[0] LES MORALES DE SAINT GRÉGOIRE, PAPE DE ROME, SUR LE LIVRE DE JOB. LETTRE DE SAINT GRÉGOIRE, PAPE DE ROME, À SAINT LÉANDRE, ARCHEVÊQUE DE SÉVILLE, sur ses Morales, ou son Exposition du Livre de Job, qu'il lui envoyait. [1] GRÉGOIRE, serviteur des serviteurs de Dieu, à mon très révérend et très saint frère Léandre, mon collègue dans l'épiscopat. Il y a déjà longtemps, mon bienheureux frère, que, vous ayant connu dans la ville de Constantinople lorsque les ordres du siège apostolique m'y arrêtaient, et que l'ambassade où vous aviez été engagé pour les affaires des Wisigoths vous y avait appelé, je vous ai découvert avec confiance tout ce que je trouvais à redire en moi. Et en effet, encore que Dieu m'eût inspiré le désir du ciel, et que je demeurasse persuadé qu'il m'était meilleur de quitter la vie du monde, je différais néanmoins durant plusieurs années ma conversion. Je découvrais dès lors assez clairement les beautés de l'éternité, pour les aimer et les rechercher; mais j'étais lié si étroitement des chaînes de mes vieilles habitudes, qu'il ne m'était pas possible de changer à l'extérieur ma manière ordinaire de vivre. Et quoiqu'il me semblât n'y être plus retenu qu'en apparence, cependant les soins des choses du monde venant à se multiplier de jour en jour m'accablèrent de telle sorte que je m'y trouvai engagé non plus seulement de corps et d'apparence, mais même d'esprit et de volonté. [2] Enfin désirant avec ardeur de me délivrer de ces embarras, je me retirai dans le port favorable du monastère; et abandonnant toutes les choses de la terre, ainsi que je le crus alors trop facilement, je me sauvais tout nu du funeste naufrage du monde. Mais comme l'effort de la tempête quand elle augmente, arrache souvent une barque du rivage le plus à l'abri lorsqu'on n'a pas assez soigneusement assuré les câbles qui l'y retenaient; de même en prenant les ordres sacrés sous prétexte de servir l'Eglise, je me trouvai tout d'un coup emporté dans la pleine mer des affaires séculières. Et pour n'avoir pas conservé avec assez de fermeté la paix dont je jouissais dans le monastère, j'ai reconnu, en la perdant, de quelle importance il est de la conserver quand on la possède. Comme donc pour m'engager dans le ministère des saints autels l'on m'opposa la vertu de l'obéissance, j'acceptai alors, sous le prétexte du bien de l'Eglise, un fardeau dont à présent je me délivrerais bien vite par ma fuite s'il m'était permis. [3] Ensuite, quelque résistance que je pusse faire, on ajouta au ministère de l'autel, dont je ne ressentais déjà que trop l'excessive pesanteur, le poids de la charge pastorale. Ce qui m'est à présent d'autant plus insupportable que, m'en reconnaissant indigne, il ne me reste aucun sujet de confiance qui puisse me consoler. Car, comme les maux qui troublent maintenant le monde dans sa décadence se multiplient tous les jours, nous nous trouvons aussi à toute heure embarrassé à l'extérieur en de nouveaux soins, pendant que l'on nous croit tout occupé intérieurement aux fonctions des divins mystères. Et en effet, lorsque je suis entré dans le ministère du saint autel, il m'est arrivé, sans néanmoins le savoir alors, que le poids de l'ordre sacré dont on m'a chargé n'a servi qu'à me donner plus de liberté de suivre la cour et de fréquenter les palais des princes. Plusieurs religieux du monastère où j'étais, étant attachés à moi par une charité inséparable, ont voulu m'y accompagner. Et je reconnais que cela s'est fait par un ordre favorable de la divine Miséricorde, afin que leur saint exemple, comme un ancre salutaire, me tînt attaché au rivage tranquille de l'oraison, malgré l'agitation continuelle des affaires de ce monde, auxquelles j'étais exposé. Ainsi lorsque je me voyais, pour ainsi dire, battu des flots de ces distractions séculières, je me retirais en leur sainte société, comme à l'abri d'un port assuré. Et quoique l'emploi pour lequel on m'avait obligé de sortir du monastère me fît comme mourir à la vie tranquille, par l'épée des