[6,0] LIVRE VI. [6,1] LETTRE PREMIÈRE. ENNODIUS À PARTHÉNIUS. Si je ne vous aimais passionnément et si mon affection pour vous n’était basée sur d’inébranlables fondements, je pourrais céder à la peine que je reçois de vos injures et m’émouvoir soit de vous voir en colère comme un enfant, soit de vous entendre m’adresser d’arrogantes supplications. Je ne connais rien, en effet, de plus arrogant qu’une humilité feinte. Je préfère les injures à d’hypocrites obséquiosités. Il est une chose pire que l’amertume, c’est la douceur feinte. Vous n’avez pas à recourir aux supplications si vous avez l’intelligence des devoirs qui vous lient. Qu’ils demandent grâce pour leurs excès ceux qui ont la liberté de ne pas obéir ! La volonté céleste a fait à nos serviteurs une condition telle que de quelque côté que se porte notre pensée. C’est pour eux une nécessité de s’y conformer. On peut attendre sans inquiétude lorsque l’on est à même de repousser une autorité qui cherche à s’imposer. Sachez donc que je ne vous laisserai pas vous écarter de cette règle et que je maintiendrai l’autorité que Dieu m’a donnée sur vous. Vous avez à souhaiter qu’après avoir célébré ma mansuétude, une juste considération de ce que vous méritez ne vous oblige à déchanter; que la voie de la piété où vous devez marcher, ne devienne pour vous l’infâme sentier du vice. Bien que, si je ne me trompe, ce soit une miséricorde que le châtiment s’attache à celui qui pèche et qu’il n’y ait point de patience meilleure que celle qui n’ouvre pas la porte aux vices, je souhaite cependant que notre indignation n’ait pas lieu de s’exercer à votre égard, car si vous donnez en des écarts, ce ne sera point une douleur secrète et gardée au fond du cœur par une fausse indulgence qui sera votre châtiment, mais vous sentirez les verges. Et maintenant vous n’avez qu’un moyen de cicatriser les blessures que m’ont faites vos paroles intempestives, c’est de vous montrer, par votre science, à la hauteur de votre rang. Vous n’obtiendrez grâce qu’à ce prix: je saurai, s’il le faut, changer la nature que l’on me connait portée à l’indulgence et, vis-à-vis d’un paresseux, ne rien relâcher de ma sévérité. Au reste je prie Dieu de vous garder en bonne santé et que, par sa faveur, s’accroissent les espérances que vos vers nous ont déjà fait concevoir. [6,2] LETTRE II. ENNODIUS A FAUSTUS. C’est le comble de la joie que de trouver l’occasion d’un porteur qui se met au service de l’amitié et tout en servant ses propres intérêts donne satisfaction aux désirs des autres. Celui-ci se recommande par son honnêteté, et une délicatesse que l’on chercherait en vain chez ceux qui pratiquent le négoce, m’engage à l’employer. Ajoutez qu’à la confiance qu’inspire sa probité vient se joindre qu’il est connu de votre Eminence. Car par son intermédiaire j’ai savouré les délices de votre honorée correspondance. Je restitue donc le dépôt, lié par le devoir professionnel et, après l’avoir reçu et gardé en Ligurie selon la faible mesure de mes moyens, je l’envoie, muni de ma lettre, se placer sous le plus puissant des patronages. Pour ce qui reste, je fais hommage à votre Révérence de tout ce que je puis avoir d’humble dévouement et je vous supplie de m’honorer de vos lettres, au moins en échange de mon assiduité à vous écrire. [6,3] LETTRE III. ENNODIUS A EUPRÉPIE. Toute chose, dans son évolution, subit l’empire des âmes; les corps ne font qu’obéir. L’âme tire cette prérogative de sa nature céleste; sa condition terrestre impose au corps l’infériorité. Selon l’ordre établi par le créateur, le corps n’est pas libre de refuser d’obéir ni de ne pas suivre l’âme, n’importe où il lui plaît de se porter, pas plus que le soldat n’est libre de résister aux ordres du général. Aussi Crispus a-t-il assuré que nous avons quelque chose de commun avec les dieux et quelque chose de commun avec les bêtes. En raison de ce mystère, nous rejoignons les absents et sans la moindre fatigue de nos membres, nous brûlons des feux de l’amitié. Grâce à ces liens, nulle distance ne nous sépare et malgré l’éloignement de nos habitations, nos cœurs sont réunis. Vous savez, vénérable sœur, vous dont l’amabilité à mon égard a surpassé toute douceur, vous savez à quelle occasion je vous écris ce préambule. Je vais maintenant vous aborder sans détour et vous parler sans périphrase. J’eus peine à supporter vos premiers compliments. Après avoir reçu mes observations, vous avez versé dans vos lettres tant de miel que j’en fus ému jusqu’au plus profond de mon cœur, et que mon âme se sentit comme détachée de son corps et emportée de force auprès de vous. Combien je crains de voir votre affection retomber dans l’indifférence et qu’après avoir donné à pleines voiles dans l’immensité de l’amour, votre âme, comme le vaisseau qui fuit les tempêtes hivernales, ne se réfugie en quelque retraite Vous savez que mon esprit ne peut farder la vérité, ni adopter cette politesse de forme incompatible avec l’amitié. Je dois m’attendre à du changement; c’est dans l’ordre de votre sexe et de la nature et comme le dit le plus sage des hommes, Salomon : "l’âme rassasiée foule aux pieds les rayons de miel" (Prov. XXVII, 