[6] CHAPITRE VI. Dieu a donné à l'homme une intelligence capable d'apprendre les arts et les sciences; les uns en usent bien et les autres mal. 15. En cette créature en qui l'animalité et la raison se trouvent conjointes, dans l'âme humaine, le Créateur bon a laissé l'intelligence et l'esprit, et dans l'esprit, l'art; par là, Dieu a établi l'homme au-dessus de toutes ses oeuvres, et a placé sous ses pieds toutes les choses terrestres: dans l'animal superbe, ce don est un témoignage de sa dignité naturelle et une trace de l'image du Seigneur qu'il a perdue ; dans celui qui est humble et simple, il est un recours pour retrouver sa dignité et maintenir sa ressemblance avec l'auteur de son être. (Rom. I, 19) En cela, le Créateur est estimé par ses dons qui se montrent dans ses créatures. En cela, se manifeste la justice de Dieu : parce que ceux qui opèrent le bien méritent de vivre, et ceux qui font le mal, sont dignes de mort. La créature qui nous sert spontanément est soumise à la nature et lui est coordonnée pour se plier à la nécessité qui vient du péché, à la volonté et à la jouissance de l'homme. Aussi, tout le monde voit facilement comment bons et méchants ont tiré et tirent tous les jours de cette source les aliments nécessaires à la vie, les moyens qui servent au bien et au mal, toutes choses très-belles en leur genre. De ce même principe, dans les lettres, dans les travaux manuels, dans les constructions, les hommes, par leurs inventions innombrables, ont fait sortir tant de modes d'études, tant d'espèces de professions, les subtilités, les sciences recherchées, les arts, l'éloquence, les dignités, la variété des emplois, les innombrables recherches qui se pratiquent dans le siècle, dont usent pareillement, soit pour leur nécessité, soit pour leur utilité, et ceux qu'on appelle sages de ce siècle, et ceux qui sont simples et enfants de Dieu. Mais les premiers en abusent pour satisfaire leur curiosité, leur volupté et leur superbe, les autres les emploient à titre de nécessité, trouvant ailleurs la délectation qu'ils désirent. Les premiers, serviteurs de leurs sens et esclaves de leurs corps, se voient entourés des fruits de la chair qui sont « la fornication, l'impureté, l'orgueil, la luxure, les inimitiés, les contentions, les jalousies, les colères, les rixes, les dissensions, l'envie, les repas copieux, l'ivresse et autres excès de ce genre : quiconque s'en, rendra coupable, n'obtiendra pas le royaume de Dieu. » Les autres recueilleront les fruits de l'Esprit qui sont « la charité, la joie, la paix, la patience, la bénignité, la longanimité, la bonté, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence, la chasteté et la piété qui possède les promesses de la vie présente et de la vie future. (Gal. V, 19 et seq.) 16. Tant que ces hommes agissent, on voit au-dehors des actions pareilles, mais Dieu discerne les volontés et les intentions. Mais quand on rentre dans son intérieur, chacun trouve les conséquences de ce qu'il a voulu, que lui présente comme nourriture sa propre conscience. Chacun pourtant n'y revient pas également : personne n'aime à revenir en soi après son action, quand il n'en est point parti avec bonne intention. Qui y retourne sans avoir vaincu sa concupiscence, il trouve, venant de cette même concupiscence, ou d'agréables délectations, ou de cuisants remords, et aussi il multiplie ses réflexions. Quant à celui qui a déjà triomphé de sa concupiscence, sans que néanmoins un désir plus grand, ou une jouissance plus vive du véritable bien se soit emparée de son esprit, il souffre, avec une volupté désagréable, les imaginations qui résultent de ce qu'il a fait ou entendu: aussi ses reins seront remplis des illusions de ses délectations, et quand il faudra contempler les choses divines et spirituelles, la lumière de ses yeux ne sera plus avec lui : celui qui combat contre les passions, souffre des ennuis, parce qu'il ne parvient point à surmonter entièrement les impressions qu'il en éprouve. Celui qui aspire à la liberté ne peut éloigner de lui les imaginations de ses impressions, et les pensées nuisibles, pénibles ou oisives qui s'élèvent de toutes parts. De là, au temps de la psalmodie ou de l'oraison et des autres exercices spirituels, dans le coeur du serviteur de Dieu, malgré ses refus et ses luttes, les imaginations et les fantômes des vaines pensées, qui, semblables à des oiseaux immondes posés ou voltigeants, viennent enlever le sacrifice de dévotion des mains de celui qui le tient, ou le souillent souvent jusqu'à arracher des larmes à celui qui l'offre. Dans cette âme infortunée éclate une triste et inégale division, l'esprit et