[9,0] LIVRE IX [9,1] CHAPITRE Ier. QUELS SONT LES HISTORIENS PARMI LES GRECS QUI ONT FAIT MENTION DE LA NATION JUIVE. Après avoir fait une revue rapide, quoiqu'elle ne soit dépourvue de critique ni d'une discussion approfondie, de la manière dont les Hébreux reçoivent et comprennent leurs livres saints, il est temps de considérer comment les écrivains les plus distingués parmi les Grecs, ont montré qu'ils n'étaient pas étrangers aux actes qui composent l'histoire de ces mêmes hébreux ; en ce que les uns ont rendu témoignage de la manière de vivre des hommes et de la vérité des récits historiques qui les concernent; les antres ont parlé comme eux de leur croyance religieuse. Je vais citer d'abord des extraits des premiers, en montrant que parmi les Grecs il se trouve un bon nombre d'écrivains qui ont mentionné les noms de Juifs et d'Hébreux, qui ont parlé de leur philosophie, pratiquée depuis un temps immémorial, et de l'histoire de leurs ancêtres. Je commencerai donc cette partie de mon ouvrage par exposer le genre de vie de ces hommes, pour faire comprendre que ce n'est pas sans une mûre délibération d'esprit que nous nous sommes décidés à préférer leur philosophie à celle des Grecs. L'on verra que les témoignages rendus à leurs vertus morales n'émanent pas seulement de leurs livres saints, mais sont également dus aux plus illustres et aux mieux famés des philosophes de la Grèce. Prenez et lisez le fragment suivant de Théophraste tel qu'il se trouve transcrit dans ce que Porphyre a publié sur l'abstinence de la chair des animaux. [9,2] CHAPITRE II. DE THÉOPHRASTE CONCERNANT LES JUIFS, TIRÉ DU SECOND LIVRE DE PORPHYRE SUR L'ABSTINENCE DE LA CHAIR DES ANIMAUX. « Les Juifs qui habitent en Syrie immolent encore aujourd'hui, dit Théophraste, de la même manière que cela a été pratiqué dès le principe. Si on nous enjoignait de nous conformer à leur rite, nous renoncerions à l'usage des sacrifices ; car sans se nourrir des viandes immolées, ils passent la nuit entière à les consumer complètement, en faisant d'abondantes libations de miel et de vin sur les victimes, ayant soin de les réduire en cendres au plus vite, pour que l'astre qui voit tout, ne découvre rien de cette férocité. Les jours qui précèdent et suivent cet acte religieux, sont consacrés par le jeûne et pendant tout ce temps ce peuple éminemment philosophe n'a pas d'autre entretien que sur Dieu. Pendant la nuit ils observent les astres, et à force de les étudier ils entendent des voix divines. Ce sont eux qui, les premiers, forcés par la nécessité et non pour satisfaire leurs passions, se sont immolés eux-mêmes avant d'immoler d'autres animaux. » [9,3] CHAPITRE III DE PORPHYRE SUR LA PHILOSOPHIE QUI A BRILLÉ CHEZ LES JUIFS DÈS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS. Dans le quatrième livre du même traité voici ce que Porphyre rapporte concernant les Juifs : « Il existe une secte de Juifs qu'on nomme les Esséniens, qui accomplissent, plus qu'aucuns autres, les devoirs d'une affection mutuelle. Ces hommes fuient les voluptés, comme le mal par excellence. Ils pratiquent une austère continence, plaçant toute la vertu dans la lutte contre les passions; dédaignant pour eux-mêmes les liens du mariage, ils adoptent des enfants étrangers, lorsqu'ils sont encore d'un âge tendre et propres à être façonnés aux sciences, les regardant comme leurs propres enfants et les formant à leurs usages! Ils n'ont pas l'intention d'abolir le mariage, et d'arrêter la succession des races qui en résulte; ils veulent seulement se mettre en garde contre les passions désordonnées des femmes. Ils méprisent la richesse et pratiquent la communauté des biens d'une manière admirable, en sorte que l'un ne possède pas plus que l'autre. C'est une loi imposée à quiconque veut entrer dans cette société, de lui faire don de toute sa fortune, de sorte qu'aucun d'eux ne peut être ni humilié de sa pauvreté, ni enorgueilli de sa richesse. Toutes ces fortunes individuelles étant ainsi confondues, forment une masse commune, comme serait celle de frères. Ils considèrent l'huile comme une impureté, et si quelqu'un en reçoit involontairement des taches, il se nettoie aussitôt le corps: l'aridité de la peau étant ce qu'ils apprécient le plus. Ils portent des vêtements entièrement blancs ; les régents de cette congrégation sont désignés par élection, et fournissent indistinctement à tous leurs subordonnés, suivant leurs besoins. Ils ne sont pas concentrés dans une seule ville ; mais ils habitent comme domiciliés et non comme citoyens, dans chaque ville, quoiqu'en grand nombre, tenant leurs maisons constamment ouvertes à ceux de la même secte qui viennent d'ailleurs, elles y admettant, lors même qu'ils les voient pour la première fois, comme s'ils étaient d'anciennes connaissances. Aussi se mettent-ils en route sans se charger d'argent pour les dépenses du voyage ; ils ne quittent ni vêtements ni chaussures à moins qu'ils n'aient été ou déchirés ou usés par vétusté; ils n'achètent ni ne vendent; mais chacun donne à celui qui en a besoin les objets en sa possession, et en reçoit également ce qui peut lui être utile, sans qu'il y ait nécessité pour eux de donner afin de recevoir en échange des autres, ce qu'ils veulent en obtenir. Ils se font surtout remarquer par leur piété envers la divinité : avant le lever du soleil, ils ne profèrent aucune parole sur des sujets profanes : mais ils lui adressent certaines prières qu'ils tiennent de leurs ancêtres comme pour le supplier de se lever ; ensuite chacun d'eux se livre aux travaux de l'art qu'il pratique, sous la direction des surveillants, s'y appliquant sans relâche jusqu'à la cinquième heure; après quoi ils rassemblent de nouveau dans un même lieu, où, s'étant ceints d'un simple caleçon, ils se baignent dans l'eau froide ; puis, après cette lotion, ils se réunissent de nouveau dans un appartement où il n'est permis à aucun de ceux qui ne partagent pas leur croyance, de pénétrer; s'étant ainsi purifiés, ils se rendent dans le cénacle, comme dans un sanctuaire, où s'étant rangés en silence, le boulanger dépose ses pains dans le même ordre, le cuisinier met devant chacun des convives un plat qui ne contient qu'un seul mets; le prêtre bénit la nourriture simple et pure qui leur est servie, et personne n'ose y porter la main avant cette bénédiction. Après le repas, la prière se renouvelle, en sorte qu'ils glorifient Dieu en commençant et en terminant. Ils déposent aussitôt leurs vêtements de religion, et se remettent à l'ouvrage jusqu'au soir; alors ils retournent de la même manière au souper, auquel ils admettent les étrangers qui peuvent se présenter. Aucun cri, aucun bruit tumultueux ne trouble la paix de leur demeure ; ils se cèdent la parole à tour de rôle, de manière que le silence qui règne dans leur intérieur semble aux hommes du dehors comme un imposant mystère; la raison en est due uniquement à cette sobriété persévérante qui préside à la distribution des aliments et des boissons, qui n'a pas la satiété pour limite. « Pour ceux qui ambitionnent de faire partie de cette secte, l'admission n'est pas immédiate; mais pendant un an entier, retenus au-dehors de l'habitation, ils se soumettent au même régime; on leur donne une hache et un tablier avec un vêtement blanc. Lorsque, pendant ce laps de temps, ils ont donné la preuve d'une grande tempérance, on les reçoit dans une plus parfaite intimité ; on les admet à la participation des bains et des purifications; mais on ne les admet pas complètement à la communauté de vie : on éprouve encore pendant deux ans leur caractère et leur persévérance, et, si on les en juge dignes, on les reçoit seulement alors dans le sein de la société. « Avant de porter la main sur les aliments communs, ils doivent se lier par des serments terribles. Ils jurent d'abord de pratiquer la piété envers Dieu, ensuite envers les hommes; de gardes les règles de la justice ; de ne faire de tort à personne, ni par une intention personnelle, ni pour obéir à un ordre reçu; de haïr toujours les méchants; de s'associer aux hommes vertueux qui ont à supporter des injustices ; de garder fidélité à tous les hommes, surtout à ceux qui gouvernent; car ce n'est pas sans l'intervention de la divinité que la puissance du commandement leur est attribuée. Si c'est à l'un d'eux que l'autorité est déférée, il prend l'engagement de ne jamais en abuser par violence, de ne se distinguer des sujets ni par les vêtements, ni par une plus grande pompe, de chérir toujours la vérité, de repousser les menteurs, de préserver ses mains du vol, de conserver son âme pure de tout gain illicite, de n'avoir aucun secret pour ceux dont il partage la vie, de ne rien révéler aux autres, quand pour l'y contraindre, on le menacerait de mort. Par-dessus tout cela, ils jurent encore de ne point altérer les dogmes qu'ils ont reçus, quand ils les transmettent aux autres, de s'abstenir de rapine, et de conserver avec un égal soin les livres de leur secte et les noms des anges. Tels sont leurs serments. « Les prévaricateurs sont exclus de leur sein, et périssent misérablement ; enchaînés par leurs serments à une manière de vivre qu'ils ne peuvent déserter et repoussés de la table commune, ils sont réduits à se nourrir d'herbes et succombent d'inanition. Ce qui a fait que, prenant compassion de plusieurs de ces infortunés, ils les ont recueillis lorsqu'ils étaient réduits aux derniers abois, pensant que leur faute était suffisamment expiée, puisqu'ils avaient été aux portes de la mort. Ils donnent un boyau à ceux qui se destinent à embrasser leur genre de vie, afin de se creuser une fosse d'un pied de profondeur; car il ne leur est pas permis de satisfaire ailleurs aux besoins naturels, et ils doivent s'envelopper de manteaux, pour ne pas faire injure à l'éclat du Dieu. La frugalité et la parcimonie de leur régime, est telle qu'ils n'ont pas besoin de se soulager le jour du sabbat; ils consacrent habituellement cette journée à chanter des hymnes en l'honneur de Dieu, et à rester dans l'inaction ; ils acquièrent par la pratique constante des privations une telle force de caractère que les tortures de toute nature au moyen du fer du bois et du feu, et de tous les instruments de supplice par lesquels on les a fait passer pour les contraindre à blasphémer le législateur, ou à manger des mets prohibés, n'ont pu vaincre leur résistance, ils en ont donné des preuves dans la guerre contre les Romains, ne s'étant jamais abaissés jusqu'à flatter ceux qui les maltraitaient, ou à répandre des larmes ; souriant au contraire au milieu des souffrances, et employant l'ironie contre ceux qui les appliquaient à la torture, ils se séparaient avec courage de leur âme, dans l'espoir de la recouvrer ; car c'est une croyance enracinée chez eux, que les corps sont périssables et formés d'une nature destructible, mais que les âmes sont immortelles et demeurent éternellement : elles ne sont qu'une agrégation émanée de l'air le plus léger, qui n'est attiré dans les corps que par l'action virtuelle de la nature, lesquelles, une fois dégagées des liens de chair qui les retiennent, semblables à des esclaves affranchis d'une longue servitude, s'élancent avec joie vers les régions supérieures. Avec une pareille manière de vivre, avec un exercice aussi constant de tout ce qui tend à la connaissance de la vérité et à la pratique de la piété, on ne doit pas s'étonner qu'un grand nombre d'entre eux aient eu connaissance des choses futures, y étant préparés dès l'enfance par la méditation des livres saints, par les purifications de toutes natures qu'ils pratiquent, par l'étude des sentences des prophètes; aussi arrive-il rarement qu'ils se trompent dans leurs prédictions.» C'est d'après d'anciennes lectures, suivant les apparences, que Porphyre a recueilli ce qu'on vient de lire, qui rend témoignage à la piété et à la philosophie des hommes qu'il fait connaître. Il a inséré ce morceau, dans le quatrième livre de sa composition touchant l'abstinence de la chair des animaux. [9,4] CHAPITRE IV. TIRÉ D'HÉCATÉE SUR LES JUIFS. Hécatée d'Abdère, philosophe en même temps qu'historien, ayant consacré un livre spécial à tracer l'histoire des Juifs rapporte à leur sujet beaucoup de choses dont il suffira pour le moment d'extraire ce qui suit : « Les Juifs possèdent dans leur pays de nombreuses places fortes et des bourgs. Une de ces places, dont le périmètre est pour le moins de cinquante stades, renferme cent vingt mille habitants : on la nomme Jérusalem. Dans le centre, ou à peu près, de la ville, il se trouve une enceinte fermée de murs en pierre, d'une longueur d'environ cinq plèthres, d'une largeur de cent coudées, ayant deux portes. Là, se voit un autel tétragone, formé de pierres brutes, placées sans appareil, l'une sur l'autre, dont voici les dimensions : chaque côté a vingt coudées sur douze de hauteur, et en outre, on voit une grande enceinte qui contient aussi un autel et un chandelier, tous deux d'or et du poids de deux talents ; sur ceux-ci une lampe constamment allumée brûle les nuits et les jours. On n'y remarque aucune statue, aucune consécration votive, ni plantation d'aucune espèce, telle qu'un bois sacré, ou quelque chose d'analogue. Il y a constamment des prêtres qui résident dans ce temple les jours et les nuits, après avoir subi certaines purifications, et s'abstenant, tant qu'ils sont dans le temple, de boire du vin. » Après avoir dit ces choses, il ajoute qu'ils ont combattu sous le roi Alexandre et sous ses successeurs après lui, et je citerai un trait dont il fut témoin, de la part d'un des Juifs qui était dans l'armée; c'est lui qui parle : « Lorsque j'étais en marche, vers les bords de la mer Rouge, sous l'escorte d'un corps de cavaliers juifs, l'un de ceux qui m'accompagnaient se nommait Mosamamos, et joignait les sentiments élevés de l'âme à la force du corps : de l'aveu de tous, tant Grecs que Barbares, c'était le meilleur archer. Le nombre de ceux qui composaient le convoi était considérable : un devin demanda qu'on suspendît la marche, pour qu'il pût tirer l'augure du vol d'un oiseau. Cet homme alors demanda pourquoi l'on faisait halte : le devin lui montra l'oiseau, et lui dit que, s'il s'arrêtait, il serait avantageux pour tous d'en faire autant; si