7). Le témoin et le juge de mes paroles sait que j’ai résolu, à moins que je ne m’abuse de l’attrait trompeur de votre amabilité, et qu’après avoir approché de mes lèvres altérées la coupe de l’amitié, vous ne la retiriez lorsque j’y goûte à peine, j’ai résolu de nous unir, non point en apparence, mais par de véritables noces spirituelles. Tandis qu’entre nous il n’y aura plus qu’une volonté, nous offrirons à tous les yeux, à tous les esprits le spectacle de vertus qui serviront à l’édification des bons et porteront les mauvais à se corriger. Quant à vous, promettez seulement de garder une constance ferme et immuable contre toute attaque inspirée par la jalousie. Donc, adieu, ma chère dame; contentez-vous, sur un sujet si élevé de ces courtes réflexions et parce que le cadre d’une lettre ne permet pas d’y donner plus d’étendue, et aussi parce que le papier est trop indiscret pour lui confier nos secrets. Si vos vœux sont en harmonie avec les propositions que je vous ai faites, donnez-en le témoignage écrit de votre main. [6,4] LETTRE IV. ENNODIUS A FAUSTUS. Je vous écris, non pour vous attrister par le douloureux récit de mes maux, mais pour obtenir de votre sollicitude le secours de vos prières. Je n’étais pas encore revenu en parfaite santé lorsque j’ai été atteint aux yeux d’un mal qui m’a ôté complètement l’usage de la vue. Il me suffit de vous indiquer ce que je souffre. A vous d’obtenir de Dieu ma guérison par le mérite de vos prières et d’accorder à celui qui vous prévient de ses lettres la faveur de fréquents entretiens. Cher Seigneur, plaise à Dieu que vous ayez à m’annoncer des nouvelles qui me soient agréables. [6,5] LETTRE V. ENNODIUS A AURELIEN. Ma confiance n’est point vaine et repose sur la connaissance que j’ai déjà d’heureux succès. C’est un ami sur lequel on peut compter, celui dont je me suis moi-même, dans une juste appréciation, garanti la fidélité à garder le souvenir de ceux qui l’aiment. Grâces vous soient rendues, divine Providence, qui dans le cours des choses humaines, savez des plus grands maux faire sortir la prospérité et ne voulez pas que la tristesse demeure sans lendemain. J’ignore quelle part de votre riche patrimoine la criminelle rapacité de l’ennemi a ravie à votre Grandeur : mais elle vous a de ce chef très heureusement procuré la faveur de notre invincible maître. C’est un grand avantage que de perdre la fortune lorsqu’à ce prix on arrive à se faire connaître d’un illustre prince : il ne faut pas redouter l’abandon de ses biens, si par là on obtient de se faire aimer du souverain qui dispose en maître de toutes les richesses. A cela s’ajoute que ce désastre, en devenant une source de fortune et la voie qui vous mène aux honneurs, n’a pu entamer le fonds de votre humilité. Ainsi les larcins de l’ennemi se trouvent réparés de telle sorte que vous avez le droit d’attendre tout ce qui peut combler vos joies. Il ne vous reste à acquérir que ce qui n’est qu’en espérance, puisque pour le présent votre éminence touche au sommet de la fortune. A toutes ces faveurs du ciel nous devons joindre le bienfait de nous être connus et de nous être unis. Comment eussé-je eu le bonheur de connaître un si grand homme, sans les événements dont j’ai parlé? Mais que le ciel ajoute encore à ce qu’il vous accorde et que les soins de la Providence nous conduisent au terme de nos désirs. Il me reste, mon cher Seigneur, à vous saluer. Favorisez votre ami de fréquents entretiens, et croyez que si le cadre de ma lettre ne m’imposait les limites d’usage, le plaisir que j’ai de vous écrire me ferait étendre longuement mon bavardage. [6,6] LETTRE VI. ENNODIUS A BOÈCE. Il suffisait, il est vrai, de faire à l’unique lettre de votre Grandeur une simple réponse et rien ne m’obligeait à vous écrire de nouveau; si je m’y suis déterminé, ce n’est point par ignorance, mais pour prendre les devants. De mes deux lettres, en effet, la première répond à une dette, l’autre est la messagère de mes sentiments affectueux. Veuillez le croire, j’ai pensé que je ne pouvais me dispenser de rendre avec usure ce qu’une auguste intelligence m’avait donné la première. Il est plus doux de donner des témoignages d’amitié avant d’en avoir reçu l’exemple, et c’est montrer moins de force ou moins de cœur que de ne marcher que second dans le sentier des affections. On ne peut en peu de mots exiger pour soi de la bienveillance dès lors que l’on est prévenu de marques d’amitié qui doivent servir de modèle. C’est de l’impertinence que ne pas répondre à l’affection, lorsque d’ailleurs l’excellence de la race se manifeste d’elle-même. Tout cela, je vous l’écris à la hâte, car le courrier me presse. Plus tard je m’étendrai à loisir et j’oublierai, en considération de vos mérites, la pauvreté de mon génie, si du moins vous accordez à mes désirs de m’écrire fréquemment. Mon cher seigneur, en vous payant le tribut de mes salutations très empressées, je vous demande qu’à l’assiduité de notre correspondance on connaisse que nous ne sommes pas oublieux de la parenté qui nous lie. [6,7] LETTRE VII. ENNODIUS A AVIÉNUS. Il y a déjà longtemps qu’en proie à des désirs dont je ne puis me distraire, je