la raison d'un côté réclamant la volonté et l'intention du coeur avec la prompte obéissance du corps; la grossièreté animale s'emparant, d'un autre, avec violence, de l'intelligence et de la volonté, et souvent par là l'esprit reste sans produire de fruits. De là vient que dans les âmes faibles, et en qui les concupiscences de la chair et du siècle ne sont pas encore parfaitement mortifiées, le vice de la curiosité commence à faire de forts grands ravagés. De là résulte que l'on cherche ces consolations déréglées et ennemies d'une règle de solitude et de silence, ces diversions furtives où la volonté se trouve à l'écart dans la voie royale d'une vie commune, le dégoût de ce que l'on fait tous les jours, le sentiment qui fait voir de bon oeil toutes les nouveautés. Ces sortes de remèdes semblent calmer pour un moment, en le soulageant, ce prurit et cet ennui de l'âme, mais ils la réchauffent et l'enflamment en augmentant par la suite ses tristes ardeurs et ses déplorables démangeaisons. De là cette regrettable inconstance par laquelle tous les jours on s'adonne à des occupations nouvelles, à de nouvelles pratiques et à de nouveaux travaux; qui porte à faire des lectures variées, non pour édifier l'âme, mais pour tromper la monotonie pesante d'un joie trop lent à s'écouler : en sorte que le solitaire, après avoir condamné tout ce qui est ancien, tout ce qui se pratique d'ordinaire, n'éprouve plus, quand le nouveau est épuisé, que la haine de sa cellule, et le besoin d'en sortir promptement. 17. C'est pourquoi, l'homme simple et nouveau dans la vie religieuse et solitaire, qui n'a pas de raison pour le conduire, de sentiment pour l'entraîner et de discernement pour le modérer, mais qui se sert envers lui-même de la force que l'ouvrier emploie envers l'objet qu'il élabore, doit être façonné par les mains d'autrui dans la loi des commandements de Dieu, et formé en toute patience à la roue mobile et docile de l'obéissance, au feu de l'épreuve, soumis aux ordres et au gré de celui qui le dirige. Quoiqu'il ait du génie, de l'art et de l'intelligence à un degré supérieur, il n'importe, ces dons peuvent servir d'instruments aussi bien au vice qu'à la vertu. Qu'il ne refuse pas d'apprendre à utiliser pour le bien, ce qui peut être consacré au mal, car c'est là le propre dé la vertu. Que le génie assouplisse le corps, que l'art forme la nature, que l'intelligence ne rende pas l'âme superbe, mais docile. Car on a reçu gratuitement le génie, l'art, l'intelligence et les autres dons de ce genre; il n'en est pas ainsi de la vertu. La vertu veut être apprise avec humilité, cherchée avec travail, possédée avec amour. Car, comme elle est digne de toutes ces richesses, elle ne peut être apprise, cherchée ou possédée d'une autre manière. [7] CHAPITRE VII. Ce que doit apprendre le religieux novice ou l’ermite grossier. 18. En premier lieu donc, l'habitant du désert encore grossier doit apprendre, selon la régle tracée par l'Apôtre, à faire de « son corps une hostie vivante, sainte, plaisant à Dieu et lui soumettant sa raison. » (Rom. XII, 4) Pour dompter la recherche précipitée et curieuse qu'éprouve à l’égard des choses spirituelles et divines, dans la ferveur de son commencement, l’homme animal qui ne saisit pas encore les choses de Dieu, le même Apôtre ajoute: « Je le dis par là grâce de Dieu qui m'a été donnée, à tous ceux qui sont parmi vous, de n'être pas plus sages qu'il ne faut, mais de l'être avec sobriété. » (Rom. XII, 3) Parce que la réforme de l'homme animal roule en tout, ou du moins en très grande partie sur son corps et sur son agencement extérieur, il faut lui apprendre en premier lieu à fortifier raisonnablement son corps et ses membres qui sont sur la terre; à tenir un juste équilibre de raison et de discernement entre la chair et l'esprit qui luttent sans-cesse sans relâche, sans avoir de partialité pour l'un ou l'autre. Il faut lui enseigner à traiter son corps comme un malade qu'on lui a recommandé, à qui il faut refuser, malgré ses vifs désirs, les choses inutiles, et faire prendre de force celles qui lui sont salutaires. A se servir de lui, non comme s'il lui appartenait, mais comme étant de celui qui nous a acheté à grand prix, afin que nous le glorifions dans notre chair. (I Cor. VI 20) Il faut encore l’instruire à éviter ce que le Seigneur reproche par, son Prophète, au peuple pécheur : «Vous m'avez rejeté derrière votre dos.» (III. Reg. XIV, 9) Aussi, il faut beaucoup prendre garde de laisser, en vue des besoins ou des avantages temporels de la vie présente, son esprit s'écarter du droit chemin ou s'abaisser en quoi que ce soit de sa dignité, et descendre à aimer ou à honorer le corps auquel il est uni. C'est pourquoi il faut traiter ce corps avec dureté, pour qu'il ne se révolte point et ne fasse pas l'insolent: de manière cependant a ce qu'il soit en état de servir, car il a été donné à l'homme pour être le serviteur de l'âme. Il ne faut pas l'avoir comme si nous devions vivre pour lui, mais comme un instrument sans lequel nous ne pouvions pas vivre. Car l'alliance que nous avons avec le corps, nous ne sommes pas libre de la rompre quand nous voudrons : il nous faut attendre avec patience la fin légitime de ce combat, et en observer fidèlement les clauses. 