occupations extérieures où il m'engageait, je ne laissais pas néanmoins au milieu de ces dissipations importunes d'aller tous les jours reprendre une vie nouvelle, et ranimer mes sentiments de componction dans de saintes lectures et de salutaires entretiens avec mes frères. [4] Ce fut alors, ainsi que vous pouvez vous en souvenir, qu'ils me pressèrent avec grande instance, et que vous-même m'y obligeâtes, de leur expliquer le livre de Job, et leur découvrir, selon les forces que m'en donnerait la souveraine Vérité, les profonds mystères qui y sont cachés. Ils ajoutèrent à leur première demande, qu'ils souhaitaient non seulement que je leur exposasse le sens allégorique de l'histoire, mais qu'en tirant ensuite la moralité, je montrasse la manière de la réduire en pratique pour la conduite de la vie chrétienne. Ils m'imposèrent encore un travail plus rude et plus difficile, à savoir de fortifier de témoignages et d'autorités de l'Ecriture les vérités que je leur aurais exposées; et que si les passages que je leur apporterais paraissaient obscurs, j'ajoutasse une explication particulière pour les éclaircir. Mais aussitôt que j'eus plus particulièrement considéré la grandeur et la difficulté de cet ouvrage, que jusqu'à présent personne n'avait encore entrepris, je reconnus qu'il m'engageait à tant et de telles choses, que j'avoue qu'à la seule vue de ce travail je me trouvai accablé de lassitude et succombai sous sa pesanteur. Mais ayant levé les yeux de l'esprit vers le souverain Distributeur de toutes les grâces, lorsque j'étais ainsi partagé entre la crainte de la grandeur de l'entreprise et le désir de satisfaire mes frères, je fus incontinent persuadé que ce que la charité de leurs coeurs demandait de moi ne pouvait m'être impossible. Quand je réfléchissais à mon peu de capacité, je désespérais d'y réussir, mais cette défiance en mes propres forces me rendait plus fort, en me portant à avoir recours à Celui qui a fait parler les muets, qui a rendu éloquentes les langues mêmes des enfants, et qui a autrefois changé les cris brutaux et désordonnés d'une bête en des paroles humaines et raisonnables. Y a-t-il donc sujet de s'étonner de ce que Dieu donne de l'entendement à un homme peu intelligent, puisqu'Il a fait annoncer sa Vérité quand il Lui a plu, par la bouche des animaux irraisonnables ? [5] Me trouvant ainsi animé par la force de cette considération, j'ai excité l'aridité et la faiblesse de mon esprit à sonder la profondeur de cette source infinie. Car encore que ceux qui m'obligeaient à leur faire cette exposition de l'Ecriture, me surpassassent infiniment par le mérite de leur vie, j'ai cru néanmoins que ce n'était point une chose indigne qu'un chétif canal de plomb servît à répandre des eaux salutaires pour les usages de l'homme. Je récitai le commencement de cet ouvrage en la présence de mes frères, puis ayant eu un peu de temps, je dictai le reste en divers traités. Et parce que j'eus ensuite un plus grand loisir de le revoir, j'y ajoutai beaucoup de choses; j'en retranchai quelques-unes; et en ayant laissé d'autres sans y toucher, je remis en un meilleur ordre tout ce que l'on en avait écrit pendant que je le récitais à mes frères : et je pris soin de remarquer dans la révision de cet ouvrage quel avait été le style de la première partie, pour y conformer celles qui avaient depuis été faites. Je m'appliquai donc autant qu'il me fut possible non seulement à rendre les premiers discours, que j'avais faits dans ces conférences, conformes à ceux que j'avais dictés, mais aussi à réduire ces derniers, que j'avais dictés, à un style qui ne fût pas éloigné de celui des conférences : afin qu'en relevant un peu le style du commencement, et tempérant celui de la fin, je pusse former un corps uniforme de parties différemment composées. Quoiqu'il soit vrai que la troisième partie, que j'ai récitée devant mes frères, soit presque demeurée comme elle était; parce qu'en m'obligeant à passer promptement au reste, ils m'ont empêché d'employer plus