au contraire, en reprenant son vol, il se portait en avant, on devrait faire de même; enfin s'il se dirigeait en arrière, on devrait rétrograder. Sans rien répondre, Mosomamos tira son arc, lança sa flèche, atteignit l'oiseau et le tua. Le devin, ainsi que plusieurs autres, s'étant mis en colère, et prononçant des imprécations contre lui : quelle est votre démence, s'écria-t-il, ô malheureux? et prenant l'oiseau dans ses mains, comment celui-ci, dit-il, qui n'a pas su prévoir ce qui devait contribuer à son salut, aurait-il pu vous annoncer ce qui devait assurer votre marche? s'il avait pu avoir la prescience de l'avenir, il ne serait pas venu s'exposer en ce lieu, dans la crainte que le Juif Mosomamos ne le perçât de sa flèche. » Voici ce que rapporte Hécatée. [9,5] CHAPITRE V. CLÉARQUE SUR LES MÊMES, TIRÉ DU PREMIER LIVRE DES SONGES. Cléarque, philosophe Péripatéticien, dans le premier livre des Songes, met dans la bouche d'Aristote, un propos sur les Juifs tel que ce qui suit, l'ayant pour ainsi dire transcrit mot pour mot. « Cependant il serait trop long de s'étendre sur ce sujet; toutefois il ne sera pas sans intérêt de parcourir de même, ce qui dans ses écrits est digne d'admiration et vraiment philosophique. Sachez donc bien, ô Hypérochide, que je vais vous dire des choses merveilleuses, et qui ressemblent à des rêves. Puis Hypérochide, avec une expression de modestie; c'est pour cela surtout, dit-il, que nous désirons tous vous entendre. Eh bien donc, reprit Aristote, suivant le précepte des rhétoriciens, parlons d'abord de sa race, pour que nous ne contrevenions pas aux règles des maîtres en éloquence. Parlez donc, dit Hypérochide, ainsi, si cela vous convient. Cet homme était Juif de nation, de la Célésyrie. Ces hommes descendent des Calanes, Indiens, ayant reçu des Syriens le nom de Juifs, qu'ils doivent au lieu qu'ils habitent, qui porte le nom de Judée, parmi les peuples voisins. Le nom de leur ville est tout à fait étrange; car ils la nomment Jérusalem. Cet homme donc, ayant reçu l'hospitalité d'une foule de gens, en descendant des régions supérieures, vers les contrées maritimes, était Grec non seulement par le langage, mais encore par les sentiments de l'âme. Étant venu dans les lieux où nous nous trouvions, pendant notre séjour en Asie, il nous fréquentait ainsi que plusieurs autres écoles de philosophie, dans le désir d'acquérir la sagesse, et quoiqu'il fût habituellement dans la société de plusieurs hommes savants, néanmoins il leur communiquait plus de connaissances utiles, qu'il n'en apprenait d'eux.» C'est ainsi que s'exprime Cléarque. [9,6] CHAPITRE VI. TIRÉ DU PREMIER LIVRE DES STROMATES DE CLÉMENT D'ALEXANDRIE SUR LA MENTION FAITE DE LA NATION DES JUIFS. Notre Clément rappelle également cela à la mémoire dans sa première stromate, parlant en ces termes : « Cléarque le Péripatéticien, dit avoir connu un juif qui avait fréquenté Aristote.» Et après d'autres remarques, il ajoute : « Numa, le roi des Romains, était Pythagoricien, et s'était utilement servi des livres de Moïse; il défendit en effet aux Romains de façonner une image de Dieu, qui eût la ressemblance d'un homme ou la forme d'un animal. En conséquence, dans les 170 premières années de leur existence, les Romains en construisant leurs temples, n'y renfermaient aucune statue ni aucune peinture. Numa avait voulu leur faire comprendre en leur faisant adorer la déesse Tacita, qu'il n'est pas possible d'approcher par la langue, mais seulement par la pensée, de l'être bon par excellence.» A quoi il ajoute: « L'historien Mégasthène, qui vécut dans l'intimité de Séleucus Nicanor, dit ouvertement les mêmes choses : voici ce qu'il écrit dans son troisième livre des Indes : "tout ce qui a été enseigné sur le système de la nature par les anciens, l'a été également par des philosophes étrangers à la Grèce; ainsi, dans les Indes par les Brachmanes, en Syrie par ceux qu'on nomme Juifs." Puis, Clément continue en faisant mention d'Aristobule le Péripatélicien, et de Numénius le Pythagoricien, et dit : « Aristobule, dans le premier des livres qu'il a adressés à Philométor, s'exprime en ces termes : Platon s'est modelé sur notre législation, et on voit clairement que chacune des choses qui y sont dites, a été retouchée par lu. On avait interprété avant Démétrius de Phalère, avant même le règne d'Alexandre et la domination des Perses, tout ce qui a rapport à la sortie de nos concitoyens les Hébreux, de l'Égypte, et l'éclat de leurs actions, et la conquête du pays, et toute la suite des lois; en sorte qu'il est évident que le philosophe susdit y a puisé beaucoup de choses. Il était instruit dans bien des sciences, aussi bien que Pythagore qui a transporté dans le corps de sa philosophie, bien des emprunts qu'il nous a faits. Numénius le Pythagoricien, l'écrit en propres termes : "Qu'est-ce que Platon, dit-il, sinon Moïse parlant la langue attique ?" Là, cesse Clément. [9,7] CHAPITRE VII. DE NUMÉNIUS, PHILOSOPHE PYTHAGORICIEN SUR LES JUIFS, TIRÉ DU PREMIER LIVRE DU TRAITÉ DU BIEN. Je vais citer du même philosophe Pythagoricien, je veux dire Numénius, un extrait tiré de son premier livre du bien. « Celui qui parlera dans ce sens, devra après l'avoir appuyé par les témoignages de Platon retourner en arrière, lier ces doctrines aux discours de Pythagore, invoquer les nations les plus célèbres, faire connaître leurs initiations et leurs dogmes, et les consécrations qu'ils ont instituées, en rapport avoué avec Platon. Telles enfin que les ont pratiquées les Brachmanes, les Juifs, les Mages et les Indiens.» Voilà ce que Numénius a dit sur ce sujet. [9,8] CHAPITRE VIII. DU MÊME SUR MOÏSE ET EN MÊME TEMPS SUR LES JUIFS, TIRÉ DU TROISIÈME LIVRE DU MÊME OUVRAGE. Dans son troisième livre, le même Numénius fait mention de Moïse. « Ensuite, dit-il, Jannès et Jambrès, hiérogrammates égyptiens, se distinguèrent comme ne le cédant à personne dans les sciences magiques, à l'époque où les Juifs furent chassés d'Égypte. Ce furent eux que le peuple égyptien jugea dignes d'être opposés à Musée (Moïse), qui conduisait la nation des Juifs, et qui exerçait une grande puissance par sa manière d'invoquer Dieu. Et en effet, ils montrèrent leur habileté à empêcher l'effet des plus formidables plaies dont Musée frappa l'Egypte. » Dans ces termes de Numénius, on voit qu'il avait foi aux prodiges étonnants µ opérés par Moïse, et il lui rend témoignage comme étant ami de Dieu. [9,9] CHAPITRE IX. DU POÈTE CHOERILÉ SUR LES JUIFS. Chœrilé l'ancien, célèbre comme poète, fait mention de la nation Juive, comme ayant combattu en Grèce sous le roi Xerxès. « Derrière eux marchait un peuple effrayant à voir : leur bouche faisait entendre une langue phénicienne; ils habitaient dans les monts Solymes près d'un lac étendu. Ils portaient les cheveux coupés en rond sur une tête poudreuse que recouvrait un crâne de cheval dépouillé et durci à la fumée.» On voit clairement qu'il s'agit ici des Juifs, parce que la ville de Jérusalem passe chez les Grecs pour être située dans les monts qu'ils nomment Solymes, près du lac Asphaltite que le poète nomme très étendu; g-plateeh, c'est en effet le plus grand des lacs de Syrie, voilà ce qu'en dit Chœrilé. [9,10] CHAPITRE X. TIRÉ DE PORPHYRE, NOTRE CONTEMPORAIN. ORACLES D'APOLLON CONCERNANT LES HÉBREUX. Porphyre, dans le premier livre de la philosophie d'après les oracles, introduit son Dieu rendant témoignage à la sagesse de la nation hébraïque, les rangeant parmi les peuples vantés par leur haute intelligence. Voici en quels termes Apollon s'exprime dans l'oracle cité, termes auxquels on doit apporter une haute attention; car ils sont pleins d'une sagesse toute divine. Il ajoute aux recommandations sur les sacrifices que nous avons citées : « Le chemin qui mène vers les dieux heureux est raide et escarpé de toutes parts; d'abord il s'ouvre, par des portes d'airain, les sentiers en sont restés dans le secret de la divinité. Les premiers mortels, qui aient dévoilé quelque chose de cette œuvre immense, sont ceux qui boivent la belle eau de la terre qu'arrose le Nil. Les Phéniciens ont enseigné plusieurs des voies qui mènent aux dieux, les Assyriens, les Lydiens, et la race des hommes Hébreux, et ce qui suit.» Porphyre ajoute : « La route conduisant vers les dieux, est d'airain ; elle est raide, escarpée, et les Barbares ont découvert plusieurs des sentiers qui y tendent. Les Grecs ou l'ont méconnue, ou s'en étant mis en possession, l'ont pervertie. Le dieu a témoigné que ce sont les Égyptiens à qui la découverte en est due, puis les Phéniciens et les Chaldéens; ces derniers sont les Assyriens ; enfin les Lydiens et les Hébreux. » En outre de ceci, dans un autre oracle, Apollon dit encore: « Les seuls Chaldéens ont obtenu la sagesse en partage, et les Hébreux qui honorent purement Dieu, roi engendré de lui-même.» Et encore, ayant été interrogé sur la cause qui lui faisait nommer les cieux au pluriel, il rendit cet oracle : « Il n'y a dans tout l'univers qu'un seul cercle, mais avec les sept zones; il se transporte dans son orbite semée d'étoiles, et ce sont ces zones que les Chaldéens et les Hébreux, dignes d'imitation, nomment célestes, comme partageant tout le septuple cours. » Quant aux noms de Juifs et d'Hébreux, connus des auteurs grecs, et quant à leur réputation d'ancienne philosophie, ceci doit suffire. Voyons maintenant quels sont ceux des historiens qui s'accordent avec leurs traditions. Moïse, ayant rapporté dans ses antiquités, le fait d'un déluge universel, et ayant fait connaître le Noé des Hébreux, qui fut sauvé avec toute sa famille dans une arche faite de bois, Berose le Chaldéen, Hiéronyme d'Égypte, et Nicolas de Damas, historiens connus, sont cités dans le premier livre des antiquités judaïques de Josèphe comme ayant mentionné les mêmes événements. [9,11] CHAPITRE XI. DES ANTIQUITÉS DE JOSÈPHE ; QUELS SONT LES HISTORIENS DU DEHORS QUI ONT FAIT MENTION DU DÉLUGE DE MOÏSE. « Tous ceux qui ont écrit des histoires étrangères à la Grèce, au nombre desquels est Bérose le Chaldéen, parlent de ce déluge et de l'arche. Ce dernier, ayant relaté tout ce qui concerne le déluge, termine à peu près ainsi : « On dit au sujet de l'arche en Arménie, qu'il en existe encore une partie sur la montagne des Gordyéens; qu'on en enlève le bitume, dont les hommes du lieu, se servent pour détourner les malheurs qui les menacent. » « La mention en a été faite par Hiéronyme d'Égypte, celui qui a écrit des antiquités de la Phénicie, par Mnaséas et par plusieurs autres. Nicolas de Damas, dans le 96e livre de son histoire, en parle de la sorte : il existe au-dessus de Minyas, une grande montagne dans la direction de l'Arménie, nommée Baris, sur laquelle se réfugièrent la plupart de ceux qui échappèrent au déluge, et la tradition dit qu'ils s'y sauvèrent, et que l'un d'entre eux, porté sur une arche, échoua sur son sommet, et les fragments de bordages de cette arche ont subsisté pendant longtemps. Elle ne peut être autre que celle dont Moïse, législateur des Juifs, a rapporté l'histoire. » Josèphe a écrit ces choses. [9,12] CHAPITRE XII. DE L'HISTOIRE D'ABYDÈNE CONCERNANT LE DÉLUGE. Après avoir passé en revue ce que l'ouvrage d'Abydène renferme concernant l'histoire de Médie et d'Assyrie, je vais vous citer les propres paroles de cet auteur, sur la même histoire. «Après lui d'autres régnèrent, au nombre desquels figure Sisithros, à qui Cronus (Saturne) prédit qu'une abondance extraordinaire de pluie tomberait le 12 du mois Désius, il lui ordonna de cacher tout ce qu'il possédait d'écritures dans l'Héliopolis de Syparéens. Sisithros ayant exécuté cet ordre, mit aussitôt à la voile pour l'Arménie, et là, les desseins de Dieu s'accomplirent incontinent. Le troisième jour après que la pluie eût cessé, il lâcha des oiseaux comme épreuve, pour savoir s'ils découvriraient une terre sans eau. Ceux-ci ayant traversé un océan sans bornes sans trouver où se poser, revinrent vers Sisithros. Après les premiers, il en lâcha d'autres, cet essai ne lui réussit qu'à la troisième fois, car ils revinrent avec les pattes pleines de boue. Les dieux l'ont enlevé du milieu des hommes; son navire, resté en Arménie, offre aux habitants du voisinage des amulettes faites avec ses bois, qui leur servent de préservatifs contre les maladies. » Telles sont les expressions de cet auteur. [9,13] CHAPITRE XIII. TIRÉ DES ANTIQUITÉS DE JOSÈPHE POUR PROUVER QUE LA LONGÉVITÉ DES PREMIERS HOMMES EST UN FAIT MENTIONNÉ PAR DE NOMBREUX ÉCRIVAINS. Ensuite Moïse ayant dit que les premiers hommes étaient doués de longévité, Josèphe cite en témoignage des écrivains de la Grèce en ces termes : « Qu'on se garde bien de comparer avec la vie actuelle et la brièveté de nos ans la longévité des anciens, pour en conclure que ce qu'on dit d'eux est mensonger; et par la raison qu'on ne voit pas maintenant de pareils exemples de prolongation de vie, de soutenir qu'eux-mêmes n'ont pu parvenir au terme qu'on assigne à leur existence. Ces hommes en effet, chéris de Dieu et sortant pour ainsi dire de lui, à l'aide d'aliments propres à soutenir la vie pendant une suite de temps considérable, ont pu sans invraisemblance, vivre pendant un laps d'années pareils. Ensuite à cause de leur vertu et par le bon usage qu'ils ont su faire de l'astrologie et de la géométrie, Dieu leur a accordé ces longues années de six cents ans au moins de vie, sans lesquelles ils n'auraient rien pu prédire; car la grande année se complète par ce nombre d'années partielles. Tous les Grecs, aussi bien que les Barbares qui ont écrit sur les temps anciens, rendent témoignage à la vérité de ce récit. Ainsi Manéthon, auteur de l'anagraphe (histoire primitive des Égyptiens), Bérose qui a recueilli ce qui a trait à la Chaldée, Mochus, Hestiée, et après ceux-ci, Hiéronyme l'Égyptien, et ceux qui ont mis en ordre les histoires phéniciennes, sont unanimes en faveur de ce que j'ai dit. Hésiode, Hécatée, Hellanicus et Acusilas, puis Éphore et Nicolas, rapportent dans leurs histoires, que les anciens vivaient mille ans. Au reste, que chacun décide à cet égard comme bon lui semble. » [9,14] CHAPITRE XIV. TIRÉ DE L'HISTOIRE D'ABYDÈNE SUR LA CONSTRUCTION DE LA TOUR . Passons au récit de Moïse concernant la construction de la tour, où il