19. Nous devons conséquemment vivre ou nous tenir avec lui comme si nous n'avions pas à rester longtemps en sa société; de sorte que s'il en arrive autrement, nous ne soyons pas pressés de le quitter. Sur ce point il y aurait bien des scrupules à éprouver, ou bien des dangers à courir; mais la règle de l'obéissance, qui s'applique aussi à la cellule, en donnant une fois la forme parfaite de l'observance commune en ce qui regarde le vivre, le vêtement, le travail et le repos, le silence et la solitude, et tout ce qui se rapporte au soin extérieur de l'homme ou à ses nécessités, rend le frère obéissant, patient et tranquille; et précautionné pour le reste, en le mettant à l'abri. Tout y est si bien précisé, le superflu si sagement retranché, tout le nécessaire si justement renfermé dans les bornes du suffisant et d'une retenue universelle, qu'il y a de quoi laisser désirer aux forts, sans éloigner les faibles, que la quantité accordée ne peut blesser en rien la conscience de ceux qui en usent avec actions de grâces, et que la partie retranchée ne doit pas tenter le serviteur de Dieu bien réglé, et bien élevé. En ces prescriptions, comme le dit Salomon : « Qui marche simplement marche avec confiance : » (Prov. X, 9) «qui a l'esprit dur tombera dans le mal. » (Prov. XXVIII, 14) Car encore que l'ordre nécessaire de la maison soit distribué de telle sorte qu'il n'y a lieu à aucune plainte, et que tout superflu, soit retranché, si cependant, soit en public, soit en particulier, il y a quelque chose à ajouter ou à ôter, tout est remis au jugement du Prieur, sans scrupule et sans danger pour ceux qui lui obéissent. 20. Il faut donc habituer le nouvel ermite à dompter, en suivant la règle commune, les concupiscences de sa chair, en faisant une pénitence continuelle pour ses péchés passés, et à se mépriser lui-même pour mépriser tout le reste. Il faut aussi le prémunir avec soin contre les tentations qui ont coutume de fatiguer davantage le novice solitaire, car elles ne cessent de solliciter le serviteur de Dieu qui sert le Seigneur, et d'exciter ses sentiments vicieux en lui offrant des délectations qui les satisfassent, le diable y ajoutant ses suggestions, la chair, ses désirs et le siècle, ses images qui enflamment la concupiscence. C'est ainsi que nous éprouve le Seigneur notre Dieu, pour savoir si nous l'aimons, oui ou non : non qu'il ne le sache pas, mais afin que la tentation nous soit une occasion de le mieux remarquer en nous-mêmes. Les tentations sont facilement vaincues, et on marche à leur rencontre avec succès, quand elles sont suspectes, ou lorsque dès le premier abord, on les reconnaît pour mauvaises. Quant à celles qui s'introduisent sous l'apparence du bien, on les discerne avec plus de difficulté, et on les introduit dans l'âme avec plus de danger. Car, de même qu'on garde trèsdifficilement une mesure dans ce que l'on croit bon, de même tout désir du bien n'est pas toujours sûr et sans danger. [8] CHAPITRE VIII. Le religieux, surtout le solitaire, doit éviter avec tout le soin possible l'oisiveté, et quelles occupations lui conviennent. 21. L'oisiveté est la source de toutes les tentations et de toutes pensées mauvaises et inutiles. Ce qui occasionne le plus de mal à l'âme, est l'oisiveté inerte. Que le serviteur de Dieu ne soit jamais oisif, même lorsqu'il prend quelque relâche de ses exercices religieux. Ne donnons point un nom si louche, si vain et si mou à une chose si certaine, si sainte et si auguste. S'appliquer à Dieu n'est pas oisiveté, c'est l'affaire des affaires. Celui qui, dans sa cellule, ne s'y livre pas avec ferveur et avec fidélité, quoiqu'il fasse, s'il n'agit pas pour la grande affaire de servir Dieu, il est oisif en ce qu'il fait. Il est ridicule de se livrer à l'oisiveté, sous prétexte d'éviter l'oisiveté. Celui-là est oiseux qui n'a pas d'utilité ou quelque intention d'utilité. Il ne faut point en agir ainsi, pour que le jour du repos s'écoule avec quelque charme pour nous, ou du moins sans grand ennui; mais pour que le repos laisse toujours dans notre conscience quelque chose qui tourne au profit de l'âme, pour que, chaque jour, quelque bien s'amasse dans le trésor du coeur. Et le bon habitant de la cellule ne doit pas croire qu'il a vécu, le jour où il n'a pratiqué aucune des choses pour lesquelles on vit dans la cellule. 