n’ai d’autre aliment intellectuel que le commerce épistolaire Il me semble, en effet, tant que je m’entretiens avec votre Grandeur, que je ne suis pas absolument privé de votre chère présence. Mais les remèdes que recherche un esprit plongé dans l’affliction ne font qu’aggraver son mal, et l’aliment trompeur présenté à un cœur dévoré du besoin d’aimer, ne peut qu’augmenter la faim qui le consume. En vérité, Seigneur, que Dieu vous garde saints et saufs, vous qui m’êtes plus chers que mes yeux car je vous l’assure si mes forces me l’eussent permis et que le départ du Seigneur (Faustus) n’eut pas été si prompt, je me fusse transporté à Ravenne de toute la force de mes désirs. Mais, s’il plaît à Dieu et qu’il nous conserve mon seigneur votre père et madame votre mère, après Pâques, muni du secours d’en haut, je viendrai vous voir et retrouver près de vous de nouvelles forces et l’espoir de vivre. Mon cher Seigneur, en vous adressant mes salutations les plus empressées je vous demande en grâce de vous employer très instamment à faire prier pour moi toutes les saintes âmes. [6,8] LETTRE VIII. ENNODIUS A SÉNARIUS. Quoique pour mes péchés même la consolation de vos lettres me soit refusée, je ne veux point oublier la dette que dans votre bienveillance vous m’avez imposée au nom de Dieu: je suis exact à vous l’écrire dans l’espoir, seigneur Sénarius, qu’en pensant à Dieu à mon occasion, vous m’accorderez la faveur de fréquentes lettres. Mon cher Seigneur, je vous salue longuement avec la révérence accoutumée et je vous supplie en grâce, dans l’affliction qui m’oppresse de ne pas cesser de prier Dieu pour moi dans toutes les basiliques des Saints. [6,9] LETTRE IX. ENNODIUS A FAUSTUS. Bien que l’auréole d’innocence dont l’épiscopat est comme revêtu suffise à couvrir le pontife et que tout secours humain paraisse inutile à celui qui s’est élevé par la sainte profession au-dessus de l’humanité, j’ai cependant donné cette lettre de recommandation. Mais Dieu tout puissant sait que j’ai dû céder à l’ordre impérieux du saint évêque qui en est le porteur. Longtemps j’ai résisté, craignant qu’il ne parût contraire aux dernières convenances qu’un simple ministre, et encore le plus modeste, recommandât un pontife auprès d’un personnage aussi pieux. Mais la perfection de l’obéissance consiste à obtempérer en tout ce que prescrit un supérieur. Et voilà pourquoi, après vous avoir adressé l’hommage de mes respectueuses salutations, je vous demande de venir en aide à cet évêque en butte à de nombreuses attaques. Faites cette bonne œuvre par excellence et ne laissez pas plus longtemps ce digne prêtre sous les coups de chagrins immérités. [6,10] LETTRE X. ENNODIUS A FAUSTUS. Que Dieu, qui vous a mis au cœur l’amour des bonnes œuvres, vous accorde de longues années de bonheur à le servir ; c’est le vœu que lui adressent pour vous ceux que vous comblez de bienfaits, car quoique l’innocence de votre vie vous mérite constamment cette protection du ciel, néanmoins vos obligés ne peuvent ne pas faire monter vers Dieu pour vous les prières qui vous sont dues, ne pas rendre grâces pour les bienfaits reçus est une ingratitude, dont Dieu fait homme lui-même a en horreur. Ah ! que ne puis-je vous dire tout ce que je sens vous devoir! A toutes vos bontés je vous prie d’en ajouter une nouvelle, c’est de me faire expédier, dès qu’elle sera complète, la pièce que vous avez rédigée pour la cause de Laurent, le notaire de Côme. Je vous prie encore pour cette femme aveugle, qu’opprime Martin, fermier de la couronne à Modicia, d’obtenir du Comte du Patrimoine des lettres enjoignant à ce rustre de restituer sans délai à cette femme l’esclave qu’il lui a enlevé; car il s’est jusqu’ici audacieusement moqué des ordres qu’il en a reçus. [6,11] LETTRE XI. ENNODIUS A AVIÉNUS. Depuis que notre commun seigneur s’éloigna de Milan, la seule consolation qui me reste c’est d’écrire. Tandis que je vous adresse ma causerie, j’ai comme une illusion de votre présence qui me tient sous le charme. Je vous supplie, mes chers seigneurs, de faire souvent de même, bien persuadé que votre absence ne peut être supportable que grâce à votre assiduité sur ce point. Que d’autres, trop heureux, vous possèdent, pour moi, lorsque je considère mes fautes à expier, je comprends que le commerce épistolaire avec vous doit me suffire. Mon cher seigneur, je vous prie d’agréer mes salutations les plus empressées et aussi de ne point vous lasser et de faire monter vers Dieu les prières de ses saints, et de lui rendre grâces pour les bienfaits absolument inespérés dont il me favorise. [6,12] LETTRE XII. A LIBÉRIUS, EUGÈNE, AGAPIT, SÉNARIUS, ALBINUS. Il est nécessaire d’écrire plus longuement lorsqu’on ne peut compter sur le porteur avec le diacre Etienne, mon ami et qui vous est tout dévoué, il suffit de quelques mots. Comme il passait par ici, il s’est chargé de vous dire une foule de choses qu’il eût été nécessaire d’écrire très longuement pour vous les mander par lettres. D’ailleurs il sera fidèle à ne rien vous celer de ce que nous tenons à vous faire savoir. Au reste, en vous donnant, grâce à Dieu, de bonnes nouvelles de ma santé, je vous