[11] Ses officiers lui construisirent par son ordre un beau palais à Paris; et voulant l’honorer par sa présence le jour de Pâques, il commanda qu’on y préparât un grand repas, selon l’usage royal. Comme il allait prendre de l’eau, pour se laver les mains, un aveugle qui était là dans la foule des pauvres, qui lui étaient un cortège perpétuel, s’approcha du roi, et le pria de lui jeter de l’eau sur la figure et d’offrir pour lui une humble prière. Le roi accueillit par manière de jeu la demande du pauvre; et lorsqu’il eut l’eau sur les mains il lui en lança au visage: aussitôt l’aveugle, à la vue de tous les grands qui étaient présents, recouvra l’usage des yeux par l’attouchement de l’eau. Tous louèrent le Seigneur; et le pauvre, content, s’assit au banquet avec les convives. Pendant tout le jour on n’eut au repas d’autre entretien que de louer sur ce miracle le Dieu tout-puissant. Peut-être les discours des convives eussent été vains et inutiles, s’ils n’eussent pas été éclairés en cette journée d’une si grande lumière; et certes, on ne peut raisonnablement s’étonner que le roi ait fréquemment honoré de sa présence ce palais, que la vertu divine a illustré par un tel miracle, et a consacré par la joie du peuple, le premier jour où ce pieux roi a voulu y prendre son repas. [12] Ce vertueux prince, vivant de la vie des justes, s’appliquait à ne pas permettre le mensonge à sa bouche, et à dire la vérité du cœur et dès lèvres; il jurait souvent par la foi du Seigneur; mais voulant rendre les siens innocents comme lui, lorsqu’ils lui prêteraient serment, il fit faire un reliquaire de cristal, orné tout autour d’or pur, mais qui ne renfermait point d’os des saints. Ses grands, ignorant cette pieuse fraude, juraient dessus; il en fit construire un autre d’argent, dans lequel il mit un œuf d’un certain oiseau nommé griffon, et sur ce vase il faisait prêter serment de fidélité aux gens moins puissants, et à ceux des campagnes. Oh! combien convenaient parfaitement à ce saint homme les paroles du prophète sacré, lorsqu’il disait: « Il a habité dans le tabernacle du très Haut, celui qui a dit la vérité dans son cœur, qui n’a pas eu de fausseté sur les lèvres, qui n’a pas fait de mal à son prochain, et n’a pas cherché à lui nuire. » [13] Il faut dire en peu de paroles combien ce roi posséda la vertu d’humilité. Tenant une assemblée avec les évêques de son royaume, et les regardant l’un après l’autre, il en vit un accablé par son embonpoint, et dont les pieds pendaient de haut; conduit par un sentiment de piété, il chercha des yeux un tabouret, et, en trouva un. Alors ce roi, cher à Dieu et aux hommes, le prit dans ses mains, voulut lui-même l’offrir à ce pontife, et ne dédaigna pas de le lui poser lui-même sous les pieds. C’était l’évêque de Langres, nommé Lambert, et puissant par la science, la religion et la bonté. Tous les évêques et les princes furent dans une telle admiration de cette action, qu’ils proclamèrent à plusieurs reprises Robert un roi humble et parfait. [14] En effet, ce prince, aimé de Dieu, ne perdit pas le souvenir de la sainte loi, et se la rappela dans toutes ses actions. Il savait bien qu’il est écrit « La science est la vertu, et l’humilité sainte est gardienne de la vertu. » Et il connaissait ces paroles du bienheureux pape Grégoire: « Celui qui recueille des vertus sans humilité, porte de la poussière au vent. » Il avait lu ce qu’a dit un Père: « Tout travail sans humilité est vain; le signe de l’humilité donne le royaume des cieux. » Nous donc Dieu, afin que ce prédestiné, qui a déposé toute l’enflure de l’orgueil, et s’est uni à Jésus, son Dieu, par la vertu de la sainte humilité, lui soit uni de même di l’éternité; qu’au jour du jugement, il soit placé à la droite du Seigneur, q Jésus-Christ ne trouve rien à condamner en lui, et que par son immense miséricorde, il le conduise à la couronne de gloire, qu’il a promise à ceux qui l’aiment; car ce Dieu, que ce saint roi a tant et tellement aimé cru et désiré, est le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, et l’espérance des fidèles! [15] Cet humble roi Robert, qui rejetait loin de lui tout orgueil, et doit être nommé avec toute