[106,0] LETTRE CVI. [106,1] Comme je ne puis répondre aux bienfaits d'autrui par une libéralité effective, je le fais du moins par l'expression de ma vive reconnaissance. Votre lettre m'a donné une fête plus magnifique que je n'en pourrais attendre si j'étais dans la litière de Salomon au milieu des prophètes jouant de la harpe et des vierges brûlant de l'encens en mon honneur. Vous m'avez servi une manne angélique, nourriture mystique des colombes et des tourterelles. Vous m'avez versé le nectar de la charité que j'ai bu avec délice et à l'instant, sinon en prophète comme David, du moins comme Israël parlant à son fils, dont il avait savouré le mets, j'ai laissé avec joie s'échapper de mon coeur filial la bonne parole pour vous louer vous, mon Père, et pour vous bénir, moi votre fils. Puis vous m'avez donné une preuve de votre sollicitude paternelle par l'examen minutieux et approfondi de mon état de santé, vous réjouissant au moindre indice favorable que vous donnait la chaleur vitale, vous affligeant au premier symptôme fâcheux, et redoutant par-dessus tout de me voir en danger. Enfin, n'y tenant plus, votre charité a voulu soigner elle-même notre mal, et, avec un art tout divin et une merveilleuse habileté, vous avez tout d'abord versé sur lui une liqueur aussi douce que le vin de Samos, afin de purifier cet amas d'humeur, puis vous y avez ensuite répandu de l'huile afin de faire disparaître toute trace d'enflure et de calmer la douleur. Maintenant que je suis guéri, grâce à vos soins empressés, j'estime qu'il est de mon devoir de mettre toutes mes forces au service et au gré de votre volonté. Mais en retour, ô mon père, il est juste que votre petit serviteur, qui ne vit que pour vous, qui a en vous une entière et respectueuse confiance, ait part à vos saintes prières, car je suis un homme bien misérable. Incapable de me conduire moi-même, j'ai été néanmoins, par je ne sais quel motif ou par quel hasard, placé dans une position qui m'oblige à veiller sur la conduite du peuple. C'est là, avouez-le, ce qui me donné le droit de recourir à vos conseils et à votre assistance, car c'est à vos instantes prières, que je dois de ne point abandonner ma charge. Adieu.