en demande de la vôtre et vous prie d’agréer le parfait hommage de mes salutations, avec la confiance que vous daignerez me garder dans son intégrité toute votre bienveillance. [6,13] LETTRE XIII. ENNODIUS A AVITUS. La nécessité d’autrui va me rendre importun, mais je ne puis refuser de parler pour celui qui me le demande. Le devoir professionnel me fait une loi de ne pas marchander mon intervention. Ce serait aggraver le fardeau qui charge ma conscience que de fermer l’oreille à de telles supplications. Le fils de Sabinus de digne mémoire, s’est présenté au jour fixé, dans l’attente de la sentence mais le voici obligé de réclamer la jouissance de son champ pour cause d’utilité, parce que au jour marqué et le fidéjusseur et l’exécuteur (testamentaire) ont fait défaut. Tandis que je vous écrivais sur cette affaire, le porteur, par ses instances, m’a contraint à y mettre si peu de soin que j’ai fait courir après lui pour l’obliger à revenir. Je tiens à vous le marquer. Et maintenant, en vous adressant l’hommage de mes salutations, je prie votre Grandeur de se souvenir qu’il est en son pouvoir de montrer dans la cause du susdit ce que l’on doit attendre et de la justice que vous protégez et de la confiance que vous avez inspirée. [6,14] LETTRE XIV. ENNODIUS A AVITUS. Je sais qu’auprès de vous mon silence même est entendu et qu’il n’y a rien de si secret que vous n’en soyez instruit. Je n’ai pas voulu cependant négliger de vous écrire pour bien vous certifier que je ne prétends nullement soustraire par d’habiles manœuvres le fils de Sabinus, de sublime mémoire, à l’arrêt de la justice. Ce qu’il a souffert de violences au sujet de son petit champ, fait dire qu’il a eu jusqu’ici affaire à des barbares. Croyez-moi, il se présentera en toute sécurité pour soumettre sa cause à votre examen; il voudra sans aucune appréhension recevoir et accepter votre décision. Mon Seigneur, en vous adressant l’hommage de mes salutations, je vous prie de tenir ma personne en telle estime, que vous daigniez me réconforter en vous souvenant de l’affection que je vous ai vouée depuis si longtemps. [6,15] LETTRE XV. ENNODIUS A FAUSTUS. C’est une bonté de la divine Providence à mon égard que lorsque j’ai quelque faveur à demander, ce soit pour moi une heureuse occasion de trouver les porteurs que je désire. Loin de moi de refuser aux autres ce que je m’accorde moi-même et de garder par une avarice sordide ce qui est tout profit pour celui qui le donne. Simplicianus, porteur des présentes, jeune homme de très haute noblesse, obligé de se rendre à Rome, sanctuaire de la science, a cru que ce lui serait un très grand avantage s’il pouvait, muni d’une lettre d’introduction, être admis à faire la connaissance de votre Eminence. Je n’ai certes pas voulu lui refuser ce qu’il désirait, sachant trop bien que c’est chez vous une habitude d’accorder ce que l’on n’obtient des autres qu’à force de prières. Agréez donc, cher Seigneur, l’hommage de mes salutations et faites que le susdit ne souffre pas trop des rigueurs de l’éloignement ; quant à moi, tout ce que je désire c’est de continuer à jouir toujours, comme maintenant, des charmes de vos fréquentes lettres. [6,16] LETTRE XVI. ENNODIUS A LUMINOSUS. Nous ne devrions pas consacrer aux affaires des entretiens que l’affection a inventés comme remèdes à ses ennuis, ni détourner ce fruit de l’amitié aux exigences des discussions intéressées. Comme il serait doux de ne s’écrire que pour rendre plus étroite l’union des cœurs et de ne pas transformer en instrument de profit une chose qui devrait uniquement appartenir à l’amitié. Mais nous en sommes venus à ce point que si la vieille amitié qui se forma entre nous dès notre entrée dans la vie et, depuis, n’a fait que croître jusques à sa parfaite floraison, ne se lève à l’appel de ma lettre pour me venir en aide. j’éprouverai de graves dommages que je n’ai nullement mérités. Votre Grandeur se souvient de l’entretien qu’elle eut avec mon évêque au sujet des avances faites par lui à Ravenne au profit du siège apostolique, sous ma garantie d’être remboursé. Vous promîtes alors que ce remboursement se ferait à bref délai, mais en punition de mes fautes, je ne sais quel mauvais destin y a mis obstacle; or l’évêque se tourne vers moi avec de telles instances, qu’il me laisse à peine le temps de dépêcher à la ville sainte. Maintenant, après Dieu, l’affaire est en vos mains; vous pouvez m’épargner et d’entrer en une fâcheuse contestation avec mon évêque et de subir un grave dommage. Il ne faut pas qu’on puisse dire que, seul, pour avoir pris en main la cause de la foi, je suis en butte à l’adversité, Mon cher seigneur, en vous payant le tribut de mes salutations, je prie Dieu d’incliner sans retard votre esprit à prendre en considération mes intérêts. Quant à moi, je n’ai rien pu trouver à faire de plus que de vous adresser, avec cette requête si expresse, un porteur fidèle. [6,17] LETTRE XVII. ENNODIUS A MARCELLIN, ÉVÊQUE. Je dois à l’obligeance de votre fils, le noble personnage Stéphanion, la faveur de faire par lettre une visite à votre béatitude. Grâce à son voyage l’affection ne perd rien de ses droits et ce