sorte d’amour, s’étudiait à plaire par ses vertus à celui qui habite dans les cieux. Il évitait les personnages élevés, et accueillait autant qu’il pouvait les obscurs, afin qu’ils rendissent au vrai Dieu des hommages véritables. Il suivait en cela l’exemple du vénérable Ambroise, évêque de Milan, qui livra, pour s’être enflés d’orgueil, à d’immenses gémissements deux clercs de son église, jusqu’à ce que, corrigés par la verge de la discipline sacerdotale, ils eussent foulé aux pieds leur superbe, et appris l’humilité. Ce même saint pontife a soin de décrire, dans son Traité du déluge et de l’arche de Noé les habitudes des orgueilleux, de même que les racontait le prophète Isaïe, au sujet filles de Judée, qui brillaient par leurs mouvements d’yeux, et marchaient en portant la tête haute; car il y a des gens qui élève leurs sourcils, enflent leurs cœurs, gonflent leur poitrine, reculent la tête en arrière, frappe fortement le sol de leurs pieds, se balancent le corps , et se couvrent de vains ornements. Au premier pas, ils marchent en avant, et au second, se renversent en arrière, Ils regardent le ciel, méprisent la terre, et on dirait que, tourmentés de douleurs de tête, ils ne peuvent la baisser. Dieu les a rayés du livre de vie, en disant: « Celui qui s’élève sera humilié; » et il ne les inscrira pas dans les célestes histoires des mérites des saints; c’est pourquoi nous disons tout cela, afin que tous connaissent combien ce grand empereur des Français a méprisé le monde, et combien son humilité lui a acquis le royaume des cieux. [16] Hugues, aïeul de ce grand roi, et nommé Grand, pour sa piété, sa bonté et son courage, avait construit magnifiquement avec son fils un monastère dédié à saint Magloire, confesseur de Jésus-Christ, et situé à Paris; il y avait placé des moines, destinés à vivre sous la règle de saint Benoît, et avait enrichi ce lieu par l’or, l’argent, et d’autres ornements, pour son salut, celui de son fils et celui de sa postérité future. Adélaïde, déjà nommée comme mère de Robert, reine admirable par s sainte piété, fonda aussi le monastère de Saint-Frambault, dans la ville de Senlis; elle y mit douze clercs pour servir Dieu, et leur fournit abondamment de quoi vivre; elle bâtit aussi un couvent à Argenteuil, ville dans le territoire de Paris, où elle assembla un nombre égal de du Seigneur qui devaient y servir Dieu sous la règle de saint Benoît, et qu’elle voulut consacrer et dédier sous l’invocation de la bienheureuse Marie, mère de Dieu, et toujours vierge, à la louange et à la gloire du Dieu tout qui seul inspire tout bien Elle fit don encore à saint Martin, évêque, d’une chasuble travaillée en or très pur. On y voyait, entre les épaules, la majesté du pontife éternel, et les chérubins et les séraphins, humiliant leurs têtes devant le Dominateur de toutes choses. Sur la poitrine, l’agneau de Dieu, victime de notre rédemption, liant quatre bêtes de divers pays qui adoraient le Seigneur de gloire. Elle fit aussi, pour ce bienheureux confesseur, une chappe tissue d’or, et deux d’argent. Elle fabrique aussi pour saint Denis, son protecteur spécial après le Seigneur, une chasuble faite de même, et d’un travail admirable. Elle lui offrit aussi, comme il convenait à une telle femme, un ornement appelé le globe de la terre, et semblable à celui de Charles le Chauve. Cette reine, fidèle à Dieu, espérait ainsi se concilier la faveur de ce saint, à qui Dieu a promis par un fidèle serment de lui accorder ce qu’il lui demanderait pour quelqu’un; et toute la famille de cette reine se proclamait, dévouée en toutes choses à un si grand martyr, rendant à son Dieu l’hommage d’une profonde obéissance, comme il convient à des serviteurs. Les amis particuliers de cette maison étaient la bienheureuse Marie, saint Benoît père et chef des moines, saint Martin, saint Aignan, et les victorieux martyrs Corneille et Cyprien. Mais les plus vénérés de tous par cette race, étaient le glorieux martyr Denis, et l’illustre vierge Geneviève. On rapporte que Hugues en mourant, dit à son fils: [17] « Bon fils, je t’adjure, au nom de la sainte et indivisible Trinité, de ne pas livrer ton âme aux conseils des flatteurs, et de