[1] Le TGV Méditerranée: le mariage de la technologie et de l'environnement. [2] En juin 2001, 250 kilomètres de ligne nouvelle de TGV (train à grande vitesse) ont été inaugurés entre Marseille et Lyon. [3] Le point sur le dernier grand chantier de la fin du XXe siècle, qui a su concilier pari commercial, performance technologique et respect de l’environnement pour permettre des déplacements à plus de 300 km/h. [4] Le 10 juin 2001, au départ de Marseille, les rames sur deux niveaux bleu et argent du TGV Méditerranée ont accueilli les premiers passagers commerciaux pour un voyage qui les a conduits à Paris à la vitesse de 300 km/h (soit un maximum de trois heures). [5] Initié il y a douze ans avec le lancement des premières études par le gouvernement, puis véritablement mis en œuvre sur le terrain il y a cinq ans avec l’entrée en service des bulldozers, des tunneliers et des grues, le chantier a très vite pris la forme d’un long sillon grouillant de machines et d’hommes. [6] Entamée par les deux bouts, aux portes de Marseille et de Valence, la construction de la nouvelle ligne a débuté par des ouvrages d’art aériens et souterrains (ponts, tunnels, viaducs). [7] Un chantier longuement préparé et mûri, compte tenu de la fragilité des espaces naturels traversés et de la beauté des paysages provençaux. [8] Les concepteurs de la ligne nouvelle (la SNCF, la compagnie ferroviaire publique française, au travers de la structure TGV Méditerranée), contestée à ses débuts par les riverains et les défenseurs de l’environnement, ont mis un point d’honneur à inscrire le tracé dans une succession de paysages pittoresques. [9] « Dans un premier temps, les architectes ont imaginé la ligne globale comme un trait tracé dans le relief pour servir la grande vitesse. [10] Ensuite, ils ont adapté les ouvrages et les aménagements à chaque site traversé », explique Guy Claverie, responsable des études et de l’environnement sur la ligne nouvelle. [11] Des technologies de pointe. [12] Sur les 500 ouvrages d’art qui jalonnent le parcours, sept viaducs exceptionnels, dont les longueurs s’échelonnent entre 320 et 1 730 mètres, et deux tunnels, dont un de plus de 8 kilomètres aux portes de Marseille, ont fait l’objet d’études poussées qui ont associé les techniques de construction les plus performantes. [13] Dans certains cas, pour la première fois au monde. [14] C’est ainsi que le viaduc de Ventabren, dont le socle de 1 730 mètres enjambe une autoroute, a été joint, en l’espace de cinq heures, grâce à la mise en place par rotation de deux ensembles de 4 000 tonnes hissés sur leurs piliers. [15] Une technique audacieuse, employée parce qu’il n’était pas question d’interrompre la circulation autoroutière de manière prolongée. [16] Autre aspect qui n’a rien de négligeable : la prise en considération des risques sismiques. [17] Les ouvrages de la nouvelle ligne ont été spécialement conçus pour résister à un séisme d’une intensité de 5,5 sur l’échelle de Richter, lequel surviendrait à l’instant où deux convois se croiseraient à une grande vitesse. [18] Côté environnement, les formes courbes et les rondeurs ont été privilégiées par les architectes, des bétons ont même été spécialement élaborés pour mieux faire corps avec les sites traversés. [19] Mais l’odyssée de la nouvelle ligne se caractérise aussi par un souci du respect de la faune et de la flore. [20] Des palissades ont été spécialement conçues pour empêcher la traversée des animaux, et des passages ont été aménagés pour que les cerfs, les sangliers ou les crapauds puissent franchir le sillon de la grande vitesse. [21]Les talus, les buttes et les parois ont été redessinés, ensemencés et enherbés afin d’être stabilisés et agréables au regard. [22] Au bout du compte, plus de un million de végétaux ont été plantés, parfois après que les pépiniéristes eurent appris à cultiver des espèces qui ne l’avaient encore jamais été. [23] Un travail de fond qui constitue un savoir-faire que la SNCF présente aux visiteurs du monde entier (plus de 10 000, sur un total de 100 000 visiteurs, viennent des Etats-Unis, de la Chine, de la Corée, de l’Australie, de l’Union européenne, de l’Europe de l’Est ou du Moyen-Orient). [24] Un site internet, référencé par la plupart des moteurs de recherche, permet d’ailleurs de se faire une idée de l’ampleur de la tâche accomplie. [25] Ce n’est pas tout : la SNCF a souhaité observer les évolutions de ces aménagements dans le temps. [26] D’où la création d’un observatoire dont la mission première est de veiller à ce que le paysage s’impose au train, et non l’inverse. [27] Une autre innovation. [28] La volonté d’aménager le territoire. [29] Le soin apporté à la construction de la ligne du TGV Méditerranée tient certes à la beauté des paysages traversés. [30] Mais les notions d’aménagement du territoire et de pari commercial ne sont pas étrangères à la démarche. [31] Plus de un million de végétaux auront été plantés. [32] Pour la première fois, en effet, la grande vitesse placera Marseille et son port, le premier de France et le troisième d’Europe pour le trafic, à une heure de Lyon, capitale de la région Rhône-Alpes et troisième agglomération française. [33] Signant l’alliance de deux métropoles régionales, ainsi qu’un rééquilibrage du réseau de communication vers le Sud au profit de villes moyennes. [34] Pour la SNCF, la mise en service de ce nouveau TGV est aussi à replacer dans le contexte de la réalisation d’un réseau à grande vitesse européen qui s’étendra tout d’abord en direction de l’Espagne, puis de l’Italie. Des études sont d’ailleurs en cours. [35] Qui plus est, la mise en service de la ligne nouvelle va libérer d’autres voies pour le fret entre Marseille et Lyon. [36] Enfin, les voyageurs. Pour la première fois, le train va directement concurrencer l’avion sur l’axe Marseille-Paris-Marseille, et la SNCF devrait y gagner six millions de voyageurs supplémentaires. [37] De quoi entrer dans le nouveau siècle en brûlant les étapes. [38] Jean-Luc Crozel. Journaliste au quotidien régional La Provence [39] Pour en savoir plus : Sur internet : www.tgvmediterranee.com [40] Le TGV Méditerranée en chiffres. La ligne nouvelle a une longueur totale de 250 kilomètres. [41] La construction a nécessité 36 millions de mètres cubes de déblais et 40 millions de mètres cubes de remblais. [42] 483 ouvrages d’art courant ont été construits, ainsi que 17 155 mètres de viaducs et 12 768 mètres de souterrains et de tunnels. [43] 1 000 kilomètres de rails et 850 000 traverses ont été posés sur 2,4 millions de tonnes de ballast. [44] Le chantier, qui comprend également la construction de trois nouvelles gares (Valence, Avignon et Aix-en-Provence) ainsi que la rénovation de celle de Marseille-Saint-Charles, construite à la fin du XIXe siècle, représente 100 millions d’heures de travail. [45] Il a suscité 11 500 emplois directs et indirects pendant les cinq années qui ont permis l’aboutissement de l’ouvrage. [46] Le coût global des travaux a été chiffré à 3,81 milliards d’euros (25 milliards de francs).