de temps à la corriger. Et parce qu'ils me posaient plusieurs questions, j'ai été engagé, pour les satisfaire, tantôt à m'étendre dans l'explication de l'histoire, tantôt à m'élever dans la contemplation et tantôt à entrer dans la morale; de sorte que j'en ai composé trente-cinq livres que j'ai partagés en six volumes. [6] Il semble aussi quelquefois que j'abandonne l'ordre et la suite de l'explication que j'ai entreprise, et que je me donne tout entier à la contemplation et à la moralité. Mais il faut savoir que quiconque parle de Dieu doit nécessairement s'étendre sur ce qui instruit et édifie davantage les moeurs de ceux qui l'écoutent, et croire que le meilleur ordre qu'il puisse suivre dans son ouvrage est de s'écarter de son sujet principal dès lors que se présente une occasion de procurer le bien et l'avantage de son prochain. Car il doit en cette circonstance imiter le cours des grands fleuves qui, trouvant quelquefois à leurs côtés des campagnes basses, y répandent salutairement leurs eaux, et après qu'ils les ont remplies, rentrent aussitôt dans leur canal. De même si celui qui explique la Parole de Dieu trouve occasion de servir à l'édification de son prochain, il doit aussitôt, ainsi qu'un fleuve bénin, répandre les eaux de son discours dans ces campagnes arides, jusqu'à ce que, jugeant les avoir assez abreuvées, il retourne à son premier sujet, comme dans le lit naturel où il fait son cours ordinaire. [7] Il faut aussi remarquer qu'il y a des choses que nous traitons en peu de mots selon la vérité de l'histoire, d'autres dont nous recherchons des sens allégoriques et figurés, d'autres dont nous ne tirons que la seule moralité et d'autres enfin que nous expliquons avec plus de soin tout à la fois de ces trois manières. Car nous établissons d'abord l'histoire comme le premier fondement de notre discours, ensuite, par le sens allégorique, nous élevons le bâtiment de la foi, et enfin par la moralité nous embellissons tout cet édifice spirituel comme avec des ornements et des peintures. Et en effet, que sont les paroles de la Vérité, sinon des aliments pour soutenir la faiblesse de nos âmes et pour les nourrir ? Ainsi, en diversifiant notre discours, nous offrons au lecteur comme des viandes différemment apprêtées, pour exciter leur appétit et leur donner lieu de pouvoir choisir parmi cette diversité, quelque mets spirituel qui soit à leur goût. [8] Quelquefois nous omettons l'explication de l'histoire, lorsqu'elle est claire, afin d'en venir plutôt aux lieux plus obscurs. Il y en a aussi quelquefois qui ne se peuvent expliquer littéralement, parce que si on les prenait précisément selon les paroles, au lieu d'instruire ceux qui les lisent, ils les jetteraient dans l'erreur; par exemple, Job dit ces paroles : «Sous qui sont courbés ceux qui supportent la terre». Or, nous savons bien que ce grand homme n'accordait pas foi aux vaines fables des poètes, qui croyaient que le Globe de la terre était soutenu sur les épaules d'un géant. Il dit encore au fort de son affliction dans le livre : «Mon âme a choisi la suspension, et mes os la mort». Cependant, il n'y a personne qui puisse se figurer qu'un personnage de si grand mérite, et qui reçut dès cette vie le prix de sa patience de la Main du Juge éternel, se soit résolu parmi tant de maux à finir sa vie par une mort pleine d'infamie et de désespoir. [9] Il y a d'autres passages où la contrariété même des paroles marque assez qu'ils ne doivent pas être entendus littéralement. Comme lorsque Job dit : «Périsse le jour auquel je suis né, et la nuit dans laquelle il a été dit : un homme est conçu». Et peu après il ajoute : «Qu'il soit couvert de ténèbres, et enveloppé d'amertumes». Puis il dit encore en maudissant cette même nuit : «Que cette nuit-là demeure seule». Car il est visible que le jour de sa naissance, ayant été emporté par la rapidité du temps, ne pouvait plus subsister après être une fois passé. Comment donc eût-il pu souhaiter de voir couvert de ténèbres ce jour qui, s'étant