rapporte que des idiomes divers ont porté la confusion dans la langue lyrique dont usaient les premiers hommes. L'auteur que nous avons cité un peu plus haut, dans l'histoire indiquée des Assyriens, dit la même chose en ces termes : « Il en est qui disent que les premiers hommes issus de la terre, se glorifiant dans leur force et leur stature, méprisèrent les Dieux, et se croyant supérieurs à eux, élevèrent une tour très haute, dans le lieu où est maintenant Babylone. Ils s'approchèrent du ciel ; mais les vents venant au secours des Dieux, renversèrent toute cette construction au milieu de leurs travaux ; et ces débris portent le nom de Babylone. Jusqu'alors ils avaient parlé une même langue ; mais les Dieux leur envoyèrent la multiplicité des idiomes, et la guerre éclata. Le lieu où cette tour fut élevée s'appelle encore Babylone, en mémoire de la confusion des langues qui, précédemment avaient été intelligibles à tous. Les Hébreux désignent la confusion par le nom de Babel. » [9,15] CHAPITRE XV. COMMENT BEAUCOUP D'AUTRES AUTEURS ONT FAIT MENTION DU MÊME FAIT TIRÉ DES ANTIQUITÉS DE JOSÈPHE. Quant à cette tour et la confusion de langage des hommes entre eux; la sibylle en fait mention en ces termes : « tous les hommes parlant une même langue, quelques uns d'entre eux bâtirent une tour très élevée, comme pour s'élever par son moyen jusqu'au ciel; mais les dieux envoyant des vents, renversèrent cette tour, et donnèrent à chacun sa langue particulière : il arriva qu'on nomma cette ville à cause de cela, Babylone.» Pour la plaine de Sénaar, dans la contrée de la Babylonie, Héstiée en parle ainsi : « Ceux des prêtres qui se sauvèrent, ayant emporté les insignes sacrées de Jupiter Enyalien, se réfugièrent en Sénaar de la Babylonie, d'où ils se sont répandus par la suite, à l'aide de la conformité du langage, ayant créé partout des demeures en commun, et chacun s'étant saisi de la première terre venue. » [9,16] CHAPITRE XVI. DU PATRIARCHE DES HÉBREUX. ABRAHAM. TIRÉ DU MÊME. Ensuite, Moïse ayant écrit fort au long l'histoire du patriarche des Hébreux, Abraham, Josèphe dit à cette occasion, que beaucoup d'écrivains du dehors lui servent de garant. « Bérose fait mémoire de notre père Abraham, lui donnant toutefois un autre nom. Dans la 10e génération qui suivit le déluge, dit-il, il se trouva parmi les Chaldéens un homme juste, qui était grand et fort versé dans l'astronomie. » Hécatée a fait plus que d'en faire mention; il a laissé tout un livre écrit sur son sujet. Nicolas de Damas, dans le 4e livre de son histoire s'exprime ainsi : « Abraham fût roi de Damas: c'était un étranger venu avec une armée de sa terre au-delà de Babylone, dite des Chaldéens. Peu de temps après, ayant quitté cette contrée avec tous ses sujets, il se transporta dans la terre, dite de Canaan, qu'on appelle maintenant Judée. Je parcourrai dans un autre livre les récits historiques, concernant ceux qui sont descendus de lui, et se sont fort multipliés; quant à Abraham, son nom s'est conservé et est honoré encore aujourd'hui dans le royaume de Damas; on montre un bourg nommé d'après lui, g-Abraam g-oikehsis. Dans des temps subséquents, la famine ayant éclaté dans le pays de Canaan, Abraham ayant ouï dire que les Égyptiens étaient dans l'abondance, fut désireux de se transporter parmi eux, pour y jouir de leur bien-être et pour écouler les enseignements des prêtres sur les dieux; dans l'intention, soit de suivre leurs doctrines, si elles lui semblaient meilleures, ou de les réformer en mieux s'il avait conçu des sentiments plus convenables. » Plus bas, il ajoute : « il vécut donc dans la société des hommes les plus instruits de l'Égypte, et sa vertu comme sa renommée en devinrent plus illustres; car les Égyptiens se complaisant dans des usages opposés, et rabaissant mutuellement les institutions les uns des autres, et par conséquent étant dans un état d'hostilité permanente ; les ayant mis en présence, et développant les raisons pour et contre, il fit ressortir ce qu'il y avait de vide et de contraire à la vérité dans ce que chacun mettait en avant. Ayant donc été admiré dans leurs colloques, comme doué d'une haute intelligence, et non seulement comme capable de concevoir, mais comme propre à persuader dans tout ce qu'il entreprenait de leur enseigner, il leur donna les premières notions d'arithmétique et d'astrologie; car avant l'arrivée d'Abraham en Égypte, les habitants de ce pays ignoraient les éléments de ces sciences; c'est des Chaldéens qu'elles ont pénétré en Égypte, et de là elles sont parvenues aux Grecs.» Ici s'arrête Josèphe. [9,17] CHAPITRE XVII. D'EUPOLEMUS TOUCHANT ABRAHAM, D'APRÈS ALEXANDRE POLYHISTOR DANS LE TRAITÉ SUR LES JUIFS. Alexandre Polyhistor est d'accord avec ceux-ci : c'était un homme d'un grand sens, de beaucoup d'instruction, et très connu de tous ceux des Grecs qui ont profité de leur éducation. Dans l'ouvrage qu'il a composé sur les Juifs, il dit mot pour mot ce que nous allons répéter. « Eupolémus dans son livre sur les Juifs d'Assyrie dit que la ville de Babylone, eut pour premiers fondateurs les hommes échappés du déluge : c'étaient les mêmes que les géants qui bâtirent la tour célèbre dans l'histoire. Cette tour ayant été renversée par l'action propre de la divinité, les géants se disséminèrent sur toute la terre. A la dixième génération, dit-il, dans la ville Camariné de la Babylonie, que quelques auteurs nomment la ville Ourienne; ce qu'on peut traduire par ville des Chaldéens, à la treizième génération, naquit Abraham, qui l'emportait sur tous ses contemporains, en noblesse et en science. Ce fut lui qui découvrit l'astrologie et la science chaldaïque; et s'étant élevé à une haute piété, il fut agréable à Dieu. Étant venu se fixer en Phénicie, par l'ordre de Dieu, et ayant enseigné les phases du soleil et de la lune et beaucoup d'autres choses, il plût infiniment à leur roi. Plus tard les Arméniens ayant fait une expédition contre les Phéniciens et les ayant vaincus, ils firent prisonnier le neveu d'Abraham. Abraham marcha au secours des vaincus avec ses esclaves, triompha de ceux qui avaient emmené des prisonniers, et prit à son tour les femmes et les enfants des ennemis. Des ambassadeurs étant venus le trouver, pour qu'en acceptant le prix de leur rançon, il voulût bien rendre les prisonniers, il ne voulut pas insulter à leur infortune, mais ayant pris des vivres pour ses troupes, il rendit tous les captifs, et reçut l'hospitalité dans le temple de la ville g-Argarizin, qu'on peut traduire par la montagne du Très-Haut. Il reçut des dons de Melchisédech, prêtre de Dieu et souverain de la contrée. La famine s'étant déclarée, Abraham se retira en Égypte avec tout ce qui composait sa maison, s'y établit, maria sa femme au roi des Égyptiens, parce qu'il avait dit qu'elle était sa sœur. » Il raconte ensuite avec de grands détails comment ce roi fut empêché d'avoir commerce avec elle, et comment il advint que sa maison et tout son peuple furent atteints de maladie; les devins qu'il fit appeler lui ayant déclaré que cette femme n'était pas veuve, le roi des Égyptiens découvrit ainsi qu'elle était l'épouse d'Abraham et la rendit à son époux. Dans les relations sociales qu'Abraham entretint avec les prêtres Égyptiens à Héliopolis, il leur communiqua beaucoup de connaissances importantes, leur enseigna les premiers éléments de l'astrologie et des sciences qui en découlent, et, au lieu de s'en attribuer l'invention, ainsi qu'aux Babyloniens, il en reportait la gloire à Enoch. « C'est Enoch, en effet, et non les Égyptiens, qui découvrit l'astrologie. Les Babyloniens disent que le premier Bélus est le même que Saturne ; de celui-ci naquit Bélus et Cham: lequel donna naissance au père des Phéniciens, Chanaan; il eut aussi pour fils Chus, nommé par les Grecs, Asbolos, père des Éthiopiens, frère de Mesraïm, qui fut père des Égyptiens. Les Grecs disent que ce fut Atlas qui découvrit l'astrologie ; cet Atlas n'est autre que Enoch, lequel fut instruit par les anges de Dieu de toutes les choses que nous avons apprises ainsi.» [9,18] CHAPITRE XVIII. D'ARTAPAN. TIRÉ DU MÊME OUVRAGE DE POLYHISTOR. «Artapan dit, dans l'écrit intitulé Judaica, que les Juifs se nomment Ermiouth, ce qui, dans la langue grecque, peut se traduire par Juifs, qu'ils se nomment aussi Hébreux d'Abraham. Il dit que celui-ci vint avec tout ce qui composait sa maison en Égypte, vers le roi des Égyptiens, Pharéthon et lui enseigna l'Astrologie : y ayant fait un séjour de vingt années, il retourna dans les parages de la Syrie ; mais un grand nombre du ceux qui l'avaient suivi, restèrent en Égypte, à cause de la richesse de ce pays. » «Dans des livres qui n'ont pas de nom d'auteur, on trouve Abraham rangé au nombre des géants qui habitaient dans la Babylonie et qui furent détruits par les dieux à cause de leur impiété ; Bélus, l'un d'entre eux, échappa à la mort, il habita dans Babylone, y fit construire une tour où il demeurait, qui fut nommée Bel du nom de son fondateur. Quant à Abraham, ayant été instruit, dès son enfance, dans la science astrologique, il l'enseigna d'abord aux Phéniciens; ce n'est qu'après qu'il vint chez les Égyptiens. » [9,19] CHAPITRE XIX. TIRÉ DU MÊME AUTEUR, EXTRAIT DE MOLON. « Molon, qui a écrit un ouvrage contre les Juifs, dit : « Après le déluge, l'homme, qui avait été sauvé avec ses enfants, revint d'Arménie, puis ayant été expulsé de ses propriétés par les habitants du lieu, traversa tout le pays intermédiaire, et se rendit dans la partie montagneuse de la Syrie, qui était alors déserte. Après trois générations, naquit Abraham, (nom qu'on peut traduire par l'ami de son père), lequel s'étant adonné à la sagesse, parcourut toute cette solitude. Il prit deux femmes, l'une du lieu et sa parente, l'autre d'Égypte, qui lui appartenait comme sa servante. De l'Égyptienne il eut douze enfants, lesquels s'étant en allés en Arabie, se distribuèrent le pays, et en furent les premiers rois. C'est la cause pour laquelle, jusqu'à ce jour, on compte douze rois en Arabie, qui ont les mêmes noms que ces premiers rois. De son épouse, Abraham n'eut qu'un seul fils, dont le nom peut se traduire en grec par g-Gelohs (le rire). Abraham mourut de vieillesse. Gélos prit pour épouse une fille de ce pays, dont il eut 11 enfants, et pour douzième Joseph ; Moïse en descend à la troisième génération. » Ici, s'arrête Polyhistor. Puis, après d'autres récits, il ajoute: « Peu de temps après, Dieu ordonna à Abraham d'immoler en holocauste son fils Isaac. Ayant pris ce fils, il le conduisit sur la montagne, y dressa un bûcher, et plaça dessus Isaac. Au moment où il allait l'immoler, il en fut empêché par un ange, qui lui fournit, en sa place, un bélier pour servir de victime. Abraham, en conséquence, retira son fils de dessus le bûcher, et immola le bélier. » [9,20] CHAPITRE XX. DE PHILON SUR ABRAHAM. Philon, dans son premier livre des choses de Jérusalem, s'exprime en ces termes : « J'ai ouï rapporter d'Abraham, l'élu de l'écho divin, que rattachant aux oracles qui remontent à des temps anciens, l'origine de nos ancêtres, espérant voir sa tige illustre et élevée se multiplier à l'infini, d'après les consolations qui inondaient ses sublimes conceptions; il consentit néanmoins à sacrifier son éclatant rejeton. Le tout-puissant, à la voix redoutable, fut (satisfait de sa soumission ), un auge arrêta l'embrasement funeste, et rendit immortelle la parole que Dieu lui avait donnée. Aussi, son descendant a passé des gémissements aux chants d'allégresse qui célèbrent sa gloire. » A quoi il ajoute après quelques vers : « Ayant saisi la poignée d'un glaive propre à sa main, qui avait été fraîchement aiguisé, il se disposait à en frapper celui qui l'avait porté. Déjà il pressait obliquement sa gorge, mais Dieu mit en ses mains un bélier embarrassé par ses cornes; et ce qui vient à la suite. » Toutes ces citations appartiennent à l'ouvrage de Polyhistor, et Josèphe nous apprend aussi, dans le premier livre de ses antiquités, les mêmes choses, on y lit: « que cet Aphrène, ayant mis une armée en campagne contre les Lybiens (Africains), occupa leur pays, et que ses descendants y ayant fixé leur demeure, ont nommé d'après lui cette terre du nom d'Afrique.» J'ai pour garant de ce que j'avance, Alexandre Polyhistor, qui le dit en ces termes: « Cléodemus le prophète, qui porte aussi le nom de Malchus, rapporte ce qui suit dans son histoire des Juifs, d'accord avec ce qu'en a écrit le législateur même des Juifs Moïse, savoir qu'Abraham eut de Chettura plusieurs enfants, de trois desquels il donne les noms, Apher, Assur et Aphran. Assur fut le fondateur de l'empire d'Assyrie; les deux autres, Aphran et Apher, bâtirent la ville Aphra, qui donna le nom d'Afrique à la contrée où elle fut construite. Ceux-ci combattirent avec Hercule, contre Lybia et Antée. Hercule ayant épousé la fille d'Aphran, en eut un fils nommé Diodore, qui donna le jour à Sophonan, de qui sont issus les Barbares appelés Sophies. » En voilà assez au sujet d'Abraham. [9,21] CHAPITRE XXI. DE DÉMÉTRIUS SUR JACOB. Retournons au Polyhistor. « Démétrius dit : que Jacob étant parvenu à l'âge de 75 ans, se réfugia à Charrhan en Mésopotamie, y ayant été envoyé par ses parents, à cause de la haine cachée de son frère Ésaü, par la raison que son père l'avait béni, croyant bénir Ésaü : quittant son père Isaac âgé de 137 ans, lorsqu'il en avait 77. Étant demeuré en ce lieu pendant sept années, il y épousa les deux filles de son oncle maternel Laban, Lia et Rachel. Il était alors âgé de 84 ans ; dans les sept années qui suivirent, il lui naquit douze enfants; dans la huitième année, le dixième mois, Ruben; dans la neuvième, le huitième mois, Siméon; dans la dixième, le sixième mois, Lévi; dans la onzième, le quatrième mois, Judas. Rachel n'étant point devenue mère, portait envie à sa sœur, et donna à Jacob pour la remplacer sa servante Zelpha ; pendant le même temps, où BalIa conçut Nephtali, c'est-à-dire la onzième année et le cinquième mois. Elle mit an jour dans la douzième année, le deuxième mois, un fils qui fut nommé Gath (Gad), par Lia; de la même, pendant la même année au douzième mois, naquit un autre fils qui fut nommé Aser par Lia. Puis Lia, en compensation des fruits de mandragore que Ruben