qu’elle ne peut faire par une entrevue elle le compense par la correspondance. En rendant par les présentes à votre apostolat les hommages que je lui dois, je vous demande de m’assister du secours de vos prières et qu’ainsi de même qu’une greffe profite de la sève d’un tronc vigoureux, je puisse heureusement participer aux mérites de votre sainte vie; car je ne doute point, que votre couronne ne réponde à ma confiance. [6,18] LETTRE XVIII. ENNODIUS A DOMINICA. Votre Grandeur a fait ce qu’elle doit et à la sainteté de ses mœurs et à son sang en ne laissant pas s’affaiblir par un silence prolongé le souvenir de sa parenté. En quelque lieu du monde que nous vivions, le sang maintient ses droits, et les distances ne séparent point ceux qu’unissent les liens de parenté. Croyez-moi, une affection sainte ne s’amoindrit pas avec la longueur des routes et la nature n’y perd rien. Or vous saurez que votre gendre me témoigne une affection telle que je ne crois pas possible de jamais complètement le payer de retour. Au reste, ma chère dame, en échangeant l’hommage de nos affectueuses salutations, je prie Dieu qu’il daigne, pour notre mutuelle félicité, me procurer l’occasion de vous voir et de vous entretenir ; ce serait le comble de mes vœux. [6,19] LETTRE XIX. ENNODIUS A FAUSTUS. Maintenant que malgré mes ardents désirs la faculté de vous voir ne m’est plus donnée, il me faut revenir aux lettres. Je suis obligé de recourir au commerce épistolaire que j’avais abandonné; mon âme, nourrie auprès de vous de mets si délicats, en est réduite à s’alimenter de cette nourriture grossière. O qu’il est douloureux de se voir ainsi emporté par la nécessité des circonstances et, jouet d’une liberté fugitive, d’être jeté dans une situation toute nouvelle ! Les maux les plus durs s’adoucissent par la durée ; les plus lourds fardeaux sont allégés avec le temps la condition la plus lamentable, dès lors qu’elle doit durer, laisse encore former des souhaits des chagrins qui n’ont pas de trêve, finissent par s’adoucir. Pour l’expiation de mes péchés le comble de mon malheur est d’avoir goûté aux biens dont je me vois privé. Mais passons. Il faut s’en remettre à Dieu des choses auxquelles la sagesse humaine est impuissante à porter remède. Et cependant, tout en vous adressant l’hommage de mes salutations, je n’ai pas voulu négliger de vous donner des nouvelles de mon retour, n’ayant moi-même rien tant à cœur que de goûter également le plaisir de recevoir des vôtres. [6,20] LETTRE XX. ENNODIUS A FAUSTUS. Tant que nous sommes dans la prospérité, nous en ignorons les douceurs; c’est à peine si nous savons apprécier les bienfaits du ciel tant que nous en jouissons; après seulement que nous les avons perdus, les biens les plus ardemment désirés nous apparaissent avec tous leurs charmes; nous ignorons le prix de l’objet de nos désirs tant qu’il est en nos mains. Oui, je l’avoue, tant que Ravenne vous posséda, je considérai comme une chimère d’envisager les tourments dont je souffre aujourd’hui. Au comble du bonheur, j’aurais cru ne pas en comprendre l’étendue si la perspective des maux qui devaient me venir de votre absence m’eût arraché des soupirs. Je ne pouvais, sans cette séparation, comprendre ce que je mérite ni savoir que ce qui fait la joie du pécheur est fugitif. Mais pourquoi laisser ma lettre dépasser les bornes d’une diction justement mesurée ? Que celui à qui seul tout obéit porte le remède à mes maux. Quant à moi, et c’est pour vous en faire part que je vous écris, je suis en bonne santé et j’attends, en retour, avec l’aide de Dieu, que vous me donniez de vos bonnes nouvelles. Agréez donc mes hommages, et s’il survient quelque heureux dénouement relativement aux affaires que j’ai sur les bras, comme vous savez, donnez m’en avis sans ombre de dissimulation. [6,21] LETTRE XXI. ENNODIUS A FAUSTUS. Je saisis l’occasion que me procure la personne d’un porteur de chez vous et j’en use pour vous payer l’humble tribut de mes hommages. Je profiterai ainsi, au gré de mes plus ardents désirs, de ce que vous avez bien voulu prêter un concours actif aux affaires des autres. Je l’avoue, il m’était dur, maintenant que je me trouve rapproché, de ne plus vous écrire, alors qu’étant au loin, je n’avais jamais pu me priver de vos entretiens. Car en vérité, depuis que mes occupations me retiennent à Ravenne, il me semble dans ma pensée que je n’ai pour ainsi dire qu’à tendre la main pour atteindre votre Grandeur. Aussi, cédant à mes désirs, je vous écris ces lettres afin que par la lecture des vôtres je puisse suppléer aux entretiens de vive voix qui me manquent. Je vous prie donc, tout en vous rendant l’honneur de mes salutations, de m’accorder, chaque fois que la commodité s’en présentera, des consolations de cette sorte, unique remède aux ennuis que nous cause l’absence de nos amis. Vous savez comment se guérit la langueur que cause l’affection : il vous appartient de ne pas refuser aux cœurs malades le remède efficace. [6,22] LETTRE XXII. ENNODIUS A EUGÈNE. L’affection nous fait multiplier les lettres. Votre révérence est cause que je ne puis m’abstenir d’écrire. Ma parole ne peut se dispenser de s’élever