, et s'était lié d'une amitié plus étroite avec nous qu'avec n'importe qui d'autre. [31] Les causes de la querelle entre mes adversaires et Cléonyme n'ont rien à voir ici ; mais je vais citer des preuves certaines de son existence, et je pourrai également produire des témoins. D'abord, quand il sacrifiait à Dionysos, il invita tous ses parents et en plus beaucoup d'autres citoyens, mais il laissa de côté Phérenique. Ensuite, quand, peu avant sa mort, il voyageait à Panorme avec Simon il rencontra Phérénique et ne lui adressa pas la parole. [32] En outre, quand Simon l'a interrogé sur la querelle, il a raconté les raisons de leur hostilité, et a menacé qu'un jour il montrerait à Pherenicus ce qu'il pensait de lui. Faites venir maintenant les témoins pour prouver la vérité de mes dires. Témoins. [33] Imaginez-vous, juges, que ce Cléonyme, ainsi disposé envers les deux parties, aurait agi ainsi envers nous, avec qui il a vécu si affectueusement, pour nous empêcher tout recours, alors qu'il aurait cherché des moyens de confirmer le legs de sa propriété entière à mes adversaires, avec une partie desquels il était en désaccord ? Et, bien que cette hostilité ait continué à exister, il aurait pensé davantage à eux, et, en dépit de l'intimité et de l'affection qui nous unissaient, il aurait essayé de nous léser ? [34] A mon avis, s'ils souhaitaient s'attaquer au testament et aux défunts, je ne sais pas ce qu'ils auraient encore pu dire de plus, puisqu'ils prétendent qu'il est incorrect et qu'il n'a pas l'accord du testateur, et ils l'accusent d'être si aliéné que, selon eux, il a fait plus de cas de ceux qui étaient en désaccord avec lui que de ceux pour qui il avait la plus grande affection, et qu'il laisse toute sa propriété à ceux avec qui de son vivant il n'adresssait pas la parole, alors qu'il ne considérait pas ceux avec qui il avait eu de forts liens d'amitié comme digne de la moindre partie de ses biens. [35] Qui de vous donc pourrait voter pour valider un testament, que le testateur a rejeté comme incorrect, et que nos adversaires sont tout prêts à annuler, puisqu'ils ont exprimé la volonté de partager la succession avec nous, et que, d'ailleurs, nous allons montrer qu'il est contraire à la loi, à l'équité et à l'intention du défunt ? [36] Vous pouvez mieux comprendre, je pense, la justice de notre réclamation par nos adversaires eux-mêmes. Si on leur demandait pour quelles raisons ils veulent hériter des biens de Cléonyme, ils pourraient répondre qu'ils sont liés d'une certaine façon à lui, et que pendant un certain temps il avaient des relations d'amitié avec lui. Cette réponse ne serait-elle pas en notre faveur plutôt qu'en la leur ? [37] Si le droit à la succession dépend de l'affinité, nous sommes les plus proches de lui ; s'il est basé sur l'amitié existante, il est connu de tous que c'était pour nous qu'il avait le plus d'affection. C'est pourquoi c'est de leur bouche et non de la nôtre que vous devez apprendre le bon droit. [38] Il serait donc très étrange si dans d'autres circonstances vous votiez en faveur de ceux qui prouvent qu'ils sont les plus proches parents ou amis des défunts, alors que maintenant vous décidiez que nous, qui, de l'avis de tous, possédons ces deux qualifications, nous serions les seuls à être privés de la succession. [39] Si Polyarque, le père de Cléonyme et notre père, étaient vivants et manquaient du nécessaire, ou si Cléonyme était mort en laissant des filles dans le besoin, nous serions obligés pour des raisons de parenté de soutenir notre père, et ou bien nous-mêmes d'épouser les filles de Cléonyme ou bien leur fournir une dot et leur trouver d'autres maris - la parenté, les lois et l'opinion publique à Athènes nous auraient forcés à le faire ou bien nous serions exposés à une lourde peine et au pire déshonneur - [40] Mais si maintenant il a laissé des biens, considérerez-vous juste que d'autres en héritent plutôt que nous ? Votre verdict, alors, ne serait juste ni dans votre propre intérêt ni pour l'harmonie de la loi, si vous forciez les plus proches parents à partager les malheurs de leurs parents, mais, quand il reste de l'argent, vous le donniez à n'importe qui plutôt qu'à ceux qui ont droit à l'héritage. [41] Il faut, juges, que, selon votre habitude, vous rendiez votre verdict, en vous basant sur les raisons