ne pas écouter les vœux de leur ambition, en leur faisant un don empoisonné de ces abbayes que je te confie pour toujours; je souhaite également qu’il ne t’arrive point, conduit par la légèreté d’esprit, ou ému par la colère, de distraire ou enlever quelque chose de leurs biens: mais je te recommande surtout de veiller à ce que, pour aucune raison, tu ne déplaises jamais à leur chef commun, le grand saint Benoît, qui est un accès sûr, auprès du souverain juge, un port de tranquillité, et un asile de sûreté, après la sortie de la chair. » [18] Il faut raconter en peu de paroles les bonnes œuvres que fit cette servante de Dieu, mère du sage roi Robert. Quand il était enfant, il fut attaqué d’une grave maladie, dont le danger inquiétait son père et sa mère; c’est pourquoi elle donna à l’église que saint Évurce avait bâtie, avec l’aide de Dieu, dans l’ancienne ville d’Orléans, et que, selon le rite ecclésiastique, il avait consacrée à l’honneur de la croix sainte et vivifiante, une image de Notre-Seigneur sur la croix, en or pur, afin que Dieu sauvât de la mort celui que sa toute-puissance avait déjà marqué pour régner sur la terre, et qu’il délivra par sa volonté. Hugues, de son côté, avait donné aussi à l’église de la Croix, et pour obtenir la santé de son fils, un vase d’argent pesant soixante livres, et qui est demeuré, dans ce lieu saint jusqu’à nos jours. Robert, devenu homme par son âge et ses vertus, et serviteur du Dieu tout-puissant, à qui il plaisait par ses louanges et ses discours, étant accablé de chagrin, rendit, par un don, l’église de cette sainte croix qui porte le salut, et pour qu’elle fût célébrée dans tous les siècles, toutes les terres qui lui avaient appartenu, et que Foulques, évêque d’Orléans, avait données, à Beauvais, au puissant Hugues pour obtenir son secours. Il aima toujours spécialement cette ville d’Orléans où il était né, avait été élevé, et depuis régénéré dans l’eau et l’Esprit-Saint, et où, après son élévation au trône, il avait reçu une bénédiction solennelle. L’illustre Thierri, évêque de cette ville, dont la voix publiait dignement les louanges du Seigneur, voulut laisser une mémoire de lui dans le monastère de la sainte Croix, et ordonna qu’on fît un vase du prix de cent sous d’or pur, dans lequel on consacrerait le sang de notre Seigneur Jésus-Christ. L’humble roi voulut se joindre à ce dessein d’un si grand pontife, et, touché de l’amour divin, fit faire, pour servir avec le saint calice, une patène pour y produire le corps du sauveur du monde, afin que sur l’autel fût la fois le signe de la croix et la sainte passion, vraie rédemption des corps et des âmes. Il donna encore à l’évêque Odolric un vêtement sacerdotal, pour qu’il parût entouré d’or et de pourpre lorsqu’il se présenterait à l’autel du Seigneur. Ce généreux prince donna encore à l’église de la sainte Croix un petit vase d’albâtre du prix de soixante livres, et en même temps un manipule d’argent. Il donna aussi trois précieux manteaux pour l’ornement du lieu saint, pour son salut et celui de ses enfants, et beaucoup d’autres choses dont l’écriture ne peut dire le nombre ni la qualité. Il revêtit d’or, d’argent, de pierres précieuses, les corps des saints martyrs Savinien et Potentien, qui ont souffert, auprès de Sens, une mort très cruelle, afin que le monde se confiât en ceux qu’un roi, digne de louanges, honorait de telle sorte sur la terre. De plus, par une grande bonté, il accorda la pêcherie de la Loire, et confirma ce don par un édit, au patriarche saint Benoît et aux siens, auxquels il fut toujours attaché de cœur pour leur admirable vie dans toute l’étendue de la terre. Il ne leur demanda en retour que le secours de leurs prières; il affermit de plus, par sa royale autorité, l’ordonnance d’immunité du lieu nommé Fleury, et de toutes les choses destinées au service du monastère, et ce bon et sage prince la scella de son sceau. Il montra clairement, par ses dons d’ornements ecclésiastiques, son respect pour saint Benoît, qu’il aima chèrement, car il fit présent d’un pallium précieux à l’autel de la sainte Mère de Dieu, après l’incendie qui fut pour le lieu saint une très grande calamité; et il orna