22. Vous demandez ce que vous avez à faire, et à quoi vous avez à vous occuper? D'abord, outre le sacrifice quotidien de vos prières ou l'étude des livres, il ne faut pas refuser une partie de la journée à l'examen de conscience de chaque jour, à la correction et à l'amélioration de vos mœurs. Ensuite, il faut se livrer au travail des mains, ce qui est prescrit, non tant pour délasser l'esprit durant une heure, que pour conserver et augmenter son goût pour les occupations spirituelles; pour que l'âme se repose un moment, et non pour qu'elle se dissipe de sorte que, lorsqu'elle verra qu'il faut revenir à elle-même, elle se dégage sans opposition de la volonté attachée à son occupation, sans influence du plaisir qu'elle a goûté en s'y livrant, et sans que la mémoire lui en rappelle l'image par la suite. « Car l'homme n'est pas pour la femme, mais la femme pour l'homme. » (I. Cor. XI, 9.) Les exercices spirituels ne sont point pour les exercices corporels, mais ceux du corps sont pour ceux de l'âme. C'est pourquoi l'homme, après sa création, reçut, pour en tirer secours, un être semblable à lui, formé de sa propre substance; de même lorsque les exercices corporels sont nécessaires pour aider aux exercices spirituels, tous cependant, ne semblent pas convenir également à ce but, mais ceux surtout qui ont avec eux plus d'affinité et de ressemblance : ainsi il sert beaucoup, pour l'édification spirituelle, de méditer ce qui est écrit, ou d'écrire ce qui est lu. Quant aux exercices et aux opérations qui se font en plein air, de même qu'ils distraient les sens, de même ils font perdre l'esprit intérieur, à moins que, dans les rudes travaux de la campagne, le brisement du corps n'aille jusqu'à humilier et briser aussi le coeur. Par la grandeur de la lassitude qu'ils causent, ils expriment souvent le sentiment d'une dévotion plus ardente. Effet qui se produit bien des fois et manifestement dans les jeûnes, les veilles et tout ce qui afflige le corps. 23. Cependant l'esprit sérieux et prudent se prépare à toute sorte de travail, il ne s'y dissipe point, au contraire il en tire moyen de se recueillir davantage; ayant toujours devant les yeux, non point tant ce qu'il fait, que le but qu'il se propose en agissant, le terme où aboutit toute chose : plus il se repose sur ce but, plus ses mains travaillent avec ferveur et fidélité, et il soumet tout son corps à l'empire de cette grande persuasion. Car tous les sens qui se rapportent à la manifestation de la bonne volonté se réunissent en ce point; il ne leur est point permis de se soustraire au poids du travail, et en obéissant à l'esprit humilié et soumis lui aussi, ils apprennent à lui devenir conformes en partageant ses labeurs, et en espérant les consolations qui lui seront données plus tard. Car, troublée par le péché et sortie de son état de rectitude, la nature, si elle se convertit et retourne à Dieu, recouvre promptement selon la mesure de la crainte et de l'amour qu'elle éprouve pour lui, tout ce qu'elle avait perdu en le quittant, et quand l'esprit commence à être reformé à l'image de son créateur, bientôt, sous l'influence de sa volonté, la chair elle-même se transforme et devient semblable à l'âme. Car tout ce qui plait à l'âme lui plaît pareillement, même contre ses propres sentiments. Bien plus, éprouvant pour Dieu une soif multipliée à cause des nombreux défauts que le péché a laissés en elle pour sa punition, parfois elle s'efforce de marcher en avant de l'esprit qui la guide. Car nous ne perdons pas les jouissances, nous les changeons quand nous les transportons du corps à l'âme, des sens à la conscience. Du pain de son, de l'eau pure, et des légumes très ordinaires, ne sont pas chose très suave; mais il est très-agréable, pour l'amour de Jésus-Christ, et dans le désir de goûter les délices intérieures, d'en contenter un corps docile et bien réglé. Que de milliers de pauvres, qui satisfont la nature en ne lui donnant qu'une partie de ces aliments! Il serait très facile et fort doux de vivre selon la nature, en mêlant à ce régime peu pénible, le condiment de l'amour de Dieu, si notre folie nous le permettait : cette folie guérie, de suite la nature sourit à tout ce qui est nature: Il en est de même du travail. L'habitant de la campagne a les nerfs vigoureux, les bras puissants : l'exercice en est la cause. Qu'il reste dans l'inaction, il s'amollit. En tout travail la volonté amène l'acte, l'acte, l'exercice, et l'exercice développe les forces. 