porta à Rachel, conçut ainsi que sa servante Zelpha, dans le même temps, savoir : le troisième mois de la douzième année, et donna naissance dans cette même année, le douzième mois, à un fils auquel elle imposa le nom d'Issachar ; ensuite Lia, le dixième mois de la treizième année, mit au jour un autre fils appelé Zabulon, et la même encore, au huitième mois de la quatorzième année, accoucha d'un fils nommé Dan. Ce fut alors que Rachel conçut en même temps que Lia, qui mit au monde Dina sa fille; elle donna naissance le huitième mois de la treizième année, à un fils qui fut appelé Joseph, en sorte que dans ces sept ans qu'il passa chez Laban, Jacob eut douze enfants. « Jacob voulant retourner chez son père dans le pays de Chanaan, ayant consenti à demeurer encore six autres années sous Laban, la totalité de son séjour à Charrhan fut donc de 20 années. Dans son retour à Chanaan, il lutta contre l'ange de Dieu qui toucha la partie large de sa cuisse, et la privant de vie le rendit boiteux. C'est à cela qu'on doit attribuer l'usage pour ses descendants, de ne pas manger cette partie, dans la cuisse des animaux. L'ange lui dit qu'il ne s'appellerait plus désormais Jacob, mais Israël. Il passa de la terre de Chanaan dans celle des Sichimites. Ruben étant âgé de 12 ans 2 mois. Siméon 11 ans et 4 mois, Lévi de 10 ans et 6 mois, Judas avait 9 ans et 8 mois, Nephtali 8 ans et 10 mois, Gad 8 ans et 10 mois, Aser 8 ans, Issachar 8 ans, Zabulon 7 ans 2 mois, Dina 6 ans et 4 mois, Joseph 6 ans et 4 mois. Israël s'arrêta pendant dix années chez Emmor, où sa fille Dina fut déshonorée par Sichem fils d'Emmor; elle avait alors 16 ans et 4 mois. Les fils d'Israël, Siméon âgé de 21 ans et 4 mois, Lévi de 20 ans et 6 mois, s'étant élancés à la vengeance, tuèrent Emmor et Sichem son fils, et tous les habitants mâles de Sichem, à cause de l'insulte faite à Dina : Jacob avait alors 107 ans. Étant allé à Louza de Bethel, Dieu lui dit que désormais il ne se nommerait plus Jacob mais Israël; de là, il se rendit à Chaphrata, d'où il passa à Ephrata, qui fut depuis Bethléem ; c'est en ce lieu que Rachel mit au monde Benjamin, puis elle mourut, en accouchant de Benjamin: Jacob avait vécu avec elle 23 ans. De là, Jacob se rendit à Mambry de Chebron auprès de son père Isaac; Joseph était âgé de 17 ans, il fut vendu en Égypte, et y demeura 13 ans dans une prison, en sorte qu'il avait 30 ans lorsque Jacob en avait 110, Isaac étant mort l'année précédente, âge de 180 ans. Joseph ayant expliqué au roi le songe qu'il avait eu, fut mis à la tête du gouvernement de l'Égypte, pendant 7 ans, durant lesquels il épousa Aseneth fille de Pentephré, prêtre d'Héliopolis, laquelle donna le jour à Manassé et à Éphraïm. La famine ayant commencé à se faire sentir pendant deux ans consécutifs, Joseph étant depuis neuf années au sein de la plus grande prospérité, il n'envoya pas chercher son père, parce que lui et ses frères étaient des pasteurs, et que la vie pastorale est ignominieuse dans l'opinion des Égyptiens. Telle est la cause pour laquelle Joseph déclara, lui-même, qu'il n'avait pas envoyé chercher son père; car ses parents étant venus en Égypte, il leur dit que si le roi les faisait appeler et qu'il les interrogeât sur ce qu'ils faisaient, ils lui répondissent qu'ils étaient des nourrisseurs de bestiaux. « On a demandé pourquoi Joseph donna à son frère Benjamin, dans le repas, une part quintuple des autres, lorsqu'il ne pouvait pas absorber cette quantité de viande. Il le fit parce que Lia avait eu sept fils de son père, tandis que deux seulement étaient issus de Rachel sa mère; c'est pourquoi il attribua cinq portions à Benjamin, s'en étant réservé deux, ce qui complétait le nombre sept, égal à celui des enfants de Lia. Il en fut de même pour les robes, dont il donna deux à chacun des autres et cinq à Benjamin, avec 300 pièces d'or, en envoya autant à son père, de sorte que la famille de sa mère était traitée sur le pied de l'égalité. « Les Patriarches habitèrent dans la terre de Chanaan, depuis l'élection d'Abraham, qui fut tiré des nations et qui se transporta en Chanaan savoir : Abraham, pendant 25 ans, Isaac 60 ans, Jacob 130 ans. Total des années passées par eux dans la terre de Chanaan, 215. La 3me année de la famine qui se manifesta en Égypte, Jacob s'y rendit, âgé de 130 ans, Ruben en avait 45, Siméon 44, Levi 43, Juda 42 et 3 mois, Aser 40 et 8 mois, Nephtali 41 ans 7 mois, Gad 41 ans 3 mois, Zabulon 40 ans, Dina 39 ans, Benjamin 28 ans, et Joseph qu'à dit avoir été déjà en Égypte, 39 ans. Depuis Adam donc, jusqu'à l'entrée en Égypte des parents de Joseph, il s'est écoulé 3624 ans; depuis le déluge jusqu'à l'arrivée de Jacob en Égypte, 1360 ans. Depuis la vocation d'Abraham du sein des nations, et son arrivée de Charrhan en Chanaan, jusqu'à la translation de Jacob et de sa famille en Égypte, l'espace de temps est de 215 ans. « Jacob était âgé de 80 ans, quand il vint chez Laban, dans Charrhan, et il y engendra Lévi. Lévi passa 17 ans en Égypte depuis qu'il avait quitté le pays de Chanaan, en sorte qu'il était âgé de 60 ans, lorsqu'il donna le jour à Kaath; et l'année où naquit Kaath, fut la même où mourut Jacob en Égypte, après avoir béni les enfants de Joseph : Il avait alors 147 ans, et laissa Joseph âgé de 56 ans. Lévi mourut à l'âge de 137 ans, Kaath ayant atteint 40 ans engendra Amram, qui avait 14 ans lorsque mourut Joseph à l'âge de 110 ans. Kaath mourut à 133 ans. Amram prit pour femme, la fille de son oncle, Jochabet: et ayant atteint 75 ans, il engendra Aaron et Moïse, et avait 78 ans à la naissance de Moïse. Amram mourut à l'âge de 136 ans. » Je borne là ma citation de l'écrit d'Alexandre Polyhistor, à quoi j'annexerai ce qui va suivre. [9,22] CHAPITRE XXII. DE THÉODOTE SUR LE MÊME SUJET. Théodote, dans son ouvrage sur les Juifs, dit que Sichem (g-ta g-Sikima) tire son nom de Sichimius, fils de Mercure ; car ce fut le fondateur de cette ville qui est située, ajoute-t-il, dans le pays des Phéréziens. « Cette contrée était fertile, pâturée par les chèvres et arrosée par des sources ; le chemin qui des champs menait à la ville ne s'étendait pas en longs détours, il n'exerçait pas non plus les voyageurs par de pénibles efforts en faisant gravir des escarpements buissonneux. Du sol, s'élèvent deux montagnes fort rapprochées, semblables à deux citadelles, où l'herbe croît en abondance ainsi que les arbres forestiers : entre deux, un sentier traverse le vallon étroit qui les sépare; dans une des sections, apparaît la ville sainte des Sichimites, liée dans sa partie basse à la base de la montagne, dont une muraille lisse protège les quartiers inférieurs, tandis que du haut de la montagne, une palissade se projetant du sommet, achève de l'enceindre. » Il dit que plus tard elle fut habitée par les Hébreux lorsqu'Emmor régnait sur elle. Cet Emmor eut pour fils Sichem. Il dit en effet : « De là, ô étranger, Jacob vint avec ses troupeaux dans la grande ville des Sichimites; Emmor avec son fils Sichem, régnaient sur ces hommes dont il était l'allié : c'étaient deux mortels pervers. » Après cela sur Jacob, sur son apparition en Mésopotamie, sur son double mariage, sur la naissance de ses enfants, et sur son arrivée de Mésopotamie à Sichem, entendons-le. « Jacob se rendit en Syrie, contrée riche en bestiaux, et laissa derrière lui le large fleuve de l'Euphrate, aux flots retentissants, il vint là pour se soustraire à la terrible menace de son frère. Luban le reçut avec bienveillance dans sa maison, comme son allié et son parent. Laban alors, seul et dernier rejeton de cette race, régnait en Syrie. Il lui promit, en confirmant sa promesse d'un signe de tête, qu'il lui donnerait pour épouse la plus jeune de ses filles ; mais il n'avait pas le désir de tenir sa parole : il ourdit donc une ruse contre lui, et plaça dans son lit Lia qui était l'aînée de ses filles. Jacob ne fut pas sans s'en apercevoir et découvrit la perfidie de Laban ; toutefois il reçut aussi en mariage la seconde fille et devint l'époux des deux sœurs. Onze fils remarquables par l'élévation de leur esprit, naquirent de ces unions, et une fille, Dina, d'une beauté éblouissante, d'une taille élégante et d'une grande pureté de cœur. « De l'Euphrate, suivant le même, Jacob vint à Sichem auprès d'Emmor. Celui-ci l'accueillit et lui concéda une partie de ses états ; Jacob donc se livra à l'agriculture. Tandis que ses onze fils conduisaient les troupeaux, sa fille Dina et ses femmes fiiaient et tissaient les laines. Jeune fille encore lorsqu'elle vint à Sichem, Dina voulut visiter cette ville dans un moment de fête. Sichem, fils d'Emmor, l'ayant vue, en devint épris, l'enleva, et, l'ayant conduite dans sa maison, en abusa; puis, avec son père, étant venu trouver Jacob, lui demanda de la lui donner en mariage. Jacob répondit qu'il ne pouvait pas y consentir avant que lui et tous les habitants de Sichem se fussent circoncis à la manière des Juifs. Emmor répondit qu'il s'y conformerait. Voici en quels termes Jacob s'exprime sur l'obligation où ils sont de se circoncire. « Il n'est pas légal dans la famille des Hébreux d'introduire comme gendres dans leurs demeures quiconque ne se glorifie d'être de la même race. » Puis plus bas il dit de la Circoncision : « Le Dieu qui tira de sa patrie le divin Abraham, du haut des cieux lui prescrivit que tous les mâles qui remplissaient sa maison fussent dépouillés de la peau du prépuce; et il s'y conforma. Cette loi est donc irrévocable, puisqu'elle émane de Dieu lui-même. » Emmor étant rentré dans la ville, exhorta tous ses sujets à se faire circoncire; mais un des fils Jacob, nommé Siméon, avait formé le projet de tuer Emmor et Sichem, voulant effacer la trace de l'insulte publique faite à sa sœur. Dans ce dessein, il se concerta avec son frère Lévi, et l'ayant amené à consentir à l'exécution de ce projet, il se prévalut d'un oracle par lequel Dieu donnait aux descendants d'Abraham dix nations à détruire, pour se mettre à l'œuvre. Voici en quels termes Siméon s'adresse à Lévi : « J'ai certainement bien compris la parole de Dieu, par laquelle il a déclaré donner dix nations aux fils d'Abraham. » Dieu, en effet, leur avait mis cette détermination dans l'esprit, parce que les habitants de Sichem étaient impies. Il dit donc : « Dieu veut perdre les habitants de Sichem, car dans leur sein il n'est pas un seul exempt de crime, ni vertueux. Dans leurs villes ils ne respectent dans leurs jugements, ni la justice ni les lois. C'est leur conduite astucieuse qui leur a attiré ces oracles. » Lévi et Siméon étant donc entrés en armes dans la ville, il commencèrent par tuer tous ceux qu'ils rencontrèrent, ensuite il firent périr Emmor et Sichem. Voici comment il rend compte de leur mort : lorsque Siméon vit Emmor, il s'élança sur lui, il le frappa à la tête, l'ayant saisi au cou de la main gauche, et le laissa encore palpitant, parce que d'autres travaux le réclamaient. Pendant ce temps, Lévi à la force indomptable prit la chevelure de Sichem qui lui embrassait les genoux, lui qui n'avait pas réprimé les excès de sa luxure. Lévi dirige son glaive au dedans de la clavicule, et la lame aiguë pénétrant dans les organes de la poitrine, l'âme quitta aussitôt ce corps. Les autres frères ayant appris ce qui se passait, vinrent à leur aide, ils pillèrent la ville, en tirèrent leur sœur qu'ils conduisirent avec tous les prisonniers qu'ils firent dans la demeure de leur père. » [9,23] CHAPITRE XXIII. TIRÉ D'ARTAPAN SUR JOSEPH. A ces citations nous joindrons les suivantes, concernant Joseph, tirées du même écrit de Polyhistor. « Artapan dit, dans son ouvrage sur les Juifs, que Joseph descendait d'Abraham, et était fils de Jacob. L'emportant sur tous les autres par sa pénétration et sa prudence, ses frères conspirèrent contre lui; mais ayant découvert leur complot, il pria des Arabes du voisinage de l'emmener en Égypte : ceux-ci firent ce qu'il leur demandait; car les rois Arabes descendaient d'Ismaël, fils d'Abraham, frère d'Isaac . Étant arrivé en Égypte, et ayant été recommandé au roi, il fut chargé par lui de l'administration de tout ce pays, qu'avant lui, les Égyptiens cultivaient sans règles, parce que la terre n'avait pas été divisée; et comme les plus faibles étaient opprimés par les plus puissants, il commença par créer des divisions territoriales, marqua par des bornes les limites des propriétés, et rendit à l'agriculture une étendue considérable de terres incultes, en ayant assigné aux prêtres des portions déterminées de terres arables. Il fut l'inventeur des mesures agraires, et par cette cause, grandement cher aux Égyptiens; il épousa Aseneth, fille d'un prêtre d'Héliopolis, de laquelle il eut des enfants. Plus tard son père ainsi que ses frères vinrent le joindre, amenant avec eux de grandes richesses : ils habitèrent dans la ville de Caisan, et les Syriens se multiplièrent en Égypte. Ce sont eux, dit il, qui construisirent le temple qui est dans Pithon, et celui d'Héliopolis : on les nomme Ermiouth. Puis mourut Joseph et le roi des Égyptiens. Ce Joseph, pendant qu'il gouvernait l'Egypte, avait fait mettre en réserve les récoltes de grains de sept années, et devint par ce moyen le possesseur de toute l'Egypte. » [9,24] CHAPITRE XXIV. DE PHILON SUR LE MÊME. Philon dans le 14e livre de son poème sur Jérusalem, rend témoignage aux livres saints en ces termes : « Ce guide sublime, qui leur prépara la demeure la plus heureuse de toute la terre, c'est le Très-Haut. Comme auparavant Joseph, descendant d'Abraham et d'Isaac, fils de Jacob, père d'une belle famille, ayant interprété les songes, devint porteur du sceptre sur les trônes d'Égypte, combinant les secrets de l'avenir avec l'abondance actuelle. » Et ce qu'on lit ensuite; voici pour Joseph. « Écoutez ce que le même raconte sur Job. [9,25] CHAPITRE XXV. D'ARISTÉE SUR JOB. « Aristée dit dans son livre des Juifs, qu'Ésaü ayant épousé Bassara, dans le pays d'Edom, il eut un fils nommé Job, qui habita dans la contrée d'Ausitis, sur les confins de l'Idumée et de l'Arabie ; ce fut un homme juste et riche en bestiaux, il possédait 7000 moutons, 3000 chameaux, 600 paires de bœufs, 500 ânesses laitières, paissant dans ses pâturages; il avait aussi de vastes champs en labour. Job se nommait