son sanctuaire d’un admirable encensoir embelli d’or et de pierreries, et qui s’élevait facilement en haut. Il était placé à merveille auprès de celui en or pur que l’abbé Gosselin avait fait faire par un habile ouvrier, et dont le travail brille au-dessus des plus bel les choses que nous ayons vues et décrites dans l’église de Fleury. Robert rebâtit aussi de nouveau, à Autun, ville considérable, pays des Éduens, le monastère qui était dédié à saint Cassien, confesseur, et tombé en ruines. Il y plaça des ministres de Dieu, rétablit l’abbaye dans son premier état, et fournit à la dépense de ceux qui serviraient Dieu et le saint dans ce lieu, car son étude fut toujours d’accomplir en toutes choses la volonté du Seigneur. [19] Le palais de Compiègne souffrit un dommage par un vol fait à ce noble roi. On était aux jour de la Pentecôte, où le Saint-Esprit remplit les âmes et purifie les cœurs des fidèles, afin qu’ils se rendent agréables au Père et au Fils, dont la gloire est égale à la sienne. Robert, ce père et roi glorieux, voulut s’associer comme roi, Hugues, son fils, jeune homme d’une très haute noblesse. Le monde entier se hâtait plein de joie pour l’accomplissement de cette volonté, parce qu’il se réjouissait de cet événement, à cause de l’immense bonté du père et du fils que la terre entière connaissait. Ce bon jeune homme était d’une grande probité, accueillait et aimait tout le monde, ne méprisait personne, et fut toujours chéri et aima de tous. Le premier jour des fêtes se passa avec la bénédiction de Dieu; Robert se réjouissait de son fils, et était plein d’une immense joie. Il lui fit cette exhortation: « Vois, mon fils, souviens-toi toujours de Dieu qui t’associe aujourd’hui à la couronne, et plais-toi toujours dans les chemins de l’équité et de la vertu, et je prie le Seigneur de permettre que je voie cela et qu’il m’accorde de te voir faire sa volonté, que trouvent toujours ceux qui la cherchent. » Pendant ces fêtes solennelles, un certain clerc médita dans son méchant cœur de mauvaises choses, et se dépêcha de les accomplir. Le roi, cet homme de Dieu, avait dans ses trésors une figure de cerf faite en argent très pur, sur laquelle il comptait pour les fêtes. Il avait reçu ce présent de Richard, duc des Normands, qui le lui avait donna pour des usages ordinaires; mais ce prince, doux dans ses discours, doux dans ses pensées, voulait l’offrir au Dieu tout-puissant. Un vase de corne, où on portait le vin pour célébrer le saint sacrifice, était joint à cet ornement. Ce scélérat et méchant clerc les regarda, les prit, et les enfonça dans ses bottines. Mais il ne pût trouver qui les vendre, ni comment il pourrait détruire la figure du cerf; et l’on doit croire que ce fut par les mérites de ce pieux roi, qui était fidèle à Dieu de tout son cœur, que ces effets furent conservés; car le troisième jour du sabbat, tandis que Robert conversait dans l’oratoire de la tour de Charles avec quelqu’un avec qui il était très familier, le voleur y vint, se plaça devant l’autel, y répandit d’inutiles prières, poussa de longs soupirs, plaça ce qu’il avait volé, ainsi que la coupe, sous la nappe de l’autel, et le malheureux s’en alla sans savoir quels yeux avaient été fixés sur lui. Le roi interrompit sa conversation, s’approcha doucement de l’autel avec son ami, et reprenant ses effets, les remit gaîment à un serviteur et défendit à son compagnon, tant que cet homme vivrait, de faire connaître son nom, ou de lui causer quelque honte. [20] Mais nous verrons s’opposer à notre narration le mauvais esprit de ceux qui ne veulent pas pratiquer le bien et ne rougissent pas de haïr ceux qui le font, ni de mordre méchamment au talon quand ils le peuvent. Ces gens-là, lorsque quelque faute tenant à la fragilité humaine est commise, aboient comme des chien et n’ont pas honte de la mettre en avant pour obscurcir toutes les bonnes œuvres, et de déchirer la réputation d’un si saint homme. « Non, diront-ils, les actions saintes rapportées ici de lui n’auront pas été utiles au salut de son âme, car il n’a pas eu horreur du crime d’une union illégitime, et il a épousé une femme qui lui était jointe par une affinité spirituelle et les