Livre 80. An de Rome 975. 1. Alexandre, qui régna aussitôt après lui, confia à un certain Domitius Ulpianus la préfecture du prétoire et 1'administration du reste de l'empire. J'ai écrit les détails précédents avec toute I'exactitude que j'ai pu ; quant à ceux qui suivent, il n'a pas été en mon pouvoir de les raconter exactement, attendu le peu de durée de mon séjour à Rome. Car, en venant d'Asie en Bithynie, je suis tombé malade ; de là, je suis allé en hâte commander en Afrique ; puis, de retour en ltalie, j'ai été, pour ainsi dire, aussitôt envoyé en Dalmatie, et de là gouverner la Pannonie Supérieure ; ensuite, arrivé à Rome et en Campanie, je suis parti sur-le-champ pour me rendre dans mes foyers. 2. Voilà pourquoi je n'ai pu mettre dans les faits qui ont suivi le même ordre que dans les précédents ; néanmoins je raconterai succinctement tous ceux qui se sont passés jusqu'à mon second consulat. Ulpianus corrigea une foule d'abus introduits par Sardanapale ; mais, ayant fait mettre à mort Flavianus et Chrestus, afin de leur succéder, il fut, peu après, tué son tour, la nuit, par une conspiration des prétoriens, bien qu'il eût couru se réfugier au palais, auprès de l'empereur lui-même et de sa mère. De son vivant, éclata, entre le peuple et les prétoriens, pour une cause futile, un différend si grand que I'on se battit pendant trois jours, et que, des deux côtés, il y eut un grand nombre de morts. Les soldats, qui avaient le dessous, mirent le feu aux édifices ; et, par suite, le peuple, craignant la destruction de ]a ville entière, se réconcilia malgré lui avec eux. Voilà ce qui eut lieu ; de plus, Epagathos, attendu qu'il avait été la principale cause du meurtre d'Ulpianus, fut envoyé en Egypte sous prétexte d'en être gouverneur, de peur que, si on le punissait, il ne survînt quelque trouble à Rome ; puis, ayant été de là même en Crète, justice fut faite de lui. 3. Plusieurs séditions qui éclatèrent chez plusieurs peuples, quelques-unes même fort redoutables, furent apaisées ; mais ce qui se passa en Mésopotamie fut plus effrayant et inspira une crainte mieux fondée à tous, non seulement dans Rome, mais aussi dans les provinces. En effet, un Perse, nommé Artaxerxès, après avoir vaincu les Parthes dans trois batailles, et tué leur roi Artabanos, [marcha contre Atra, afin de s'en faire un point d'appui pour des excursions contre les Romains. Il abattit bien les remparts de la ville, mais, ayant perdu un grand nombre de soldats dans une embuscade, il passa en Médie, et, s'emparant, tant par force que par crainte, d'une notable portion de cette contrée ainsi que de la Parthie,] il poussa jusqu'en Arménie ; là, battu par certaines peuplades mèdes habitant le pays et par les enfants d'Artabanos, il prit la fuite, suivant certains historiens, ou, suivant d'autres, se retira pour préparer une expédition plus considérable. 4. Cet Artaxerxès, donc, fut pour nous un sujet de crainte, tant par la, multitude de ses troupes, postées non seulement en Mésopotamie, mais encore en Syrie, que par ses menaces de reprendre, comme lui appartenant du chef de ses aïeux, tout le pays, autrefois possédé par les Perses, qui s'étend jusqu'à la mer de Grèce ; ce n'était pas que cet homme fût digne de quelque considération, mais nos soldats étaient disposés, les uns à se joindre à lui, les autres à refuser de combattre. Telle était, en effet, à la fois la mollesse, l'indiscipline et la licence qui régnait parmi eux, que, dans la Mésopotamie, les troupes osèrent tuer leur chef Flavius Héracléon, les prétoriens m'accuser, comme ils avaient fait Ulpianus, à cause de la fermeté avec laquelle j'avais gouverné les soldats en Pannonie, et demander mon supplice, craignant qu'on me les contraignît de se soumettre à un régime semblable à celui de Pannonie. 5. Alexandre, néanmoins, me fit aucune attention à leurs plaintes ; loin de là, entre autres marques de distinction, il me désigna pour être consul une seconde fois avec lui, et se chargea lui-même de la dépense qu'occasionnait cette charge. Mais l'irritation des prétoriens. lui fit craindre qu'en me voyant revêtu des insignes de cette dignité, ils ne me tuassent, et il m'ordonna de passer, hors de Rome, dans quelque endroit de l'Italie, le temps de mon consulat. C'est ainsi que je vins plus tard le trouver à Rome et en Campanie, et qu'après être resté quelques jours auprès de lui et m'être montré en toute sûreté devant les soldats, j'obtins la permission de retourner dans mes foyers, à cause d'un mal de pieds ; de sorte que le reste de mon existence s'écoula dans ma patrie, comme me I'avait clairement annoncé la divinité, lorsque j'étais déjà en Bithynie. Un songe, en effet, sembla m'ordonner d'écrire ces vers à la fin de cette histoire : Jupiter déroba Hector aux traits, à la poussière, au carnage, au sang et au tumulte des combats.