déjà écoulé, n'était plus rien, et qui eût été incapable de tout sentiment, quand même il eût pu encore subsister alors ? De sorte qu'il est constant que ce n'est nullement du jour sensible que Job a parlé lorsqu'il a souhaité qu'il fût «enveloppé d'amertume». Et quant à «la nuit en laquelle» il fut «conçu», et qui étant jointe aux autres nuits, était déjà passée depuis longtemps, comment eût-il désiré qu'elle demeurât toute seule ? Car comme elle n'a pu subsister contre le cours rapide des temps, elle ne pouvait pas non plus être séparée de la nuit qui l'a précédée, ni de celle qui l'a suivie. Job parle aussi ailleurs de cette sorte : «Quand me donnerez-vous un peu de relâche, afin qu'au moins je puisse reprendre haleine, et avaler ma salive ?». Et cependant, il avait dit auparavant : «Dans le misérable état où je suis, je n'ai pour viandes que des choses auxquelles autrefois mon âme ne voulait pas toucher». Or, personne n'ignore qu'il ne soit plus aisé d'avaler sa salive que de la viande. Ainsi il est difficile de concevoir comment celui qui déclare qu'il mangeait de certaines viandes témoigne peu après ne pouvoir avaler seulement sa salive. [10] Il ajoute encore ensuite : «Je me confesse pécheur; mais comment puis-je, ô Conservateur et Gardien de la vie des hommes, Te satisfaire pour mes péchés ?». Ou bien comme il parle ailleurs : «Tu veux me punir pour les péchés de ma jeunesse». Et néanmoins, il dit en un autre lieu : «Mon coeur ne me reproche rien en toute ma vie». Comment celui qui avait publiquement déclaré qu'il était pécheur peut-il dire aussitôt après que son coeur ne lui reprochait rien en toute sa vie ? Car les péchés d'action ne s'accordent point avec une conscience irréprochable. C'est pourquoi il faut savoir que quand les paroles de l'Écriture, conférées ensemble, ne peuvent s'accorder littéralement, elle nous désigne sans aucun doute quelque autre chose, qu'elle veut que nous cherchions; comme si elle disait clairement : lorsque vous voyez que mes paroles se contredisent en apparence, cherchez-y quelque autre sens plus juste et plus convenable, lequel vous pourrez trouver si vous prenez soin d'y pénétrer plus avant. [11] Il arrive aussi quelquefois que si on néglige de prendre les paroles de l'histoire selon leur sens littéral, on se cache à soi-même la lumière de la vérité qui était présente. Car alors, en s'efforçant d'y trouver un autre sens, que l'on y croit enfermé, on perd celui qui se présentait au dehors sans aucune peine. Ainsi, quand le saint homme Job dit : «Je n'ai point refusé aux pauvres ce qu'ils demandaient, ni n'ai point fait languir les yeux de la veuve; je n'ai point mangé mon pain tout seul, mais j'en ai fait part à l'orphelin; je n'ai point méprisé les passants pour être mal habillés, ni les pauvres qui étaient nus; mais leurs reins que j'ai couverts m'ont donné des bénédictions, et leurs corps ont été réchauffés par les toisons de mes brebis, dont je les ai revêtus». Si l'on voulait réduire de force toutes ces paroles à un sens allégorique, on étoufferait malheureusement toutes les oeuvres de miséricorde qu'a pratiquées le bienheureux Job. Et, en effet, comme la Parole de Dieu renferme des mystères capables d'exercer les esprits les plus éclairés, de même elle contient des vérités claires et propres à nourrir les simples et les moins savants. Elle porte à l'extérieur de quoi allaiter les enfants et elle garde dans ses plus secrets replis de quoi ravir d'admiration les esprits les plus sublimes : semblable à un fleuve dont l'eau serait si basse en certains lieux qu'un agneau pourrait y passer, et en d'autres si profonde qu'un éléphant y nagerait. Ainsi j'ai changé l'ordre de mon explication, selon que l'a demandé la diversité des sujets que je voulais expliquer, afin de découvrir d'autant mieux le vrai sens de l'Écriture que je me conforme davantage, selon le besoin, aux différentes manières dont elle s'exprime. [12] J'envoie cette exposition à votre Béatitude non comme une chose qui soit digne de