pour témoigner la joie que me cause la bonne nouvelle de votre santé. Adieu. [6,23] LETTRE XXIII. ENNODIUS A PARTHÉNIUS. Qu’avec la grâce de Dieu, les prémices que m’offre votre affection prennent de l’accroissement. Vous avez montré par le style de vos lettres que vous êtes l’hôte de la ville où fleurissent les arts libéraux c’est à peine si vous y entrez et déjà vous envoyez des compositions qui surpassent les exigences de l’amour paternel. Je ne veux point me montrer sévère dans la critique de votre diction et n’aurai garde de dédaigner comme imparfaites vos présentes compositions qui nous font concevoir pour l’avenir les plus flatteuses espérances. Lorsque nous labourons la terre, l’espoir de la récolte qui en proviendra relève notre courage; à voir les blés en herbe, le laboureur expérimenté augure de la moisson; il suffit au paysan intelligent de considérer les fleurs pour déjà mesurer les fruits. Loin de nous les fléaux et tout ce qu’engendrent les péchés ! Votre petit discours, il est vrai, ne revêt pas dans son allure la splendeur de la grande éloquence, mais on trouve au style la saveur de la pure latinité. Le discours a coulé, non sans harmonie, mais demande d’être nourri de sérieuses lectures. Mais après qu’un juge si compétent a, comme vous me l’écrivez, favorablement accueilli votre œuvre, que pensé-je de venir, comme une oie après des cygnes, faire entendre ma critique? Quiconque a son suffrage peut sans crainte affronter le crible de l’opinion; recevoir de lui des éloges est une faveur que l’on met au-dessus même des compliments qu’on pourrait obtenir d’un ennemi. Travaillez donc pour que de si bons débuts soient couronnés du succès; appliquez-vous à fréquenter assidûment les gens vertueux; quant à ceux dont le contact vous serait une souillure, au nom de l’obéissance que vous devez à mes conseils, fuyez-les comme on fuit une coupe empoisonnée. Et puisque je suis si désireux d’être tenu au courant de vos progrès, ne manquez pas de m’en fournir le moyen en m’écrivant toujours. Au reste, adieu, et que les faveurs célestes dont vous êtes comblé vous aident à vous montrer par vos talents digne de votre famille. [6,24] LETTRE XXIV. ENNODIUS A ARCHOTAMIA. Les liens de l’affection que resserre la loi de la consanguinité ne sont point brisés, il est vrai, par suite de l’éloignement ; la distance qui sépare les terres ne divise point la chaîne de parenté qui unit les âmes il faut cependant à l’amitié un aliment et cet aliment ne se trouve que dans la vue de celui que vous aimez ou dans les entretiens qui vous tiennent en relation. Comment seraient connus les secrets des âmes, si la langue ne les révélait? L’antiquité établit ces usages pour ne pas laisser caché ce que renferment les cœurs. Quant à moi, ces Gaules qui me revendiquent tout entier à cause de vous, si je ne les contemple pas des yeux, mon affection leur reste. Il faut remercier des présentes le porteur: ce voyage que la nécessité lui impose, me fournit heureusement l’occasion tant désirée de trouver le porteur qui voulut bien prêter son précieux concours à l’échange de nos pensées. Aussi, après vous avoir rendu, comme je le dois, l’hommage de mes salutations, je vous prie de faire que le porteur reçoive la juste récompense du service qu’il nous rend et qu’en retour de la joie qu’il m’a procurée, il ait lieu de se croire, sur ma recommandation, au comble de ses désirs. [6,25] LETTRE XXV. ENNODIUS A FAUSTUS. Votre Grandeur sait que les amis des arts libéraux m’honorent d’une estime qui va jusques au préjugé et réclament de moi, comme une chose à laquelle ils ont droit, des billets de recommandation. Il est maintenant d’usage que vous octroyiez des bienfaits, moi des paroles, et qu’en définitive le postulant obtienne au delà de ses désirs. Si je me refusais à rendre ces services, bien vite, malgré tout ce que j’ai pu jusqu’ici faire obtenir de vous, on cesserait de bénir ma bienveillance. Le porteur des présentes, Pertinax se fera suffisamment connaître de vous par l’éclat de la modestie qui rehausse l’illustration de sa naissance. il vous apportera, selon votre désir, des nouvelles de ma santé et je souhaite qu’il reçoive largement de votre obligeance les faveurs qu’il en attend et chaque fois que vous aurez l’occasion d’un courrier, ne manquez pas, de grâce, pour ma consolation, de m’adresser les réponses aux lettres que me réclame votre affection. [6,26] LETTRE XXVI. {sans traduction française} [6,27] LETTRE XXVII. {sans traduction française} [6,28] LETTRE XXVIII. {sans traduction française} [6,29] LETTRE XXIX. {sans traduction française} [6,30] LETTRE XXX. ENNODIUS A FAUSTUS. Ma langue se trouve impuissante à exprimer la peine infinie que j’éprouve de ce que les porteurs des pièces relatives à l’affaire ont été expédiés en Ligurie sans une lettre de vous. Je ne puis croire cependant que vous ayez ignoré leur voyage, car à la manière dont est exposée la demande, j’ai deviné l’intervention de votre Grandeur: il est facile, en effet, d’après les dispositions, de reconnaître celui qui les a prises. Ce manque de lettres, seul adoucissement aux tristesses qui m’accablent, malgré mes pressantes