24. Mais revenons à notre première pensée. Qu'en toutes manières, et le travail et le repos s'harmonisent de telle sorte que jamais nous ne soyons oisifs, et que toujours notre occupation soit de réaliser parfaitement en nous ce que dit l'Apôtre, s'adressant à ceux qui commencent et qui sont à l'état animal : « Je tiens, à cause de l'infirmité de votre chair, ce langage bien humain. De même que vous avez fait servir les membres de votre corps à l'impureté et à l'iniquité pour commettre le péché, de même à présent, faites-les servir à la justice pour votre propre sanctification » (Rom. VI 49.) Qu'il entende ces accents, l'homme animal, jusqu'à présent esclave de son corps qu'il a commencé de soumettre à l'esprit, qu'il se mette résolument à comprendre ce qui appartient à Dieu et à briser, par la force de la foi, le joug de la servitude et les habitudes dominatrices de sa chair. Qu'il se fasse nécessité contre nécessité, coutume contre coutume et affection contre affection, jusqu'à ce qu'il mérite davantage d'éprouver délectation contre délectation; que, selon le conseil de l'Apôtre, il trouve au moins autant de plaisir à se priver des jouissances de la chair et du monde, qu'il en trouvait auparavant à les goûter : qu'il soit aussi content de faire servir les membres de son corps à la justice pour se sanctifier, qu'il l'était de les faire servir à l'impureté et à l'iniquité pour se souiller de péchés. Voici la perfection du novice qui commence, ou de l'homme qui se trouve dans l'état animal : ayant détruit ce qu'il y a en lui d'animal ou d'humain, s'il ne regarde pas en arrière, s'il s'élance fidèlement vers ce qui s'étend devant lui, il parviendra vite aux réalités divines et commencera à saisir comme il est saisi, à connaître comme il est connu. Ce travail n'est pas l'oeuvre du moment de la conversion, ni celle d'un seul jour; il y faut beaucoup de temps, beaucoup de peine, beaucoup de sueur, avec la grâce de Dieu qui fait miséricorde, et avec le zèle de l'homme qui vient et qui court. [9] CHAPITRE IX. La stabilité dans la cellule est recommandée, et on indique quels en sont les gardiens. 25. La source de tous les biens, c'est la cellule et le séjour constant qu'on y fait. Qui y entre bien avec sa pauvreté, est riche; et quiconque a bonne volonté, porte avec lui tout ce qui est requis pour bien vivre : bien qu'il ne soit pas toujours expédient de se fier à cette bonne volonté, mais plutôt il faut la retenir, la régir, surtout en ceux qui commencent. Que la règle de la sainte obéissance conduise la bonne volonté : que celle-ci, à son tour, mène le corps et lui apprenne à pouvoir rester au même endroit, à supporter sa cellule et à rester avec soi. c'est là, pour un novice qui progresse, un commencement de bonne formation et un indice assuré de bonne volonté. Car il est impossible à l'homme de fixer fidèlement son esprit sur un point, si d'abord il n'a pas rendu son corps stable en un lieu. Celui qui cherche à fuir l’inquiétude de son esprit, en allant de place en place, est semblable à celui qui fuit l'ombre de son corps. Il se fuit et il se porte partout : il change de lieu, mais il ne change pas d'âme. Il se trouve le même en tous lieux : seulement la mobilité elle-même le détériore, comme on blesse un malade quand on le secoue en le transportant. Que le novice sache qu'il est malade, et qu'il s'occupe de ce qui cause son indisposition. Si le repos n'est pas interrompu, les remèdes qu'il emploiera constamment obtiendront bientôt leur effet, et l'âme, délivrée de ses distractions, de ses asservissements et de ses tentations, s'appartiendra entièrement en Dieu. Infectée sans être souillée, la nature a besoin de soins, et de grands soins. Qu'elle s'attache donc sans en sortir à sa pharmacie, (car c'est par ce nom que les médecins ont coutume d'appeler l’endroit où se trouvent les remèdes destinés à soigner les santés compromises) et qu'elle s'en serve sans relâche jusqu'au retour éprouvé de la santé. 