précédemment Jobab : Dieu le tentant, il persévéra ; quoiqu'il l'eût plongé dans les plus grandes infortunes. D'abord, il fit enlever par des voleurs, ses ânes et ses bœufs; ensuite ses moutons devinrent la proie du feu du ciel, qui les fit périr avec les bergers. Peu de temps après, ses chameaux furent aussi emmenés par des brigands. Enfin, ses enfants moururent; la maison dans laquelle ils se trouvaient ayant été renversée : le même jour, son corps se couvrit d'ulcères. Étant donc dans la situation la plus abjecte, Eliphas roi des Themanites, Baldad, tyran des Sauchéens et Sophar roi des Mannéens, ainsi qu'Elions fils de Barachiel le Zobite, vinrent le visiter : ceux-ci cherchant à le consoler, il leur répondit qu'il persévérerait dans la piété, au milieu de ses adversités. Dieu ayant admiré sa longanimité, le délivra de sa maladie et le rendit possesseur de vastes domaines. » Ce sont là les paroles de Polyhistor sur Job. [9,26] CHAPITRE XXVI. D'EUPOLEMUS SUR MOÏSE. Le même auteur cite sur Moïse un grand nombre d'autorités, qu'il serait bien de consulter elles-mêmes. Eupolemus dit que Moïse fut le premier sage qui enseigna les lettres aux Juifs, que les Phéniciens les tiennent de ceux-ci, et les Grecs des Phéniciens. Moïse est aussi le premier qui ait écrit des lois pour les Juifs. [9,27] CHAPITRE XXVII. D'ARTAPAN SUR LE MÊME. « Artapan dit, dans son livre sur les Juifs, que la mort ayant frappé Abraham et son fils Mempsasthenoth, aussi bien que le roi des Égyptiens, le sceptre passa au fils de celui-ci, nommé Palmanoth, qui traita les Juifs avec indignité : D'abord il leur fit bâtir la ville de Céssan et élever le temple que cette ville renferme; ensuite ils construisirent le temple qui est dans Héliopolis. Ce prince donna le jour à une fille nommée Merris, qu'il fiança à un certain Chenephré, qui régnait dans les lieux, au dessus de Memphis; car alors, l'Égypte était soumise à beaucoup de rois. Cette Merris étant stérile, elle adopta un enfant nommé Moyson; les Grecs l'ont appelé Musée, qui devint maître d'Orphée : étant donc parvenu à la virilité, Moyson transmit aux hommes beaucoup d'inventions utiles, telles que les vaisseaux, les grues destinées à soulever et à placer des pierres, les armes dont les Égyptiens font usage, les instruments d'hydraulique, les machines de guerre et la philosophie. Il divisa l'État en trente-six nomes, et ordonna à chacun de ces Nomes, d'adorer un dieu différent, enseigna aux prêtres les lettres sacrées qui sont : les chats, les chiens, les Ibis: il attribua aux prêtres une portion du territoire qui leur fut consacré. Il fit toutes ces choses dans la vue de conserver à Chenephré une monarchie à l'abri des révolutions. Avant ce temps, la populace était indisciplinée, tantôt elle détrônait les rois, puis, les remettait sur le trône ; souvent les mêmes, que quelquefois il remplaçait par des étrangers. Ces institutions firent chérir Moyson par la multitude, et les prêtres lui ayant attribué des honneurs pareils à ceux qu'on décerne à la divinité, le nommèrent Hermès, à cause de g-Errehnia (l'interprétation des lettres sacrées). Chenephré voyant tout le mérite de Moyson, conçut de l'envie contre lui, et chercha à le faire périr sous un prétexte spécieux. Les Éthiopiens étaient alors entrés en campagne contre l'Égypte, Chenephré croyant avoir trouvé une circonstance favorable, envoya Moyson avec une armée sous ses ordres pour les combattre. Il rassembla ceux de la même race que lui, supposant qu'en raison de leur faiblesse, ils seraient facilement vaincus par les ennemis, et Moyson étant venu dans le Nome, dit Hermopolite, avec environ 100,000 de ses compatriotes, y établit son camp. Il envoya en avant de lui, dans la contrée, ceux des chefs de division qu'il connaissait comme devant se signaler dans les combats. Artapan dit que les Héliopolites assurent que cette guerre avait duré dix ans. Moyson, à cause de la force de l'armée qu'il avait sous ses ordres, construisit une ville dans ce lieu et y consacra le culte de l'ibis, parce que cet oiseau fait périr les animaux nuisibles à la race humaine. On nomma cette ville Hermopolis. Les Éthiopiens, encore qu'ils fussent ses ennemis, portèrent une si grande affection à Moyson qu'il apprirent de lui la Circoncision. Cependant, tous les prêtres et Chenephré avec eux, lorsque la guerre fut terminée, l'accueillirent bien extérieurement ; mais, dans le fait, lui tendirent des embûches. Ayant modifié son armée, le roi en envoya une partie sur les frontières de l'Éthiopie, comme pour les couvrir; il ordonna aux autres de démolir le temple construit en briques cuites qui était à Diospolis, et d'en élever un nouveau en pierres, en tirant eux-mêmes les pierres d'une montagne voisine; il confia la surveillance de cette construction à Nacherot. Celui-ci étant venu à Memphis avec Moyson, questionna ce dernier pour savoir s'il connaissait encore quelque invention utile aux hommes. Moyson répondit que la race des bœufs pouvait servir à labourer la terre. Alors Chenéphré ayant donné au taureau le nom d'Apis, il ordonna que cette multitude lui élevât un temple, et fit transporter dans ce lieu tous les animaux consacrés par Moyson pour les y enterrer, voulant ainsi obscurcir les découvertes de Moyson. Ayant, par ce moyen, cherché à aliéner l'attachement des Égyptiens pour Moyson, ils firent prêter serment à tous leurs amis, afin qu'ils ne révélassent pas à Moyson le complot formé contre lui, et demandèrent quels seraient ceux qui voudraient se charger de le tuer. Personne ne se présentant, Chenéphré injuria Chanethoth auquel il adressa surtout la parole; celui-ci ayant été insulté, promit de se charger de l'exécution, en prenant son temps. Sur ces entrefaites, Merris étant morte, Chenéphré promit à Moyson et à Chanethoth de leur remettre son corps, afin que, le transportant dans les régions au-dessus de l'Égypte, ils lui rendissent les devoirs de la sépulture, en supposant que Moyson serait tué par Chanethoth. Lorsqu'ils cheminaient, un des complices découvrit à Moyson la trame ourdie contre lui; ce dernier se tenant sur ses gardes, ensevelit Merris et donna son nom au fleuve de la ville qu'il bâtit sur ses voies : les habitants, en effet, honorent Merris presqu'à l'égal d'Isis. Aaron, frère de Moyson, ayant connu le piège tendu à son frère, lui conseilla de fuir en Arabie, ce qu'il fit, d'après son avis. En traversant le fleuve au près de Memphis, Chanethoth ayant eu avis de la fuite de Moyson, fit des dispositions pour qu'il pérît dans une embûche elle voyant venir à lui, il tira son glaive contre lui ; mais Moyson le prévenant saisit sa main, et tirant lui-même son épée, tua Chanethoth. Il se réfugia en Arabie et y vécut auprès de Raguel qui régnait dans ce pays : ce prince voulut faire la guerre aux Égyptiens dans l'intention de ramener Moyson et pour assurer un royaume à sa fille et à son gendre ; mais Moyson l'en empêcha, dans la prévoyance des dangers auxquels il exposerait ses compatriotes; cependant tout en défendant à Raguel de faire ouvertement la guerre, il lui conseilla d'ordonner aux Arabes de faire des incursions en Égypte. Vers le même temps Chenephré mourut, atteint le premier de tous les hommes de l'éléphantiasis : il fut frappé de cette maladie pour avoir prescrit aux Juifs de ne se vêtir que d'étoffes de lin, leur interdisant les vêtements de laine, afin qu'étant plus en évidence, il pût se livrer contre eux à des actes d'injuste violence. Mais Moyson adressa des prières à Dieu pour qu'il mît un terme aux tribulations de ces peuples., Dieu ayant été touché de ses prières, fit sortir des feux souterrains qui brûlaient, quoique le bois et toutes les matières combustibles manquassent dans ces lieux. Moyson effrayé de ce qui venait d'arriver, prit la fuite; mais une voix divine lui ayant dit de faire la guerre en Égypte, de sauver les Juifs et de les ramener dans leur ancienne patrie, il reprit courage et se décida à conduire une forte armée contre les Égyptiens. D'abord il vint trouver son frère Aaron. Le roi des Égyptiens ayant eu avis de la présence de Moyson, l'appela près de lui et lui demanda dans quelle intention il était venu; celui-ci lui ayant répondu que le maître de l'univers lui avait ordonné d'affranchir les Juifs, à cette réponse, le roi le fit enfermer dans une prison; mais la nuit suivante, toutes les portes de la prison s'étant ouvertes d'elles-mêmes, une partie des gardiens périt, les autres furent ensevelis dans le sommeil, et leurs armes furent brisées. Moyson étant sorti de prison, vint au palais et y entra, en ayant trouvé les portes ouvertes et les gardes endormis, il éveilla le Roi. Celui-ci, frappé de cet événement, ordonna à Moyson de lui nommer le Dieu qui l'avait envoyé, dans l'intention de s'en moquer; mais Moyson s'étant incliné vers lui pour le lui dire dans l'oreille, le Roi, dès qu'il l'eut entendu, tomba sans voix et sans mouvement et fut rappelé à la vie par Moyson. Ayant, en conséquence, écrit ce nom sur des tablettes, il les scella ; et l'un des prêtres qui parla avec mépris du nom inscrit sur les tablettes, fut saisi d'un spasme qui lui ôta la vie. Le roi dit alors à Moyson de faire en sa faveur un prodige, il jeta aussitôt sa verge qui devint un serpent. Les assistants s'en étant effrayés, il saisit ce serpent par la queue, l'éleva de terre, et il redevint une verge. Puis, après quelque temps, il frappa le Nil de cette verge, et le fleuve étant devenu gonflé par les eaux, submergea toute l'Égypte. (C'est de là que datent son augmentation et sa réduction périodiques). L'eau, en se séchant, s'empoisonna par la mort des poissons, et les hommes moururent de soif. Le roi, témoin de ces prodiges, dit qu'après le mois révolu, il délivrerait les peuples, si le fleuve rentrait dans son lit. Alors Moyson frappa l'eau avec sa verge, et le courant se resserra. Quand cela eut eu lieu, le roi convoqua les prêtres de Memphis et leur dit qu'il allait les faire tous périr et qu'il ferait démolir les temples, s'ils ne faisaient pas aussi des prodiges ; ceux-ci alors, par certains moyens magiques et par des enchantements, firent un serpent et changèrent la couleur du fleuve, « Le roi sentant son audace renaître par ce qui venait d'avoir lieu, exerça envers les Juifs toute sorte de sévices et de châtiments. Moyson voyant cela, fit de nouveaux signes; il frappa la terre de sa verge, il en sortit un animal ailé qui affligea tous les Égyptiens, en couvrant leurs corps d'ulcères, et comme les médecins ne pouvaient guérir ceux qui en étaient atteints, les Juifs obtinrent un relâchement dans la persécution à laquelle ils étaient en lutte. Ensuite Moyson fit survenir des grenouilles, après celles-là des sauterelles et des moucherons. C'est le motif pour lequel les Égyptiens ont consacré une verge dans tous leurs temples, comme une offrande à Isis, parce qu'Isis représente la terre, laquelle étant frappée de la verge donna naissance à tous ces prodiges. Le roi persévérant dans sa démence, Moyson fit se succéder des grêles et des tremblements de terre nocturnes, de sorte que les hommes en fuyant les commotions du sol étaient écrasés par les grêlons, et que ceux au contraire qui voulaient se soustraire à la chute de la grêle, périssaient par les commotions : tontes les maisons et la plupart des temples tombèrent alors ; enfin le roi, harcelé par toutes ces calamités, laissa les Juifs se retirer. Ceux-ci ayant emprunté aux Égyptiens beaucoup de coupes, des vêtements nombreux, et des richesses d'autre nature en grande quantité, ayant traversé les fleuves qui sont vers l'Arabie, et mis entre eux et les Égyptiens un vaste espace, arrivèrent le troisième jour à la mer Rouge. Les habitants de Memphis disent que Moyson ayant acquis la connaissance du flux et reflux de la mer Érythrée, mit à profit le moment où la mer se retire pour faire passer cette multitude. Les habitants d'Héliopolis disent que le roi se mit à leur poursuite avec une nombreuse armée, et s'étant fait accompagner des animaux sacrés, parce que les Juifs ayant emprunté aux Égyptiens leurs richesses, les emportaient dans leur fuite. Cependant Moyson ayant entendu une voix divine, toucha l'eau avec sa verge, et aussitôt la fluidité de l'eau s'arrêta, et l'armée marcha sur le terrain solide. Les Égyptiens suivant la même route en les poursuivant, il dit que le feu brilla devant eux, et que la mer inonda leur voûte. Tous les Égyptiens périrent par le feu et le débordement. Les Juifs fuyant le danger, passèrent trente ans dans le désert, Dieu, faisant pleuvoir sur eux un gruau semblable à du millet, et dont la couleur se rapprochait de celle de la neige. Quant à Moyson, le même auteur dit qu'il était grand, roux, ayant la tête couverte d'une épaisse chevelure blanche, et que son aspect était vénérable. Il fit tous ces prodiges étant âgé d'environ 89 ans. » [9,28] CHAPITRE XXVIII. TIRÉ D'ÉZÉCHIEL SUR LE MÊME SUJET. Ézéchiel, poète tragique, rapporte l'histoire de Moyse, savoir : son exposition par sa mère, dans le marais, son adoption et son éducation par la fille du roi, en la faisant remonter à l'arrivée de Jacob en Égypte auprès de Joseph. Il s'exprime ainsi, mettant en scène Moïse lui-même. « Depuis que Jacob, quittant la terre de Chanaan, descendit en Égypte, en menant avec lui 70 âmes, il donna naissance à un peuple nombreux et opprimé qui, jusqu'à ce jour, lutte contre la persécution d'hommes pervers, agissant sous les ordres d'un monarque. Le roi Pharaon voyant notre nation se multiplier grandement, imagina toutes sortes de ruses pour la perdre, accablant les malheureux mortels sous le faix des constructions de villes et de citadelles et les poussant au désespoir ; ensuite il fit proclamer l'ordre à la race des Hébreux de jeter leurs enfants mâles dans le courant du fleuve. C'est dans ce temps que ma mère, qui m'avait caché pendant trois mois, comme elle me l'a dit depuis, ayant été découverte, me déposa, après m'avoir enveloppé d'insignes, pour me reconnaître, dans un relai d'eau couvert de joncs, au bord du fleuve. Ma sœur Mariane observait de loin ce qui allait se passer : alors la fille du roi, avec ses servantes, descendit sur le rivage pour rafraîchir l'éclat de sa peau dans les ondes du fleuve ; m'ayant vu, aussitôt elle