liens du sang. » Il faut réprimer leur haine par les paroles de l’Écriture sainte; mais pour qu’ils ne disent pas qu’on leur ferme la bouche, qu’ils nous indiquent quelqu’un sans péché; qui donc se peut glorifier d’avoir, le cœur chaste, lorsque l’Écriture affirme que même l’enfant d’un jour n’est pas pur? Si toutefois j’ai dit cela pour réprimer la folie d’insensés, je ne tairai pas la faute de cet homme pénitent. De même que saint David, transgressant la loi, désira criminellement et enleva Bethsabée, ainsi Robert, agissant contre les lois de la sainte foi, s’unit illégitimement avec la femme dont il s’agit: David pécha doublement, non seulement par sa liaison avec Bethsabée, mais encore par la mort de son innocent époux; Robert aima mieux offenser Dieu que de conserver son lit pur d’une femme qui lui était interdite par deux raison; mais le vrai médecin du genre humain voulut bien par sa miséricorde guérir les blessures de l’un et de l’autre, celles de David, lorsque, après avoir entendu de la bouche du prophète Nathan la parabole de la brebis unique du pauvre, et des nombreux troupeaux du riche, il se fut reconnu coupable, et eut avoué qu’il avait péché; celles de Robert, par l’entremise du saint et vénérable Abbon, que Dieu avait choisi pour abbé de Fleury, qui, par la grâce de Jésus-Christ, brillait par ses miracles, et qui, méprisant la crainte de la mort, reprit le roi en public et en particulier. Ce saint personnage continua ses reproches jusqu’à ce que le bon roi eût reconnu sa faute, abandonné définitivement la femme qu’il ne lui était pas permis de posséder; et lavé de son péché par une satisfaction agréable à Dieu, l’un et l’autre roi fut réprimandé par Dieu, et couronné par lui, car il voulut, par sa sainte volonté, que ces deux rois, que la nature avait mis nus au monde, fussent grands et glorieux devant le monde, et parce que, comme dit l’Écriture, Dieu souffre qu’on désobéisse à sa volonté, et que, par une bénigne intention, il permet que les siens succombent au péché, afin qu’ils se reconnaissent semblables aux autres hommes, et qu’ils passent le reste de leur vie dans l’assiduité aux veilles et aux oraisons, qu’ils supportent les diverses souffrances du corps, et que le témoignage de l’Écriture soit, accompli en eux, lorsqu’elle dit: « Dieu corrige ceux qu’il aime, et il châtie le fils qu’il adopte, » David et Robert péchèrent, ce qui est habituel aux rois; mais visités de Dieu, tous deux gémirent, pleurèrent, firent pénitence, ce dont les rois n’ont pas coutume. En effet, à l’exemple du bienheureux David, Robert, notre seigneur, avoua sa faute, demanda l’absolution, déplora sa faiblesse, jeûna, pria, et transmit aux siècles futurs le témoignage de sa douleur publique, avec la confession de son péché. « Le roi n’a pas rougi de confesser ce que des particuliers n’ont pas honte de commettre. Ceux qui sont tenus par des lois osent nier leur faute, et dédaignent de réclamer l’indulgence que demandait celui qui n’était soumis à aucune des règles humaines. Le péché vient de la nature humaine, la confession, de la grâce divine. » La faute est commune, l’aveu rare; cela tient la condition de l’homme d’avoir péché, à la vertu de l’avoir avoué. Robert ne s’est pas cru trop grand pour cela, car il savait que Dieu doit être craint par les grands et les petits, et que les divines Écritures instruisent ainsi les puissants: « Plus tu es grand, plus tu dois t’humilier devant le Seigneur, et tu trouveras grâce devant Dieu. » Cet humble roi, absous selon les lois, était coupable selon sa conscience, et désirant être délivré des chaines du péché, il demanda le secours divin, pour être purifié de la tache de tout crime. Ce roi, doux et humble de cœur fit des actions remarquables de piété et de bénignité, si bien qu’il pardonna souvent à ses ennemi et crut devoir toujours s’abstenir de leur mort; il n’est donc pas extraordinaire qu’il déplorât tant une faute nuisible à lui-même; c’est pourquoi il demanda d’être délivré des péchés mortels, loua le Seigneur son Dieu, proclama l’équité de ses jugements, et glorifia par sa bouche la justice descendant du ciel, et qui s’incarna dans le sein de la Vierge très pure.