26. Votre guérison, ô malade languissant, c'est votre cellule; le remède qui a commencé de vous soulager, c'est l'obéissance, l'obéissance véritable. Mais sachez que les remèdes nuisent, si on en change fréquemment, ils troublent la nature et épuisent le malade. Celui qui se dirige vers un but, s'il prend une route unique et certaine, parviendra au terme, et trouvera la fin de son voyage et de sa fatigue. Que s'il s'engage dans plusieurs chemins, il erre, il ne trouve pas la fin de sa fatigue, car l'erreur n'a pas de terme. Ne changez donc point de remède, n'en prenez pas un pour remplacer un autre, mais jusqu'à ce que votre guérison soit complètement assurée, employez toujours la médecine salutaire de l'obéissance : ne la rejetez point, comme un ingrat, quand vous serez guéri: seulement, par la suite, il vous sera permis d'en user d'une autre manière. Si donc, vous désirez obtenir la santé, veillez à ne rien faire, pour chose petite que ce soit, sans consulter le médecin ; si vous attendez ses soins, il ne faut jamais rougir de lui découvrir votre blessure. Rougissez, mais révélez-lui tout, ne cachez rien. Car, il en est qui en se confessant, racontent, comme une fable, l'histoire de leurs péchés; ils énumèrent sans confusion aucune, les maladies de leur âme, presque sans pénitence et sans expression de douleur. Il trouve des larmes et il gémit bien vite, celui qui éprouve le sentiment de la douleur. Que si à la mauvaise santé, s'ajoute une insensibilité déplorable, le malade, en ne gémissant point, est d'autant plus éloigné de la santé, qu'il en parait plus rapproché. Que si le médecin trop doux veut guérir tous vos maux par des onguents et des applications trop bénignes, vous, prenez votre affaire en main, avide d'un remède plus fort et plus prompt, demandez le fer qui vous guérira, et sollicitez le cautère qui vous purgera. Le médecin est toujours proche de vous, il est toujours prêt. 27. Pour que votre solitude ne vous cause pas de l'horreur, pour que vous habitiez votre cellule avec plus de sécurité, on y a placé trois gardiens : Dieu, votre conscience et votre Père spirituel. A Dieu, vous devez la piété pour vous dépenser entièrement pour lui; à votre conscience, le respect qui vous fait rougir de pécher devant elle; au Père spirituel, l'obéissance de la charité, ayant recours à lui dans tous vos besoins. En outre, pour vous être agréable, je vous en trouverai un quatrième; et tant que vous êtes petit enfant, jusqu'à ce que vous appreniez mieux à penser à la présence de Dieu; je vous procurerai un pédagogue. Choisissez-vous un homme selon mon idée, dont la vie vous soit un modèle si vivant, qui vous inspire un respect si profond, que son souvenir, toutes les fois qu'il se présentera à votre mémoire, vous porte à la vénération et vous excite à vous régler et à bien disposer toutes choses en vous : un homme que vous regardiez comme présent, et qui, par l'affection de la charité mutuelle qu'il vous inspirera, corrigera tous vos défauts sans que votre solitude soufre aucun dommage dans le secret qui la constitue. Que ce personnage vous soit présent quand vous le voudrez; que même parfois, il se présente à vous quand vous ne le voudrez pas. La pensée de sa sainte sévérité vous rappellera ses réprimandes; le souvenir de sa piété et de sa bonté vous redira ses consolations ; en réfléchissant à la sainteté de sa vie, vous vous sentirez porté à l'imiter. Ainsi, selon le précepte de l'Apôtre, veillez sur vous-même avec sollicitude : (I Tim. V, 22.) considérez-vous toujours et détournez les yeux de tout le reste. L'oeil du corps est un admirable instrument, de même qu'il peut contempler les autres êtres, de même il peut se contempler lui-même. Cette facilité est aussi accordée à l'œil intérieur, si, à l'exemple de l'œil du corps, négligeant de se voir, il considère ce qui est autour de lui, même quand il le veut, il ne peut se replier sur lui-même. Occupez-vous de vous, vous êtes pour vous une matière suffisante d'attention. Eloignez de vos regards extérieurs ce que vous avez perdu l'habitude de voir, écartez de vos regards intérieurs ce que vous avez cessé d'aimer : rien en effet ne se rallume aussi facilement que l'amour, surtout dans les âmes jeunes et tendres. [10] CHAPITRE X. Offices et exercices du religieux dans sa cellule. 28. Osez aussi quelquefois désirer et goûter des grâces meilleures, et soyez vous à vous-même un motif d'édification. Autre est votre cellule extérieure, autre votre cellule intérieure. L'extérieure, c'est la maison qu'habite votre âme avec votre corps : l'intérieure, c'est votre conscience qui doit habiter avec votre âme, Dieu qui est plus intérieur que tout ce qu'il y a d'intime en vous. La clôture extérieure est la marque de la circonspection qui règne au-dedans de même que la clôture extérieure empêche les sens du corps de se répandre au-dehors, ainsi celle qui est au-dedans retient toujours dans l'âme les sens intérieurs. Aimez donc votre cellule extérieure, aimez votre cellule intérieure, et donnez à chacune le soin qu'elle réclame. Que celle du dehors vous abrite sans vous cacher : non pour pécher plus secrètement, mais pour vivre avec plus de sûreté. Car vous ne savez