d'affinité et sur la véracité des faits, en faveur de ceux qui réclament par droit de parenté plutôt qu'en faveur de ceux qui se réclament d'un testament. Tous connaissent les liens : ce qu'est une famille, et il est impossible de vous tromper sur ce point ; au contraire, on a produit souvent de fausses dernières volontés - parfois des contrefaçons, parfois conçues sans aucun sens. [42] Dans le cas présent, vous voyez tous que c'est notre parenté et nos relations avec le défunt, qui sont la base de notre réclamation ; mais aucun de vous n'a aucune idée de la validité du testament, sur lequel nos adversaires s'appuient pour s'attaquer à nous. De plus, vous constaterez que notre parenté avec le défunt est admise même par nos adversaires, alors que le testament est contestée par nous, parce que ils ont empêché le défunt de l'annuler quand il souhaitait le faire. [43] Ainsi, juges, il vaut bien mieux que vous rendiez votre verdict sur base de notre parenté, qui est admise par les deux parties, plutôt que sur base d'un testament qui n'a pas été correctement rédigé. Et si Cléonyme a fait son testament dans un mauvais moment sous l'emprise de la passion et qu'il l'a annulé quand il fut revenu à la raison, il serait donc extraordinaire de prendre plus au sérieux une passion momentanée qu'une décision raisonnée. [44] Je pense que vous considérez vous-même comme votre droit d'hériter - et vous considéreriez le contraire comme une injustice - de ceux qui ont le droit d'hériter de vous. Si donc Cléonyme était vivant et que notre famille ou celle de nos adversaires disparaissait, considèrez de qui Cléonyme aurait hérité ; il est donc juste que ses biens reviennent à ceux dont les biens auraient dû lui revenir. [45] Si Phérénice ou un de ses frères étaient mort, leurs enfants, et non Cléonyme, auraient eu le droit de devenir propriétaires de leurs biens. Si, d'autre part, un tel malheur nous était arrivé, Cléonyme devenait héritier de tout ; nous n'avions pas d'enfants ni d'autres parents, car il était le plus proche parent et il avait le plus de liens d'affection ; [46] C'est pour ces raisons que les lois lui attribuaient le droit à l'héritage, et nous n'aurions jamais pensé donner ce legs à un autre. Nous n'aurions jamais, j'imagine, tant que nous vivions, laissé notre propriété dans ses mains de telle façon qu'il ait eu plus de pouvoir que nous sur nos biens, pour, en mourant, souhaiter d'autres hériters que notre meilleur ami. [47] Ainsi, juges, pour donner ou pour recevoir, vous trouverez en nous des parents qualifiés, alors que mes adversaires agissent avec insolence et parlent d'intimité et d'affinité étroites, parce qu'ils comptent en profiter. S'il s'était agi de donner quelque chose, il y a beaucoup de parents et d'amis qu'ils auraient préférés plus près et plus chers que Cléonyme. [48] Voici le réumé ce que j'ai dit, et je vous prie d'y prêter une attention toute particulière. Pendant que mes adversaires essayent par leurs arguments de vous persuader que ce testament représente les volontés de Cléonyme, et qu'il n'a jamais regrétté plus tard de l'avoir rédigé, mais qu'il souhaitait toujours ne rien nous donner de ses biens et leur léguer. [49] Pendant qu'ils énoncent et insistent sur tous ces points, jamais ils ne prouvent vraiment ni l'un ni l'autre qu'ils sont les plus proches parents de Cléonyme ou qu'ils étaient plus intimes avec lui que nous - rappelez-vous qu'ils l'accusent simplement et ne vous démontrent pas la justice de leur cause. [50] Si donc vous croyez ce qu'ils disent, vous ne devez pas les déclarer héritiers des biens de Cléonyme mais considérer Cléonyme comme fou. Mais si vous croyez ce que nous disons, vous devez considérer que Cléonyme a agi sainement quand il a souhaité annuler le testament, et que nous ne cherchons pas de vaines disputes mais que nous ne faisons qu'une juste réclamation. [51] Pour terminer, juges, rappelez-vous qu'il est impossible que vous portiez un verdict sur la base de leurs arguments ; il serait extraordinaire que quand nos adversaires disent que nous avons droit en justice à une partie de l'héritage, vous décidiez de leur en donner la totalité, et que vous prétendiez qu'ils doivent recevoir plus que la quantité qu'ils ne demandent eux-mêmes, alors que vous ne nous attribuez pas même ce que nos adversaires nous concèdent.