me prit et m'éleva de terre, puis reconnut que j'étais Hébreu : ma sœur Mariane étant accourue, parla ainsi à la princesse : Voulez-vous que je vous découvre sur le champ une nourrice, parmi les femmes des Hébreux, pour cet enfant ? La princesse fit un signe d'assentiment ; ayant donc couru vers sa mère, Mariane le lui dit : ma mère parut sans délai et me prit dans ses bras. La fille du roi lui parla en ces termes : Nourrissez cet enfant, à femme, et je vous paierai le prix de vos soins. Elle me donna le nom de Mosé, parce qu'elle m'avait relevé des bords inondés du fleuve. » Après d'autres narrations sur le même sujet, le poète Ezéchiel, dans sa. tragédie, fait paraître Moïse. sur la scène parlant ainsi : « Après que ma première enfance se fut écoulée, ma mère me ramena au palais de la princesse, m'ayant bien endoctriné et répété quelle était ma race paternelle, et les bienfaits dont Dieu l'avait comblée. Tandis que je fus dans l'âge qui précède l'adolescence, la princesse se livra aux soins de mon éducation et de mon instruction, comme si elle m'avait porté dans son sein; mais lorsque le cercle de mon adolescence fut accompli, je désertai là demeure royale : mon ressentiment et les artifices du roi m'en faisaient un devoir. Je vois d'abord deux hommes aux prises, l'un appartenait à la race des Hébreux, et l'autre était Égyptien : reconnaissant que nous étions isolés et sans témoins, je défendis mon frère et tuai son adversaire. Je le cachai aussitôt dans le sable, afin qu'un tiers ne pût pas nous voir et ne vînt à révéler ce meurtre. Le jour suivant je vis encore deux hommes de ma race, dans la chaleur d'une lutte mutuelle : Je dis à l'un d'eux, pourquoi ne frappes-tu un plus faible que toi? Lequel me répondit : Qui t'a envoyé comme notre juge ou notre gouverneur en ce lieu? me tueras-tu comme l'homme d'hier? Alors, saisi de crainte, je me dis : Comment cela a-t-il pu se divulguer ? n'y a-t-il pas déjà quelqu'un qui ait rapporté ce fait au roi? et Pharaon cherche peut-être à m'arracher la vie! Ayant donc entendu cette réponse, je me hâtai de me soustraire par la fuite, et je suis errant sur une terre étrangère. » Après quoi il ajoute, relativement aux filles de Raguel : « Je vois sept jeunes filles. Moïse ayant demandé de qui elles étaient filles : Toute cette terre, dit Sepphora, ô étranger, s'appelle la Lybie ; des tribus de différentes origines y ont fixé leur séjour, ce sont des Éthiopiens à la peau noire; le monarque de cette terre gouverne sans contrôle, il règne dans cette ville et y juge ses sujets, dont il est le prêtre ; c'est mon père et celui de mes sœurs que voici. Ensuite, passant sur l'assistance qu'il leur donna pour abreuver leurs bestiaux, il vient à parler du mariage de Sepphora, amenant un dialogue entre elle et Chous. « Chous. — Cependant ô Sepphora, vous devez me dire ce qui en est ? « Sepphora. — Mon père m'a donnée pour épouse à cet étranger. [9,29] CHAPITRE XXIX. DE DÉMÉTRIUS SUR LE MÊME. Démétrius dit absolument les mêmes choses que l'écrivain des livres sacrés sur le meurtre de l'Égyptien, et sur l'altercation entré Moïse et celui qui révélait la mort du premier, savoir : que Moïse se sauva à Madian, et qu'il y épousa Sepphora fille de Jothor, de laquelle, si on peut conjecturer d'après les noms, on doit croire qu'elle descendait, par Chettura, d'Abraham. D'Abraham et de Chettura naquit Iexan, d'Iexan naquit Dadan, de Dadan Raguel et de Raguel Jothor et Abab, enfin de Jothor Sepphora, qui épousa Moïse. Il y a concordance dans la suite des générations, en ce que Moïse était le septième dans sa lignée à partir d'Abraham, et Sepphora seulement la sixième. En effet, Isaac était déjà marié (or, c'est de lui que provint Moïse) lorsqu'Abraham épousa Chettura étant âgé de 140 ans, et il engendra d'elle pour second enfant Iexan. Il avait engendré Isaac à l'âge de cent ans, en sorte que Iexan était venu au monde plus de 40 ans après Isaac, et c'est de lui que Sepphora tire son origine. Il n'y a donc aucun anachronisme à ce que Moïse et Sepphora aient été contemporains; ils habitaient la ville de Madian, qui avait reçu son nom d'un des enfants d'Abraham; car il dit (l'historien sacré) (Genèse, chapitre 25. 6) qu'Abraham envoya ses enfants se fixer dans les régions orientales. Voici la cause pour laquelle Aaron et Marie disent dans Aseroth(e) que Moïse avait épousé une Éthiopienne; [9,30] CHAPITRE XXX. ÉZÉCHIEL SUR LE MÊME Ézéchiel en parle également dans son g-Exagohgeh ayant fait le récit d'un songe qui était apparu à Moïse, et dont son beau-père lui donne l'explication. Moïse s'exprime ainsi dans son dialogue avec son beau-père : « Je crus voir sur le sommet d'une montagne un trône élevé jusqu'au ciel, sur lequel était assis un noble personnage, avec le diadème sur la tête et le sceptre dans sa main gauche; de la droite il me fit un signe de bienveillance et je me tins devant son trône; il me donna un sceptre, me dit de m'asseoir sur un grand trône, me plaçant le diadème sur la tête, en descendant lui-même de son trône. Alors je vis autour de moi tout le globe terrestre, la terre sons mes pieds et le ciel au-dessus de moi ; aussitôt une foule d'astres vinrent se précipiter à mes genoux et je les comptai tous, ils se rangeaient autour de moi comme une armée de mortels : c'est alors que je m'éveillai de mon rêve. » Raguel son beau-père explique ainsi ce songe, « O étranger, Dieu vous a montré en cela une destinée glorieuse. Puissé-je vivre encore lorsque ces choses vous arriveront; certes, vous devez relever un grand trône. vous serez l'arbitre des mortels, que vous conduirez sous vos lois; c'est ce que signifie la vision que vous avez eue de l'univers entier. Quant à la séparation de la terre en bas et du ciel de Dieu, cela veut dire que vous connaîtrez les choses présentes, passées et futures. » Ézéchiel parle aussi du buisson ardent, de sa mission vers Pharaon, et dans cette scène, le colloque a lieu entre Dieu et Moïse. C'est Moïse qui parle : Moïse. — « Mais quel signe dois-je tirer de ce buisson merveilleux, prodige incroyable pour les mortels : un buisson brûle avec force dans la partie supérieure, et toutes les plantes qui l'environnent conservent leur verdure. En m'approchant, j'observerai mieux cette merveille la plus étonnante, à laquelle les hommes ne voudront pas croire. » Alors Dieu lui adresse la parole : Dieu - «Arrête, ô Moïse, et ne t'approche pas avant d'avoir quitté tes chaussures. Cette terre que tu foules est sainte, et c'est le Verbe divin qui brille devant toi dans ce buisson. Prends courage, ô mon fils, et entends ce que je vais te dire; quant à me voir, cela est interdit à tout être mortel; il ne t'est permis que d'entendre de moi les causes pour lesquelles je suis venu. Je suis le Dieu de ceux que tu nommes tes pères, d'Abraham, d'Isaac, et en troisième, lieu de Jacob : rappelle leur souvenir à ta mémoire, et celui des bienfaits dont je les ai comblés. Je viens pour sauver le peuple hébreu qui m'appartient, en voyant les afflictions et les tourments qu'endurent mes serviteurs. Mets-toi en route, et va rendre témoignage à mes paroles, d'abord auprès des Hébreux que tu convoqueras, puis auprès du roi auquel tu communiqueras mes ordres, pour que tu conduises mon peuple hors de cette terre. » Ensuite, ayant fait succéder quelques interlocutions, Moïse s'exprime ainsi : «Je ne suis pas éloquent, ma langue a peine à articuler, je bégaye, en sorte que je n'oserai jamais adresser la parole au roi. » A quoi Dieu répond : «Envoyé Aaron ton frère au plus tôt, après lui avoir rapporté tout ce que tu sais de moi. C'est lui qui parlera devant le roi, il tiendra de toi ce que tu as appris de ma voix. » Quant à la verge et aux autres prodiges, voici comme il en parle dans ce dialogue : Dieu. — « Que tiens-tu à la main? dis-le moi sans retard. » Moïse — «C'est un bâton avec lequel je corrige les animaux et les hommes.» Dieu. — « Jette-le par terre, et fuis au plus vite; car il deviendra un dragon formidable, au point de t'étonner. » Moïse — « Voici, je l'ai jeté. Oh! ayez compassion de moi !, qu'il est effrayant ! qu'il est monstrueux! Ayez pitié de moi, je frémis en le voyant : tous mes membres sont saisis de tremblement. » Dieu. — « Ne crains rien : étends la main et saisis sa queue, il redeviendra un bâton tel qu'il était auparavant. Mets ta main dans ton sein, puis retire-la. » Moïse. — « J'ai fait ce que vous m'avez ordonné ; ma main est blanche comme la neige. » Dieu. — « Remets-la dans ton sein, elle redeviendra comme elle était auparavant. » Après avoir cité ces choses et plusieurs autres, Alexandre continue : « Voici de quelle manière, dans la sortie d'Égypte, Ézéchiel s'exprime sur les signes que Dieu opéra. A l'aide de cette verge, tu leur feras tout le mal possible. D'abord le fleuve, les fontaines et tous les réservoirs d'eau ne rouleront que du sang, j'enverrai sur le terrain solide une multitude de grenouilles et des insectes venimeux, puis des cendres de fourneau qui produiront des ulcères cuisants sur les corps humains. Une espèce de mouche de chien succédera et causera des sensations douloureuses à beaucoup d'hommes de l'Egypte; ensuite viendra la peste, et tous ceux dont le cœur est endurci, périront. Le ciel se contractera, et une grêle mêlée de feu causera la mort aux mortels, les fruits dessécheront et les corps d'animaux périront. Je ferai naître des ténèbres qui dureront trois jours entiers, j'enverrai des sauterelles qui dévasteront toutes les plantes alimentaires et l'herbe des prairies. Après toutes ces choses, je ferai mourir les premiers nés des humains, et je mettrai un terme à l'arrogance des hommes pervers, quant à Pharaon, il n'éprouvera aucune des afflictions que je viens de dire sinon que son fils premier-né mourra. C'est alors qu'effrayé, il renverra aussitôt le peuple. Vous direz à la multitude des Hébreux : Ce mois est pour vous le premier de l'année, celui dans lequel je guiderai le peuple dans une autre terre, terre que j'ai promise aux pères des Hébreux. Vous direz à tout ce peuple : pendant ce même mois, lorsque la lune aura parcouru la moitié de son cours, dans la nuit qui précédera, vous immolerez à Dieu la Pâque, et vous teindrez du sang de la victime la porte de vos maisons, afin que cela serve de marque à l'ange terrible lorsqu'il passera; puis vous en mangerez la viande rôtie. Le roi alors se hâtera de vous renvoyer en masse, et lorsque vous serez sur le point de partir, je ferai une chose agréable au peuple, chaque femme recevra de sa voisine les vases et tout ce qui sert à la toilette, en or et en argent, et les vêtements, afin de se payer ainsi du salaire de leurs travaux. Comme enfin vous serez parvenus dans le lieu qui vous est destiné, après avoir marché pendant sept jours depuis celui où vous aurez quitté l'Égypte ayez soin chaque année de manger, pendant un nombre de jours égal, des pains sans levain, et de consacrer ce temps au service de Dieu, offrant à Dieu en sacrifice, les premiers nés des animaux, et lui consacrant dans la race humaine, les premiers fruits mâles conçus dans le sein des épouses. » Il l'exprime, au sujet de la même fête de la manière dont on la célèbre : ce que le même auteur décrit avec exactitude. « Au 10e jour de ce mois, prenez par famille d'Hébreux, des moutons et des veaux sans imperfections et conservez-les jusqu'à ce que le 14e jour vienne à luire, et vers le soir, les immolant, vous les mangerez entièrement, rôtis avec tous les membres de la famille. Vous ceindrez vos reins, vous chausserez vos pieds de fortes chaussures, et vous tiendrez un bâton à la main. Car le roi aura la plus grande hâte de vous voir partir tous, et sans en excepter un seul. Lorsque vous aurez immolé la victime, vous devez vous saisir d'une poignée de branches d'hyssope que vous plongerez dans son sang, pour en teindre les deux jambages de votre porte, afin que la mort passe outre aux maisons des Hébreux. Vous conserverez pendant sept jours, où vous ne mangerez que des azymes, l'usage de cette fête consacrée au Seigneur. Aucun levain n'entrera dans vos aliments; car ce sera le terme de vos maux. Dieu a fixé ce mois pour votre délivrance, il sera donc pour vous le premier des mois et le commencement des années.» — Voici comment, après d'autres citations. continue Alexandre; dans son drame intitulé, Exagohgeh, Ézéchiel faisant apparaître un envoyé qui retrace l'inquiétude des Hébreux et la destruction des Égyptiens, dit : « Lorsque le roi Pharaon se mit en campagne, à la tête d'une multitude formée déplus de 10,000 hommes pesamment armés, de toute sa cavalerie, de chars traînés par quatre chevaux, qu'accompagnaient beaucoup de généraux et d'aides de camp, l'effroi qu'inspirait cette armée régulière était universel. Les fantassins et la phalange occupaient le centre, laissant les flancs aux chars qui se livraient à des évolutions; quant aux cavaliers, il les avait partagés, une moitié à la droite et l'autre à la gauche de l'armée. Je m'informai du nombre des combattants, et j'appris qu'ils formaient un total d'un million d'hommes dans la fleur de l'âge. Quand nous fûmes en présence de l'armée des Hébreux, ceux qui se trouvaient répandus plus près de nous sur le rivage de la mer Rouge, se hâtèrent de se rassembler : les uns donnaient la nourriture à de faibles enfants, partageant avec leurs épouses les soins de leur conduite, au milieu de nombreux troupeaux et de l'embarras de leur bagage. Aussitôt tous ces êtres désarmés, prêts à être atteints, jetèrent, en nous voyant, des cris alarmants, s'arrêtèrent en versant des pleurs et levant les mains au ciel pour implorer le Dieu de leurs pères. Cette multitude était considérable. La joie au lieu de cela éclatait dans nos rangs. Nous dressâmes donc nos tentes près d'eux, dans un lieu qui se nomme Béelzéphon. Tandis que Titan, Dieu du jour, demeura dans l'ombre, nous nous tînmes en repos, voulant commencer le combat dès l'aurore, pleins de confiance dans notre nombre et l'effroi de nos armes. C'est alors que Dieu commença à faire voir ses prodiges. D'abord une colonne immense et ténébreuse se plaça entre nous et l'armée des Hébreux. Puis, leur chef Moïse prenant en main la verge qu'il tenait de Dieu, avec laquelle il avait opéré tant de funestes miracles