point, ô grossier habitant, ce que vous devez non seulement à votre cellule, si vous ne considérez comment, en y résidant, vous êtes guéri de vos vices, mais de plus comment vous n'avez pas à lutter contre ceux des autres. Vous ne savez pas l'honneur que vous devez rendre à votre conscience, si vous n'y éprouvez pas la grâce du Saint-Esprit et la douceur de la suavité qu'il y répand. Rendez-donc à cette double cellule l'hommage qui lui est dû, et exigez-y pour vous la première place. Apprenez à vous y gouverner selon les lois communes de l'institut, à régler votre vie, à disposer vos moeurs, à vous juger, à vous accuser devant vous, à vous condamner souvent, et à ne pas manquer de vous punir. Que la justice siège sur le tribunal : que la conscience comparaisse comme coupable et s'accusant elle-même. Personne ne vous aime davantage, personne ne vous jugera avec plus de fidélité. 29. Le matin, rendez-vous compte de la nuit qui vient de s'écouler, et prenez vos précautions pour bien passer le jour qui arrive. Le soir, examinez le jour terminé et jetez un regard de prévoyance sur la nuit qui survient. En vous tenant ainsi serré par ces examens, vous ne pourrez jamais faire d'écart fâcheux. A chaque heure, selon la règle de la communauté, placez quelque exercice, à celle qui veut les spirituels, les spirituels; les corporels, au moment qui veut les corporels : et de la sorte, l'esprit donnera à Dieu tout ce qu'il lui doit, et le corps en fera autant par rapport à l'esprit ; s'il y a quelque omission ou quelque imperfection, trouvez toujours moyen de la punir ou de la compenser dans son mode, dans son lieu ou dans son temps. Eu ceci, hors de ces heures dont le Prophète dit : « sept fois le jour j'ai chanté vos louanges» (Ps. CXVIII, 164.), il faut s'appliquer surtout au sacrifice du matin et du soir, ét à celui du milieu de la nuit. Ce n'est pas en vain que le Prophète s'écrie : « le matin je me présenterai devant vous et je verrai » (Ps. V, 6), parce qu'alors nous sommes comme à jeûn des soucis extérieurs, et encore : « que ma prière se dirige comme l'encens en votre présence l'élévation de mes mains, c'est le sacrifice du soir» (Ps. CXL, 2), parce qu'alors nous sommes délivrés, par une sorte de digestion spirituelle, de tous les empêchements qu'ils causent. Poursuivant la suite de l'ordre qui règle cette louange, dans nos veilles nocturnes (quand nous nous levons au milieu de la nuit pour célébrer le nom du Seigneur), le même Prophète s'écrie : « au jour de ma tribulation, j'ai cherché le Seigneur en tendant mes mains vers lui, et je n'ai point été déçu dans mon attente. » (Ps. LXXVI, 3.) C'est à ces moments surtout que nous devons nous placer devant Dieu comme face à face, examiner toute chose à la lumière qui jaillit de son visage, trouver en nous un sujet de douleur et de chagrin, invoquer le nom du Seigneur en purifiant notre esprit jusqu'à ce qu'il s'enflamme : concevant de saints désirs au souvenir de l'abondance de sa douceur, jusqu'à ce qu'il nous la fasse éprouver lui-même dans notre cœur. C'est alors surtout qu'il faut faire ce qu'a dit l'Apôtre : « J'aime mieux qu'on dise une parole seulement dans le sens que j'indique, que dix mille sans les comprendre. » (I. Cor. XIV, 19.) Et encore : «je chanterai d'esprit, je chanterai de cœur. (Ib. XIV, Ib.) C'est alors qu'il faut ramasser pour l'esprit et pour le cœur, les fruits qu'ils ont produits, afin qu'ensuite ou bien nous entrions dans le repos de la nuit qui répare dans l'abondance de la bénédiction dé Dieu, ou bien, qu'en nous levant pour chanter les louanges du Seigneur, tout le mouvement de notre activité soit formé dans son principe et vivifié dans son développement, par la ferveur de ces saintes louanges. C'est pourquoi, pour prévenir les vigiles de la nuit, il n'est pas expédient d'écraser l'intelligence du poids d'un grand nombre de Psaumes, et d'épuiser ou d'éteindre l'esprit. Mais quand l'âme est calme, il lui faut faire éprouver des sentiments de piété, et la diriger vers Dieu par sa voie naturelle, jusqu'à ce que, son amour se dilatant, elle se mette à courir jusqu'au bout de l'œuvre du Seigneur, ayant ainsi le mode qui règle sa ferveur et la suite qui la fait persévérer, à moins qu'une grande négligence ne vienne en interrompre le mouvement, ou qu'une misère volontairement commise ne l'étouffe entièrement. 