occupations, et que vous me refusez, est un mal qui me consume. J’en reviens à l’objet des mes vœux. Portez-vous bien, mes chers seigneurs, et faites-moi part en de fréquentes lettres, des faveurs que le ciel vous ménage. Car vos œuvres vous ont mérité de jouir dans la joie, au temps du repos, de la riche moisson que vous avez semée dans les labeurs de la vertu. [6,31] LETTRE XXXI. ENNODIUS AU SEIGNEUR PAPE. Votre Béatitude toujours vigilante, exerce sa sollicitude sur tous ses serviteurs, en quelque lieu qu’ils se trouvent, aussi bien que si tous étaient en sa présence et tandis que, sans aucune relâche, elle accorde à ceux qui en sont l’objet la faveur de sa bienveillance, elle invite les autres à y prendre part. C’est qu’en effet la plupart se laissent séduire à la vue de ce que rapporte te travail d’autrui, et l’on apprend à s’employer au service de quelqu’un lorsque l’on a sous les yeux les récompenses réservées à son labeur et à sa fidélité. Et plut à Dieu que l’événement répondit à mes vœux et qu’il me fut donné de réaliser pour la religion tout ce que je sais désirer! Monseigneur, en vous offrant l’humble témoignage de mon dévouement, je me contente, pour dire beaucoup de peu de mots ; je laisse au seigneur évêque votre frère le soin de vous exposer dans ses lettres ce qu’il pense de l’affaire dont vous l’aviez chargé. [6,32] LETTRE XXXII. ENNODIUS A AVIÉNUS. Toujours, entre amis, le commerce de lettres a de grands charmes. De ces échanges, lors même qu’on y userait d’une brièveté Spartiate, naissent au cœur des joies prolongées, remède efficace aux soucis que cause l’absence et particulièrement cher à ceux que tourmente l’inquiétude. Malgré tout, l’esprit mal assuré de la prospérité de ceux dont son bonheur dépend, est constamment agité et ne respire que grâce à ce remède : le refuser à ceux qui souffrent dans l’anxiété parce que l’on demeure soi-même insensible à toute incertitude, c’est montrer qu’on ignore ce que c’est qu’aimer. Longtemps mon esprit trouva dans tes entretiens que lui adressait par écrit votre Grandeur, un aliment délicieux, bien propre à le combler de joie. Aujourd’hui que j’en suis privé, ce n’est plus seulement pour moi la tristesse, c’est la mort. Je n’exagère point, car ces lettres qui répondaient si bien à mon affection, avaient le don de m’apporter la santé : n’est-ce pas fouler aux pieds toutes les lois de l’amitié que de me refuser des paroles qui peuvent me guérir? Vous savez maintenant quel effet résulte de votre silence ; à vous d’y remédier: il n’y a qu’un moyen, si au moins je ne suis pas tout à fait oublié de vous, c’est de m’écrire. Mon cher Seigneur, je vous adresse mes salutations les plus cordiales et je prie Dieu que dans les ardeurs qui me consument, il m’accorde quelque faveur céleste, et que pour adoucir l’amertume de mes chagrins, il vous inspire de m’écrire des choses dont la nouvelle m’apporte un peu de joie. [6,33] LETTRE XXXIII. ENNODIUS A HORMISDAS ET DIOSCORE. Je sais qu’une conscience religieuse estime comme un grand profit l’occasion de s’employer au service de quelqu’un, surtout lorsqu’il s’agit de gens que l’on sait avoir donné des preuves de dévotion. Aussi, quoique la considération que je vous porte soit pour moi le motif premier de vous écrire et que l’exposé de mes intérêts ne doive venir qu’après le témoignage de mon affection, on ne peut cependant empêcher un esprit en proie à l’inquiétude de songer aux affaires plutôt qu’à l’amitié. Votre fraternité n’a pas oublié la promesse faite par le seigneur pape de rembourser les sommes que mon évêque avança pour son compte à Ravenne sous ma caution. Or voici que ce prélat m’accorde à peine le temps de vous envoyer un exprès et prétend que satisfaction lui soit faite de mes propres deniers. Puisque la somme exigée n’est pas grande, et que d’autre part, ce sera m’obliger infiniment que de me soustraire à une disgrâce, en apparence fort juste, obtenez ce remboursement. Dieu vous en tiendra bon compte. Je le prie, mes Seigneurs, tout en vous adressant mes salutations les plus cordiales, qu’il daigne vous inspirer ce qui peut me tirer d’affaire. Quant à moi, j’ai pourvu au mieux de mes intérêts en vous adressant, avec l’exposé des ennuis qui fait l’objet de ma lettre, un porteur de toute confiance pour recevoir de vous, et m’apporter sans y toucher, ce que vous daignerez lui confier. [6,34] LETTRE XXXIV. ENNODIUS A FAUSTUS ALBUS. Par son long silence, votre Grandeur montre assez que je suis oublié et puisqu’elle me refuse le tribut de ses lettres c’est qu’elle a perdu le souvenir de son fidèle ami ; malgré tout la divine Providence ne permet pas que le bonheur qui vous arrive me soit caché, et par diverses indications elle m’a fait connaître vos heureux succès. Mais ce qui vous touche me tient si fortement au cœur que je vous expédie un porteur spécial chargé de vous voir en personne et de me rapporter ce dont il aura été le témoin. Croyez, Seigneur, que je vous suis très étroitement attaché, et que mon cœur n’a pas un instant de repos dans l’ardent désir que j’ai de vous voir. Il faut pour cela que, la paix rétablie dans l’église de Rome, une occasion se présente