en Égypte, frappa le dos de la mer Rouge dont les flots se divisèrent aussitôt. Les Hébreux se pressèrent en foule sur la ligne que l'onde amère avait abandonnée. Nous voulûmes sans retard nous mettre sur leurs traces; mais des ténèbres profondes nous enveloppèrent et nous arrêtèrent an milieu de notre course. Les roues des chars cessèrent de tourner sur elles-mêmes, et restèrent comme enchaînées. Une lueur semblable à celle d'un grand feu descendit du firmament à nos regards étonnés; autant que nous pûmes le conjecturer, c'était Dieu lui-même qui prenait leur défense. Mais à peine avaient-ils atteint la rive opposée, une vague énorme, accompagnée d'un sifflement épouvantable, vint fondre sur nous. A cette vue, chacun s'écria: Fuyons vers nos demeures, pour nous soustraire à la main du Très-Haut; c'est lui qui s'est chargé de combattre pour eux et qui s'acharne à notre perte, malheureux que nous sommes. Aussitôt le chemin qui traversait la mer Rouge fut submergé et l'armée entière fut engloutie.» Puis ensuite, après une route de trois journées à partir de ce lieu (comme le rapporte aussi Démétrius, et les livres saints sont en ce point d'accord avec lui), le peuple n'ayant pas d'eau douce, mais de l'eau amère, Dieu ordonna, à Moïse de jeter un certain bois dans la source, ce qui rendit l'eau potable. De là ils vinrent à Elim, où ils trouvèrent 12 fontaines et 70 palmiers. Ézéchiel fait, ici intervenir un interlocuteur, dans son g-Exagohgeh, lequel adressant la parole à Moïse, lui parle de ces choses et d'un oiseau qu'il a vu. Voici d'abord comme il parle des palmiers et des fontaines : "Moïse, prêtez votre attention au lieu que nous avons découvert dans cette vallée fleurie, que vous pouvez apercevoir d'ici. C'est de ce point que brillait cette lumière céleste, qui, comme une colonne de feu, nous dirigeait pendant la nuit. Là nous trouvâmes une prairie ombragée des vallons frais et arrosés ; le sol fertile est enrichi de productions abondantes. Douze sources s'échappent d'un même rocher, d'énormes troncs de palmiers, considérables- en quantité, y regorgent de fruits; on en compte dix fois sept, et l'herbe qui le tapisse sera pour nos troupeaux un pâturage exquis.» Un peu plus bas, il en vient à la description de l'oiseau qui lui a apparu. « Après toutes ces choses, nous y vîmes un animal étrange, merveilleux, tel que personne n'en jamais vu. Il présente un volume à peu près double de celui d'un aigle, le plumage répandu sur son corps brille de couleurs différentes; son estomac est du plus vif incarnat, ses jambes d'un rouge plus terne, son col éblouissait par des reflets d'or: sa tête est semblable, par la crête à celle des coqs domestiques, et sa pupille d'un jaune pâle est enfermée dans une cornée écarlate. Son chant est le plus noble qu'on puisse entendre; on aurait pu le prendre pour le roi de tous les autres oiseaux, par la manière craintive dont ceux-ci se pressaient derrière lui. A la tête de cette troupe, semblable à un taureau superbe, il s'avançait d'un pas rapide à notre rencontre). » Après quelques détails nouveaux, il recherche comment les Israélites étant sortis de l'Égypte sans armes, avaient pu s'en procurer. Il dit qu'après avoir marché pendant trois jours et avoir offert leur sacrifice, ils retournèrent sur leurs pas. II paraît donc qu'ils s'emparèrent des armes de ceux des Égyptiens qui n'avaient pas été submergés. [9,31] CHAPITRE XXXI. TIRÉ D'EUPOLÈMUS, CONCERNANT DAVID, SALOMON ET JÉRUSALEM. « Eupolèmus dit dans un écrit sur la prophétie d'Élie, que Moïse prophétisa pendant 40 ans, ensuite Jésus, fils de Naum, pendant 30 ans; car il vécut 110, et il fixa dans Siloé le saint tabernacle. Après ces temps vint le prophète Samuel; ensuite, par la volonté de Dieu signifiera Samuel, Saul fut élu roi : il régna pendant 21 ans; après quoi David son fils eut l'autorité souveraine. Ce fut lui qui subjugua les Syriens, qui habitent sur les bords de l'Euphrate, la Commagène, les Assyriens qui sont fixés dans la Galadène, et les Phéniciens. Il fit également la guerre contre les Iduméens, les Ammanites, les Moabites, les Ituréens, les Kabatéens, et les Nabdéens; il entra en campagne aussi contre Suron, roi de Tyr et de Phénicie, et contraignit ces peuples à payer des tributs aux Juifs. Il lia amitié avec Vaphrès, roi des Égyptiens. David ayant voulu construire un temple à Dieu, le pria de lui montrer là place du sanctuaire. Alors il vit un ange qui se tenait au-dessus du lieu où l'autel fut consacré, dans Jérusalem, qui lui défendit d'élever un temple parce qu'il s'était souillé de sang humain, ayant fait la guerre pendant de longues années. Le nom de cet ange était Diatiathan; il lui ordonna au contraire de remettre à son fils le soin de cette construction, et qu'il se bornât à tout préparer à cet effet, l'or, l'argent, le bronze, la pierre, les bois de cyprès et de cèdres. David ayant reçu cet avis, fit construire des vaisseaux à Aelan), ville d'Arabie, pour les envoyer dans l'île d'Ophir, située dans la mer Érythrée, pour y recueillir les métaux; cette île en effet renferme des mines d'or. Cet or était transporté ensuite de ce lieu en Judée. Après avoir régné 40 ans, David laissa la couronne à son fils Salomon, âgé de 12 ans, en présence du grand-prêtre Héli, et des chefs de chacune des 12 tribus. Il lui livra en même temps l'or, l'argent, le bronze et la pierre, avec, les bois de cyprès et de cèdre, après quoi il mourut. Salomon étant roi écrivit à Vaphrès, roi d'Égypte, la lettre que nous allons transcrire. » [9,32] CHAPITRE XXXII. SALOMON AU ROI D'ÉGYPTE VAPHRÈS, SON AMI PAR SUCCESSION PATERNELLE, SALUT. « Sachez que, par le secours du Dieu très-grand, j'ai hérité de la royauté de David, mon père, qui m'a ordonné de bâtir un temple à Dieu, créateur du ciel et de la terre. Je vous écris en même temps pour vous prier de m'envoyer des gens de votre nation qui me seconderont jusqu'à l'accomplissement de cette œuvre, ainsi qu'elle m'a été commandée. » [9,33] CHAPITRE XXXIII. LE ROI VAPHRÈS AU GRAND ROI SALOMON, SALUT. « J'ai éprouvé une joie très vive a la lecture de votre lettre, et j'ai considéré comme un jour fortuné pour moi et toute mon armée, celui où vous avez reçu le pouvoir suprême des mains d'un prince vertueux et agréé par un aussi grand Dieu. Quant à ce que vous me mandez sur les hommes pris parmi mes sujets, je vous en envoie 80,000, et je vous fais connaître les populations auxquelles ils appartiennent : du nome Séthroite, 10,000; des nomes Mendésien et Sébénithe, chacun 20,000; des nomes ; Bousirite, Léontopolitain et Atribtlain, chacun 10,000. Ayez soin de pourvoir à leurs nécessités et, en outre, de maintenir l'ordre parmi eux, afin de les renvoyer dans leur patrie dès que vous cesserez d'en avoir besoin. » [9,34] CHAPITRE XXXIV. LE ROI SALOMON, A SOURON, ROI DE TYR, DE SIDON ET DE LA PHÉNICIE, SON AMI ET CELUI DE SON PÈRE. «Apprenez que j'ai recueilli par la grâce du Dieu très grand le royaume de David, mon père, avec l'injonction de construire un temple au Dieu qui a créé le ciel et la terre. Je m'empresse donc de vous écrire pour vous prier de m'envoyer des hommes de votre peuple qui me seconderont dans ce travail jusqu'à ce que j'aie amené à son terme cette dette envers la divinité, ainsi qu'elle m'a été imposée. J'ai écrit en Galilée, dans le pays de Samarie, aux Moabites, aux Anamites, aux Galadites, de me fournir, mois par mois, des productions de leur sol, tout ce qui m'est nécessaire, dix mille coros de froment (le coros équivaut à six artabes), dix mille coros de vin (le coros de vin est égal à dix mètres ) ; l'huile et les autres approvisionnements seront tirés de la Judée ; les bestiaux destinés à la boucherie viendront de l'Arabie. [9,35] CHAPITRE XXXV. SOURON AU GRAND ROI SALOMON, SALUT. « Béni soit le Dieu qui a fait le ciel et la terre, et qui a fait choix du fils excellent d'un excellent père. Je me suis livré à la joie en lisant la lettre que j'ai reçue de vous, et j'ai béni Dieu de vous avoir fait recueillir la souveraineté. Quant à ce sur quoi vous m'écrivez, c'est-à-dire sur ceux de mes sujets que vous, me demandez, je vous envoie 80,000 Tyriens et Phéniciens, ainsi qu'un architecte né à Tyr d'un père Tyrien et d'une mère Juive de la tribu de David ; vous pouvez l'interroger sur tout ce qui, sous le ciel, a rapport à l'architectonique, il vous en rendra compte et sera en état de l'exécuter. De même, vous ferez bien d'écrire aux épargnes des diverses résidences pour qu'ils pourvoient aux besoins de tous les ouvriers qui vous sont envoyés. » Ayant donc pris l'assurance que les amis de son père lui resteraient fidèles, Salomon parcourut la montagne de Liban, et avec l'aide des Tyriens et des Sidoniens, en rapporta les bois que son père avait fait couper d'avance, prenant la mer jusqu'à Joppé, et de là les transportant par terre jusqu'à Jérusalem. Il commença la construction du temple de Dieu étant âgé de treize ans, employant à cette œuvre les nations que nous venons de nommer: les douze tribus juives fournissaient à ces 160,000 ouvriers tout ce qui leur était nécessaire, chaque tribu pendant la durée d'un mois. Les fondations furent jetées sur un espace en longueur et largeur de 60 coudées, la largeur des murs de la fondation étant de 10 coudées. C'était la mesure que le prophète de Dieu, Nathan, lui avait commandée. La bâtisse se composait alternativement d'une travée en pierre et d'un enchevêtrement en bois de cyprès, les deux parties étant liées entre elles par des crampons de fer à queue d'aronde, du poids d'un talent. Le tout était construit de manière que les parements extérieurs étant de fort bois de cèdre ou de cyprès, dissimulaient entièrement la construction en pierres de l'intérieur. Le temple était tout doré en dedans par des applications de briques d'or d'une dimension de cinq coudées qui étaient assujetties par des clous d'argent du poids d'un talent, en forme de gorge et au nombre de 4 pour chaque brique; il était ainsi doré du pavé jusqu'au comble; le plafond était revêtu de lambris d'or et la couverture était en bronze formée de plaques coulées et soudées. « Il fit faire deux colonnes de bronze dorées entièrement, de l'or le plus pur à l'épaisseur d'un doigt : ces colonnes étaient égales en hauteur au temple; la largeur de chacune d'elles, mesurée à la circonférence, était de dix coudées. Il les plaça devant le Saint des saints, l'une à droite, l'autre à gauche; il fit faire aussi dix candélabres d'or pesant chacun dix talents, prenant pour modèle celui que Moïse avait placé dans la tente du témoignage ; il les plaça de chaque côté du tabernacle, les uns à la droite, les autres à la gauche. Il fit des lampes d'or au nombre de soixante-dix, en sorte que chaque candélabre portait sept de ces lampes. Il fit construire les portes du temple qu'il décora en or et en argent et qu'il recouvrit de lambris de cèdre et de cyprès ; il éleva un portique au côté septentrional du temple, et le soutint par 48 colonnes de bronze; il disposa également une baignoire de bronze de la longueur de 20 coudées, d'une égale largeur et de 5 coudées de liant: elle reposait sur un cercle qui la dépassait d'une coudée. Sa destination était de laver les pieds et les mains des prêtres lorsqu'ils entraient dans le temple. Les supports de cette même baignoire étaient au nombre de douze, fondus et tournés, de hauteur d'homme. Ces soutiens furent placés inférieurement à la baignoire. A droite de l'autel des sacrifices, il fit faire une estrade de bronze de la hauteur de 2 coudées, à la suite de la baignoire, afin que le Roi s'y plaçât lorsqu'il viendrait prier, et qu'il fût vu par tout le peuple des Juifs. Il éleva l'autel des sacrifices dans la dimension de 25 coudées sur 20, sur une hauteur 12 coudées, il fit deux filets de bronze formés de chaînons enlacés, et disposés sur des machines placées au-dessus du temple, de 20 coudées d'étendue, de manière à en couvrir et ombrager tout le comble. A chaque filet étaient suspendues des clochettes d'airain pesant un talent chacune et au nombre de 400. Il fit faire tous ces filets pour mettre les clochettes en branle, afin d'écarter les oiseaux, de les empêcher de se percher sur le temple, de faire des nids sous les larmiers des portes et des portiques et de souiller par leurs ordures le lieu saint. Il enceignit la ville entière de Jérusalem de murailles avec tours et fossés et se fit construire à lui-même un palais. D'abord cet édifice (g-anaktoron) fut appelé (g-Hieron g-Solomohnos) temple de Salomon ; puis, par corruption du mot, hiéron, la ville entière prit le nom de Hiérousalem, que les Grecs transformèrent dans un nom qui s'en rapproche, Hiérosolyme. Après avoir achevé le temple et terminé l'enceinte des murailles de la ville, Salomon vint à Selom pour y offrir un sacrifice en holocauste au Seigneur, formé de mille bœufs; puis, ayant pris le tabernacle et l'autel du sacrifice, aussi bien que tous les ustensiles qu'avait fait façonner Moïse, il les transporta à Jérusalem, et les plaça dans le Saint des saints. Il y introduisit aussi l'arche sainte, l'autel d'or, le chandelier et la table, ainsi que tous les autres ustensiles sacrés, comme le lui avait commande le prophète. Alors il immola au Seigneur le sacrifice gigantesque composé de 2000 moutons et de 3500 veaux. La totalité de l'or employé dans les deux colonnes et le reste du temple s'élève au poids de 4,600,000 talents; les clous, aussi bien que les ornements d'argent, s'élevèrent à 1232 talents ; le bronze qui servit à la baignoire, aux colonnes et au portique, formait un poids de 18,050 talents. Salomon renvoya les Égyptiens et les Phéniciens chacun dans leur patrie, après leur avoir donné individuellement dix sicles d'or (Le sicle vaut le talent). Il envoya au roi d'Égypte, Vaphrès, 10,000 mesures d'huile, 1000 artabes de dattes, 100 cruches de miel et des aromates ; il envoya à Suron, dans Tyr, une colonne d'or, que celui-ci consacra dans le temple de Jupiter. [9,36] CHAPITRE XXXVI. THÉOPHILE SUR SALOMON. Théophile déclare que Salomon fit l'envoi au roi de Tyr de tout l'or qui lui resta après la construction; celui-ci en fit fondre une statue représentant sa fille de grandeur naturelle, puis une colonne d'or creuse dans laquelle ou renfermait