30. Quiconque a le sentiment du Christ sait aussi combien il est expédient pour la piété chrétienne, combien il convient et il est utile à un serviteur de Dieu, à un serviteur de la Rédemption de Jésus-Christ, au moins à quelque heure du jour, d'honorer avec plus d'attention les bienfaits de la passion et de la Rédemption du Seigneur, pour en jouir suavement dans sa conscience et les graver fidèlement dans sa mémoire c'est là manger spirituellement le corps du Christ et boire son sang en mémoire de lui : ce qu'il a commandé par ces paroles à tous ceux qui croient en lui : « Faites ceci en souvenir de moi. » (Luc. XXII, 19.) Si on n'est pas obéissant à cette prescription, il devient manifeste aux yeux de tous, combien il est impie pour l'homme d'oublier un amour si excessif de Dieu : c'est un crime, en effet, de perdre le souvenir d'un ami absent, rappelé par un gage qui a été laissé. Car il est permis au peu d'hommes à qui a été confié ce saint mystère, d'en célébrer sacramentellement la mémoire sainte et vénérable, dans des lieux, dans des temps et dans des manières fixées : quant à la chose du sacrement, et à l'esprit du mystère à toute heure, en tout lieu de l'empire du Seigneur, tous peuvent facilement les réaliser, les toucher et s'en nourrir, comme il a été expliqué, c'est-à-dire avec le sentiment de la piété nécessaire, pour leur. propre salut; c'est à ces fidèles qu'il a été dit : « vous êtes une race choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple d'acquisition, pour annoncer les prodiges opérés par celui qui vous a appelés des ténèbres à l'admirable lumière de sa connaissance. » (I. Petr. II, 9.) Pour ce qui est du sacrement, de même que le juste le reçoit pour la vie, de même le pécheur le mange pour sa condamnation : quant à la chose du sacrement, personne n'y participe que celui qui est digne et préparé. Le sacrement sans la chose du sacrement, est la mort de celui qui le prend : la chose du sacrement, même hors du sacrement, est la vie éternelle pour qui la reçoit. Si donc vous le voulez, si vous le voulez vraiment, à toutes les heures du jour et de la nuit, vous avez ce grand don de Dieu à votre disposition dans votre cellule. Toutes les fois qu'en vous rappelant, celui qui a tant souffert pour vous, vous éprouverez à ce souvenir des sentiments de tendre piété, vous mangerez son corps et vous boirez son sang. Tant que par la charité vous demeurez en lui, et que lui réside en vous par l'opération de la justice et de la sainteté, vous êtes compté au nombre de ses membres. 31. Il faut aussi vaquer à la lecture à certaines heures marquées. Car une lecture variée, faite au hasard et comme rencontrée par accident, en un lieu puis en un autre, n'édifie pas, mais rend l'esprit inconstant; et, faite avec rapidité et sans application, elle s'échappe vite de la mémoire. Il faut s'attacher à certains esprits et accoutumer son âme à leur genre. Les saintes Ecritures veulent être lues dans l'esprit qui les a dictées. Jamais vous n'entrerez dans le sens de saint Paul, si, par la bonne intention qui vous le fera lire, et par l'application d'une méditation- assidue, vous ne vous pénétrez point de son esprit. Comprendrez-vous David, si l'expérience elle-même ne vous a pas fait éprouver les impressions que redisent ses Psaumes? Il en est ainsi des autres livres sacrés. Et pour toute l'Ecriture, entre l'étude et la lecture, il y a la même différence qui sépare l'amitié de l'hospitalité, une affection de connaissance, d'un salut échangé par hasard. De plus, il faut confier à la mémoire un passage du livre qu'on lit chaque jour, pour qu'elle le digère avec plus de facilité et le rumine plus souvent : un passage qui convienne aux résolutions qu'on aura prises, qui serve à diriger l'intention et qui fige l'esprit et l'empêche de se livrer à dés pensées étrangères. Dans le cours de la lecture, il est nécessaire de puiser de pieuses affections, et d'en former des oraisons jaculatoires qui interrompent cette occupation, qui l'interrompent sans la suspendre et qui, chose préférable, rendent l'esprit plus pur et le mettent ainsi en état d'en mieux comprendre la suite. La lecture sert et facilite l'intention. Si en lisant, l'âme cherche véritablement Dieu, tout ce qu'elle lit lui tourne à bien, le sens de celui qui parcourt le livre est captivé, et il soumet tout ce qu'il y trouve et comprend à l'obéissance due à Jésus-Christ. Que si celui qui entreprend cette lecture éprouve un sentiment différent, ce sentiment entraîne tout après lui : il n'est rien de si saint et de si pieux dans les Ecritures que par vaine gloire, par gloses détournées ou par fausse intelligence, on ne fasse servir à la malice ou à la vanité. La première disposition pour lire les Ecritures doit être la crainte du Seigneur; c'est sur elle que doit se baser l'intention qui la prend en main, c'est elle qui doit la diriger, elle aussi qui donnera le sens et l'intelligence de ce livre sacré.