lui être présentée, mais comme vous l'ayant promise, lorsque vous avez bien voulu me la demander. Et je supplie votre Sainteté d'avoir la bonté d'excuser ce qu'elle trouvera de faible et de rude dans cet ouvrage, puisqu'elle n'ignore pas que je l'ai composé au milieu de mes incommodités ordinaires. Quand le corps est abattu par les maladies, l'esprit, qui lui est si étroitement uni, ne peut rien faire que de défectueux et de languissant. Vous savez qu'il y a déjà plusieurs années que je suis tourmenté de douleurs fréquentes dans les intestins, que mon mal d'estomac ne me quitte point et que, encore que la fièvre lente que j'endure ne soit pas bien forte, elle est néanmoins continuelle. Mais quand au milieu de tant d'infirmités, je fais réflexion sur ces paroles : «Dieu châtie tous les enfants qu'Il reçoit», je me sens soulagé par une espérance de biens éternels d'autant plus certaine que je suis plus accablé par les maux présents. Et peut-être que la divine Providence a voulu m'affliger ainsi afin que je pusse mieux expliquer le livre d'un Job affligé, et que, étant éprouvé par les châtiments, je devinsse plus capable d'entrer dans l'esprit et dans la pensée d'un homme qui en a reçu de si rudes de la Main de Dieu. [13] Tous ceux néanmoins qui considéreront les maux que j'endure reconnaîtront assurément que ces maladies corporelles nuisent beaucoup aux études et aux travaux de l'esprit, et que quand le corps a si peu de force qu'il est à peine capable de former quelques paroles, l'esprit est sans aucun doute peu en état de bien exprimer ce qu'il conçoit. Et en effet que sont les fonctions du corps sinon les organes du coeur ? Or l'on voit que quelque habile que soit un musicien, il ne lui est pas possible de bien chanter si les organes extérieurs destinés à la formation de la voix ne contribuent à l'exécution de son art, et quelque bonne main qu'ait un organiste, des orgues cassées ne lui rendent pas le son que sa science en exige, et leur souffle n'exprime point ce qu'il leur demande, lorsqu'il siffle désagréablement par les fentes des tuyaux crevés. Combien donc mes ouvrages sont-ils plus dangereusement défigurés par mes infirmités continuelles, puisque les organes même qui servent à l'éloquence sont tellement ruinés en moi que nul art n'est capable de les réparer ? Je vous demande donc qu'en lisant cet ouvrage que je vous envoie, vous n'y recherchiez pas les feuilles, c'est-à-dire les ornements des paroles : car l'Ecriture sainte reprend avec soin, en ceux qui l'expliquent, cette vaine et infructueuse éloquence qui ne consiste que dans les mots, lorsqu'elle défend de planter un bois dans le Temple de Dieu tout- puissant, et personne n'ignore que plus la tige des blés est chargée d'herbes et de feuilles, et moins les épis sont fournis et remplis de grain. [14] C'est pourquoi j'ai négligé de suivre cet art d'éloquence dont les maîtres des sciences profanes donnent tant de règles et de préceptes, comme le style de cette lettre même en témoigne assez. Je n'ai point voulu fuir ce qu'il peut y avoir de dur dans la transposition des mots. Je n'affecte point d'éviter les expressions qui sont un peu rudes; je ne fais pas même grand scrupule de ne pas garder l'ordre et le régime des prépositions, étant persuadé que c'est une chose indigne que de vouloir assujettir aux règles de Donat les paroles des divins Oracles. Aussi nous voyons que les autres interprètes de l'Écriture sainte n'ont point fait de difficulté de s'en dispenser, et comme c'est sur elle qu'est fondée toute l'exposition que je fais ici, il est bien juste que cet enfant garde la ressemblance de sa mère. Je suis d'ordinaire la nouvelle version de l'Ecriture; mais quand je vois qu'il en est besoin, je cite des passages tantôt de la vieille et tantôt de la nouvelle : et comme le siège apostolique, sur lequel Dieu a voulu que je fusse assis, se sert de l'une et de l'autre, j'use aussi indifféremment de toutes les deux, pour autoriser et fortifier ce que j'avance dans tout cet ouvrage.