cette statue. [9,37] CHAPITRE XXXVII. EUPOLEMUS SUR SALOMON. Eupolémus dit que Salomon fit faire mille boucliers du poids de 500 pièces d'or chacun. Il vécut 52 ans, dont il régna 40. [9,38] CHAPITRE XXXVIII. TIRÉ DE TIMOCHARÈS, CONCERNANT JÉRUSALEM DANS SON HISTOIRE D'ANTIOCHUS. Timocharès, dans l'écrit qu'il a composé sur Antiochus, donne à Jérusalem une circonférence de 40 stades ; il déclare que c'est une ville presque imprenable, étant entourée de toutes parts de précipices abruptes. La ville est abondamment pourvue d'eau, à ce point que les jardins environnants sont arrosés par les eaux qui coulent de la ville. La contrée intermédiaire depuis les dehors de la ville jusqu'à 10 stades de distance, est complètement aride ; au delà de ces 40 stades, elle redevient arrosée. [9,39] CHAPITRE XXXIX. TIRÉ DU SCHOENOMÈTRE DE SYRIE SUR LA MÊME VILLE. L'ouvrage intitulé Schœnomètre de Syrie, dans sa première partie, dit que Jérusalem est dans une position élevée et abrupte, qu'une partie de la muraille est construite de pierres polies, mais que la majeure partie l'est de pierres noyées dans la chaux. Le périmètre de la ville embrasse 28 stades, elle contient une source qui verse d'abondantes eaux. [9,40] CHAPITRE XL. DE PHILON SUR LES EAUX QUI SONT DANS JÉRUSALEM. Philon, dans son poème sur Jérusalem, dît qu'il y a une source dont l'eau tarit en hiver, et déborde pendant l'été. Voici comme il en parle dans son premier livre : « En revenant d'en haut, vous verrez la source la plus merveilleuse que je connaisse, qui remplit le lit profond de son cours majestueux par des ondes qui reviennent en abondance ;» et ce qui suit. Quant à cette richesse d'eau qui la remplit, il ajoute plus bas : « Le cours qui vient des hauteurs, entraînant dans sa rapidité les eaux de neige, et apportant la joie, suit une pente sinueuse sous les monts couverts de forteresses, et montre, au grand étonnement des peuples, un lit précédemment tapissé d'un sable aride, transformé en un fleuve dont les yeux contemplent de loin l'abondance; » et ce qui vient à la suite. Après quoi il parle aussi de la source du grand prêtre et indique la manière dont elle a été dérivée en ces termes : « Des tuyaux cachés sous la terre qui verse les eaux, vomissent à gros bouillons l'onde qu'ils renferment, » et tout ce qui suit. Mais en voilà assez des emprunts faits à Alexandre Polyhistor. [9,41] CHAPITRE XLI. TIRÉ D'ARISTÉE SUR LE MÊME SUJET. A l'égard des eaux qui sont dans Jérusalem, Aristée, dans le livre qu'il a écrit sur la traduction de la loi des Juifs, rapporte ce qu'on va lire : « Le saint des saints regarde l'aurore, et l'opistodome est tourné au couchant: tout le sol est pavé de pierres plates, et des pentes sont ménagées, suivant l'opportunité des lieux, pour l'écoulement des eaux; elles sont indispensables pour déterger le sang des victimes, car dans les jours de fêtes, ou y amène des milliers de bestiaux, aussi a-t-on eu soin que l'amas d'eau ne fît jamais défaut. Cette eau provient d'une source placée dans l'intérieur, source intarissable et abondante. Indépendamment de cette irrigation naturelle, il existe sous terre de merveilleux et innombrables réservoirs qui, autant que j'ai pu m'en convaincre, occupent une surface de cinq stades à partir des fondations du temple. A ces réservoirs s'adaptent d'innombrables tuyaux, qui portent l'eau dans toutes les directions d'écoulement : tous sont en plomb, placés tant sous le pavé que dans l'épaisseur des murs, et revêtus d'un enduit en mortier très solide, car on n'a rien épargné dans l'exécution de ces travaux.» [9,42] CHAPITRE XLII. TIRÉ D'EUPOLÉMUS SUR LE PROPHÈTE JÉRÉMIE. Après tout cela, le Polyhistor ayant fait mention des prophéties de Jérémie, je serais complètement inexcusable de passer ce morceau sous silence : le voici donc : « A ce prince succéda Joachim; c'est sous son règne que le prophète Jérémie prophétisa. Ayant été envoyé par Dieu, pour reprendre les Juifs qui immolaient des victimes à une idole d'or du nom de Baal, et pour annoncer les malheurs qui devaient les atteindre, le roi Joachim forma la résolution de brûler vif le prophète; celui-ci dit au roi que les bois qu'il avait ramassés dans ce dessein serviraient aux Babyloniens pour faire leur cuisine : que quant aux Hébreux traînés en servitude, ils iraient ouvrir les canaux de dérivation du Tigre et de l'Euphrate. » « Le roi des Babyloniens, Nabuchodonosor, ayant entendu parler des prédictions de Jérémie, engagea Astibarès, roi des Mèdes, à se joindre à lui pour entreprendre cette guerre. Ayant donc réuni une armée de Babyloniens et de Mèdes de 180,000 hommes d'infanterie, 120,000 de cavalerie, et de 10,000 chars armés, il détruisit d'abord Samarie, la Galilée, et Scythopolis, aussi bien que le pays de Galaad, habité par les Juifs; puis il s'empara de Jérusalem, et prit vivant Joachim, roi de cette ville. Quant à l'or, l'argent et le bronze renfermés dans le temple, l'en ayant extrait, il l'envoya à Babylone, sauf l'arche et les tables de la loi qui y étaient contenues; ce fut Jérémie qui les conserva. » [9,43] CHAPITRE XLIII. DE BÉROSE SUR LA CAPTIVITÉ DES JUIFS, SOUS NABUCHODONOSOR; SUR LES ROIS DE BABYLONE DEPUIS NABOPOLASSAR JUSQU'A LA RUINE DE CET EMPIRE PAR CYRUS, TIRÉ DE JOSÈPHE CONTRE APION, LIV. I, p. 450. Il est nécessaire de rattacher à ce qui vient d'être dit, ce qui concerne la captivité des Juifs sous Nabuchodonosor. « Celui-ci étant entré en campagne contre le rebelle, et lui ayant livré bataille, se saisit de lui, et fit rentrer de nouveau ce pays sous sa domination. A cette époque il advint à son père Nabopolassar, d'être atteint de maladie, dans la ville des Babyloniens, et de succomber, après un règne de 21 ans. Ayant eu promptement connaissance de la mort de son père, Nabuchodonosor mit ordre aux affaires d'Égypte et des autres pays, ayant prescrit à quelques-uns de ses amis ce qu'on devait faire des prisonniers des Juifs, des Phéniciens et des Syriens, et des peuples qui s'étaient alliés à l'Égypte, il se rendit en Babylonie. » Après d'autres récits, il ajoute : « Nabuchodonosor donc, après avoir commencé la construction de la muraille que nous venons de dire, tomba dans une maladie dont il mourut après un règne de 43 ans. Son fils, Evilmérodach, succéda à son empire ; mais s'étant mis au-dessus des lois, et se livrant à toutes sortes de violences dans le gouvernement de ses états, ce prince périt victime des embûches que lui tendit Nériglisar, époux de sa sœur, après un règne de 2 ans. Après lui avoir ôté la vie, Nériglisar, l'auteur de cette perfidie, usurpa le pouvoir et régna 4 ans. Son fils Labassoarchaclas, régna étant encore enfant pendant neuf mois; mais ses amis ayant découvert en lui des penchants vicieux, conspirèrent contre ses jours et le massacrèrent; les conspirateurs s'étant réunis, déférèrent d'un commun accord la couronne à Nabonnide, l'un des habitants de Babylone qui avaient trempé dans le complot. Sous son règne, les murailles de brique cuite et d'asphalte qui défendaient la ville de Babylone du côté du fleuve, furent terminées. Il avait déjà régné 17 ans, lorsque Cyrus s'étant mis en marche de la Perse, avec une armée nombreuse, et ayant mis à feu et à sang toutes les autres parties de l'empire, s'avança dans la Babylonie. Nabonnide ayant eu connaissance de son invasion, marcha à sa rencontre à la tête de son armée; mais ayant livré bataille, il fut vaincu et s'enfuit accompagné de peu de monde, dans la ville des Borsippiens, où il fut investi. Cyrus ayant pris Babylone, et ayant donné l'ordre de démolir les murs extérieurs de cette ville, parce qu'ils semblaient présenter trop de difficultés pour la réduire, porta son camp vers Borsippe, pour y assiéger Nabonnide; mais celui-ci n'osant pas affronter les hasards d'un siège, se rendit, avant qu'il fût commencé. Cyrus le traita avec bonté, et lui ayant donné pour demeure la Carmanie, l'éloigna de la Babylonie. Nabonnide y passa le reste de ses jours et y termina sa carrière.» Josèphe continue : « Ces récits historiques sont tout à fait en harmonie avec nos livres dont ils confirment la vérité. Il y est écrit que la 18e année de son règne, Nabuchodonosor dévasta notre temple qui resta détruit pendant 70 ans. La deuxième année du règne de Cyrus, les fondements du temple furent jetés, et la dixième du règne de Darius cette construction fut terminée.» Ces paroles sont de Josèphe. Je trouve dans l'écrit d'Abydénus sur les Assyriens, les choses suivantes relativement à Nabuchodonosor. [9,44] CHAPITRE LIV. D'ABYDÈNE, DANS SON ÉCRIT SUR NABUCHODONOSOR. Mégasthène dit que Nabuchodonosor fut plus valeureux qu'Hercule, qu'il fit la guerre en Lybie et en Ibérie (Espagne) ; soumit ces pays à ses lois, et en tira des colonies qu'il établit sur la rive droite du Pont; après quoi les Chaldéens ajoutent : qu'ayant été saisi d'une fureur envoyée par une divinité inconnue, il monta au sommet de son palais et s'écria : ô Babyloniens, je suis ce Nabuchodonosor (prédit) et je vous annonce un malheur qui vous est réservé, et que ni mon aïeul Belus, ni la reine Beltis n'ont eu le pouvoir d'engager les Parques à détourner de vous: le mulet Perse va venir et il aura vos propres divinités pour auxiliaires; il traînera l'esclavage à sa suite, le Mède sera son complice, lui qui faisait la gloire de l'Assyrie. Hélas! plût à Dieu, qu'avant de trahir ses concitoyens, une charybde ou une mer l'eût englouti tout entier, de manière qu'il n'en restât plus de trace, ou qu'ayant pris une route différente, il se fût lancé dans le désert où l'on ne voit pas de villes, où l'on ne reconnaît nulle trace du pas des hommes ; les bêtes sauvages y ont leur pâture, les oiseaux les parcourent en volant : il aurait dû y vivre seul au milieu des rochers et des précipices ; et quant à moi: il aurait mieux valu que je terminasse ma carrière avant d'avoir connu ces funestes révélations. Après avoir proféré cet oracle, Nabuchodonosor disparut aussitôt. Son fils Evilmalourouscas régna après lui; mais son beau-frère Neirglissar l'ayant assassiné, il laissa pour roi son fils Labassoaraschos; celui-ci ayant péri d'une manière violente, on déclara roi Nabannidochos, qui n'avait aucun degré de parenté avec lui. C'est à lui que Cyrus, ayant pris Babylone, donna la satrapie de Carmanie. [9,45] CHAPITRE XLV. DU MEME SUR LA FONDATION DE BABYLONE. Quant à l'opinion que Nabuchodonosor fonda et fortifia Babylone, voici ce qu'en dit le même auteur : « Toute cette contrée, dans le principe, n'était qu'un vaste étang qu'on appelait g-Thalassa (mer) : Belus fit cesser cet état de choses, en distribuant à chacun une portion de terrain ; et il environna Babylone d'une muraille; mais par la suite des temps tous ces travaux avaient disparu. Nabuchodonosor releva de nouveau les murailles, qui durèrent jusqu'à la conquête des Macédoniens, étant fermées par des portes d'airain. » Après d'autres récits, il ajoute : « Nabuchodonosor ayant reçu l'empire, dans l'espace de quinze jours, construisit une triple enceinte autour de Babylone, détourna le fleuve Armaclé, ainsi que l'Alcanon qui est un bras de l'Euphrate, au-dessus de la ville de Sipara. Il avait creusé un lac, dont le périmètre était de 40 parasanges, d'une profondeur de 20 orgyes ; il y avait adapté des écluses qui, en s'ouvrant, arrosaient toute la plaine : ils les nomment Ochetognomons, ou canaux d'irrigation. Il construisit également une forteresse sur les bords de la mer Érythrée; on donne à cette ville le nom de Teredon, ce fut pour s'opposer aux incursions des Arabes. Il environna le palais royal d'arbres, ce qu'il nomma jardins suspendus. » J'ai cru devoir rapporter ce morceau de l'ouvrage ci-dessus, à cause de ce qu'on lit dans la prophétie de Daniel, savoir, que Nabuchodonosor se promenant à Babylone dans le temple du palais, enflé d'orgueil, proféra d'inspiration les paroles qui suivent : "N'est-ce pas là cette grande Babylone, que j'ai bâtie pour être le séjour de ma royauté dans le développement de ma puissance et pour l'honneur de ma gloire?" A peine ce discours était-il sorti de sa bouche, qu'il éprouva la catastrophe qui bouleversa toute son existence. En voilà suffisamment sur ce sujet. Pour conclure ce livre, ajoutons un extrait du traité de Josèphe sur l'antiquité des Juifs, dans lequel il rapporte textuellement les propres expressions d'une foule d'écrivains, et termine en ces termes : [9,46] CHAPITRE XLVI. DU PREMIER LIVRE DE JOSÈPHE SUR L'ANTIQUITÉ DES JUIFS. « Toutefois, il doit suffire à la démonstration de notre antiquité, d'alléguer les annales authentiques des Syriens, des Chaldéens et des Phéniciens, et après ces documents les nombreux écrivains grecs que nous avons invoqués, auxquels il convient d'adjoindre Théophile, Théodote, Mnaséas, Aristophane, Hermogène, Euhemère, Comon, Zopyrion, et beaucoup d'autres encore; car je n'ai pas eu en ma possession tous les auteurs qui se sont appliqués à nous faire connaître. La plupart de ces mêmes historiens ont altéré la vérité dans le récit des premiers temps de notre histoire, parce qu'ils n'ont pas fait usage de nos livres saints; mais tous, d'un sentiment unanime, ont rendu témoignage à notre antiquité, qui est la seule chose en question pour le moment. Néanmoins Démétrius de Phalère, Philon l'ancien et Eupolemus, se sont peu écartés de la vérité, et cette aberration de leur part est d'autant plus excusable, qu'il ne leur était pas donné de pouvoir suivre pas à pas, avec l'exactitude la plus minutieuse, nos écrits particuliers. » C'est ainsi que Josèphe s'exprime. Et quiconque se donnerait la peine de parcourir le traité de cet écrivain sur l'antiquité des Juifs (traité contre Apion}, y trouverait de nombreux témoignages à cet égard, d'accord avec ceux que nous avons allégués ; indépendamment de cela, d'autres auteurs tant anciens, que modernes, attestant les mêmes faits et joignant leurs suffrages à ceux que nous avons invoqués, se pressent en foule; mais dans l'intérêt de l'ordre que nous avons adopté pour la rédaction de cet ouvrage, nous croyons devoir omettre de citer leurs paroles, laissant le soin de les rechercher et de les discuter à ceux qu'un pareil travail peut intéresser. Quant à nous, nous passerons à l'exposition de ce qui nous reste à prouver.