de vous rencontrer. Mon cher Seigneur, en adressant à votre révérence mes salutations les plus profondes je vous prie d’accueillir avec bienveillance les paroles de mon porteur et de vouloir bien l’instruire de ce qui touche à votre bonheur comme de ce qui intéresse toute votre maison pour qu’il puisse me rapporter votre entretien. [6,35] LETTRE XXXV. ENNODIUS A DOMINICA. Au milieu des soucis et des ennuis auxquels, pour l’expiation de mes péchés, je me trouve en butte, j’ai cherché un secours exceptionnel ; c’est de vous écrire, mes chères dames, dans l’espoir que par vos prières tout me serait propice, mes noirs soucis se dissiperaient et je retrouverais le calme et la joie. La première cause de ma tristesse n’est autre d’ailleurs que cet éloignement où vous vivez et qui me permet à peine d’avoir de vos bonnes nouvelles c’est la source de tous mes maux. Prêtez-moi donc, je vous en supplie, le secours de vos prières et que les suffrages des saints procurent à mon esprit malade un remède salutaire. Ma chère dame, en vous rendant le devoir de mes salutations, je vous prie et, au nom de Dieu que vous honorez, je vous conjure de me recommander au Seigneur par des supplications et des larmes continuelles qui font violence au royaume des cieux. J’attache à cette faveur un prix inestimable il n’est rien au monde que je lui préfère. [6,36] LETTRE XXXVI. ENNODIUS AU PRÊTRE ARDÉODAT. La divine Providence ne refuse jamais d’accéder aux pieux désirs; elle se hâte de nous accorder ce que nous souhaitons avec de sincères sentiments de piété. Or comme je désirais solliciter par lettre les suffrages de vos prières, mes vœux ont fait surgir un porteur domestique. Mon écriture sera donc là comme un aiguillon pour vous exciter à prier pour l’âme de votre client, car la voix du docteur des nations nous crie : Priez les uns pour les autres. Il n’est rien en effet qu’un ami de Dieu ne puisse obtenir, même pour les pécheurs. Efforcez-vous donc de me procurer ces secours spirituels promis depuis longtemps et, par vos larmes, méritez-moi des joies. Que je bénéficie des fruits de l’innocence, puisque je suis sans mérites. Voilà ce que j’ai eu la présomption de rappeler au saint de Dieu. Je craindrais de prolonger davantage cet entretien; lorsqu’une chose est nécessaire, il faut la demander en peu de mots. Et maintenant, mes chers seigneurs, adieu en Jésus-Christ; que je reconnaisse à ses heureux effets le bienfait de votre intercession. [6,37] LETTRE XXXVII. ENNODIUS A JEAN. C’est donc une erreur de croire que l’amour réponde à l’affection, qu’il y ait entre les âmes des communications muettes, que les sentiments intimes se trahissent par les sens, et que si nous donnons, nous avons droit à recevoir dans une juste mesure? Les antres des montagnes renvoient l’écho des voix et les êtres muets mêmes répondent à ceux qui leur parlent. Mais ta Grandeur, en mépris de ma personne, trouve bon de répondre à mes lettres par le silence et, par sa persistance à ne pas écrire, d’étouffer mon opiniâtre bavardage. C’est fouler aux pieds la loi de la nature. Dieu me garde de tomber dans un défaut que je déplore et d’atténuer des fautes en les imitant. De nouveau je te provoque à rompre ce silence obstiné, je te poursuis de mes invectives multipliées, car je n’ai pas oublié tes promesses d’amitié. En t’offrant mes salutations les plus affectueuses, je t’en supplie, mon cher Seigneur, qu’au moins mon importunité m’obtienne la faveur qui m’est due, d’autant que mes longues lettres donnent à tes propres désirs toute satisfaction. [6,38] LETTRE XXXVIII. ENNODIUS A FIRMINA. Lorsqu’une chose vivement désirée nous arrive tout à coup, cette soudaineté même lui donne un prix nouveau. Ainsi c’est le propre des faveurs célestes d’être accordées d’une façon tout à fait subite, pour que la longueur de l’attente ne diminue pas le plaisir qu’apporte la bonté du donateur. Quel est l’homme, en effet, qui voyant lui arriver tout à coup ce qu’il désire le plus ardemment, n’en éprouve pas pour cet heureux évènement un sentiment plus vif d’admiration? C’est ainsi que les lettres de votre Grandeur, dont j’étais si avide, me sont arrivées sur le moment de mon départ. Je me désolais, je l’avoue, et j’avais une peine extrême de ne pas trouver un porteur pour vous adresser mes hommages et d’être obligé de partir sans nouvelles de votre état. Et voici qu’une bonne fortune me met en main ces deux choses : j’ai reçu les nouvelles que je désirais et dans le même temps je vous fais savoir que je suis de retour des Alpes Cottiennes et sur le point de partir pour Ravenne. Priez pour qu’au milieu des nombreux ennuis où me jettent les affaires que j’ai sur les bras, j’obtienne des célestes bénédictions la patience dont j’ai besoin. Quant à moi, pénétré de l’éclat de vos mérites et du prix de votre bienveillance, je proteste qu’il serait plus facile aux fleuves de remonter vers leurs sources, aux poissons de quitter les eaux pour s’élever dans les airs, qu’à ma mémoire de laisser s’effacer de pareils souvenirs. Au reste, adieu, ma chère dame, et ne cessez d’adresser au Rédempteur vos supplications pour l’humble personne de votre client.