[33,0] LIVRE XXXIII (fragments). [33,1] {Excerpt. Photii, p. 525-526}. — Les Lusitaniens, manquant de chef habile, étaient d'abord facilement vaincus par les Romains; mais, ayant ensuite Viriathe à leur tête, ils firent beaucoup de mal aux Romains. Viriathe était un de ces Lusitaniens qui habitent le littoral de l'Océan; pâtre et habitué dès son enfance à vivre dans les montagnes, il était doué d'une grande force physique ; il surpassait de beaucoup les Ibériens par sa vigueur et l'agilité de ses membres; il était habitué à ne prendre que peu de nourriture, à faire beaucoup d'exercice, et à ne dormir que le temps nécessaire au sommeil. Il ne portait constamment que des armes de fer, se battait contre les bêtes féroces et les brigands; enfin, il fut nommé chef des Lusitaniens, et réunit bientôt autour de lui une troupe de bandits. Il fit de grands progrès dans l'art militaire et fut admiré non seulement pour sa force, mais encore pour son habileté stratégique. Il était juste dans la distribution du butin, et récompensait chacun selon ses mérites. Enfin, il parvint à un tel degré de puissance, qu'il se déclara, non plus chef de bandits, mais souverain. Il fit la guerre aux Romains, remporta la victoire dans plusieurs combats, battit le général romain Vitellius avec son armée, le fit prisonnier, le tua avec son glaive, et eut beaucoup d'autres succès, jusqu'à ce qu'enfin Fabius fut désigné pour le combattre. A dater de ce moment, Viriathe commença à décliner. Mais bientôt il reprit courage, l'emporta sur Fabius, et le força à conclure un traité indigne des Romains. Mais Cépion, envoyé contre Viriathe, annula ce traité ; il battit Viriathe dans plusieurs rencontres, le réduisit à la dernière extrémité, l'obligea à demander une trêve, et le fit assassiner par ses domestiques. Le général romain frappa de terreur Tautamus, successeur de Viriathe, ainsi que ses partisans, leur imposa un traité, et leur donna un territoire et une ville, où ils devaient s'établir. [33,2] {Excerpt. de Virt. et Vit., p. 592-593}. — Viriathe, chef de brigands, Lusitanien, était juste dans la répartition des dépouilles ; il récompensait chacun selon son mérite, et ne s'adjugeait aucune portion des biens communs. Aussi les Lusitaniens lui étaient-ils très dévoués ; ils l'honoraient comme leur bienfaiteur et sauveur. [33,3] Plautius, préteur romain, avait mal gouverné sa province ; il fut condamné par un jugement du peuple pour avoir avili le nom romain, et fut exilé de Rome. [33,4] En Syrie, le roi Alexandre {Bala}, qui était incapable par sa faiblesse de porter le fardeau de la royauté, donna le gouvernement d'Antioche à Hiérax et à Diodote. [33,5] Ayant affaibli le royaume d'Égypte et se voyant le seul rejeton de sa race, il se crut débarrassé de tout danger : il ne chercha plus, comme ses prédécesseurs, à se rendre agréable au peuple, devint de plus en plus tyrannique, et poussa enfin la cruauté et la perversité jusqu'à l'excès. En cela, il suivait non seulement ses penchants naturels, mais encore les conseils de celui auquel il avait confié le gouvernement de ses États. Ce ministre (Lasthène), homme sans religion et sans conscience, était l'instigateur de tous les crimes, et poussait le jeune prince aux actions les plus coupables. Ainsi, il fit d'abord infliger des supplices cruels à ceux qui, pendant la guerre, n'avaient pas embrassé son parti. Ensuite, comme les habitants d'Antioche voulaient trop se familiariser avec lui, il rassembla des troubles étrangères et ôta aux habitants leurs armes : ceux qui refusaient de les rendre furent en partie tués dans leur résistance, en partie égorgés avec leurs enfants et leurs femmes dans leurs propres maisons. Comme il en résulta de grands troubles, il mit le feu à la plus grande partie de la ville. Un grand nombre de chefs d'insurrection furent mis à mort, et leurs biens confisqués au profit du trésor royal. Ceux que la crainte ou la haine avait exilés de la patrie erraient en grand nombre dans toute la Syrie, en attendant une occasion favorable pour attaquer le roi. Cependant Démétrius, leur ennemi, ne cessait pas d'égorger les habitants, de les condamner à l'exil, et de leur enlever leurs biens ; enfin, il surpassa de beaucoup son père en cruauté, et pourtant ce dernier, loin de se conduire en roi clément, avait imposé à ses sujets le joug le plus dur. Aussi les rois de cette race furent-ils odieux par leurs crimes, tandis que ceux de l'autre branche étaient aimés pour leur douceur. De là aussi ces luttes de famille et ces guerres continuelles que les Syriens se livraient entre eux, au sujet des princes des deux branches. Car le peuple, séduit par les promesses des rois qui voulaient reprendre le sceptre, était toujours prêt à changer de parti. [33,6] {Excerpt. de Légat., p. 628}. — Les habitants d'Arados jugèrent le moment favorable pour détruire la ville de Marathos. Ils envoyèrent donc secrètement des émissaires auprès d'Ammonius, gouverneur du royaume, pour l'engager à leur livrer Marathos pour trois cents talents. Ammonius détacha Isidore, en apparence pour les besoins du service, mais en réalité pour prendre la ville et la livrer aux Aradiens. Les Marathiens, ignorant que leur perte était résolue, mais voyant les Aradiens en faveur auprès du roi, ne voulurent pas admettre dans leur ville les troupes royales, et se déclarèrent les suppliants des Arcadiens. Ils chargèrent donc immédiatement dix des citoyens les plus distingués de partir pour Arados, revêtus du costume des suppliants, et emportant les plus anciennes images de la ville ; ils croyaient ainsi toucher leurs voisins, qui avaient la même origine qu'eux, et détourner la colère des Aradiens par le culte des dieux. D'après les ordres reçus, les envoyés débarqués se présentèrent en suppliants devant le peuple ; mais les Aradiens, dans leur orgueil, foulèrent aux pieds les droits communs, des suppliants, et ne tinrent aucun compte ni de la parenté ni de la religion : ils brisèrent insolemment les images des dieux, marchèrent dessus, et assaillirent les députés à coups de pierres. Enfin, quelques amis parvinrent à arrêter la fureur du peuple, et ordonnèrent de conduire les envoyés en prison. [33,7] {Excerpt. de Virt. et Vit., p. 593-594}. — Les Aradiens, dominés par leur ressentiment, outragèrent les envoyés de Marathiens, pendant que ces malheureux invoquaient le droit sacré des suppliants et l'inviolabilité de leur caractère. Les jeunes gens les plus audacieux, transportés de colère, les tuèrent à coups de flèches. Ceux qui avaient accompli ce meurtre sacrilège accoururent dans l'assemblée, et ajoutèrent encore à leurs crimes en méditant contre les Marathiens un attentat impie ; ils enlevèrent les anneaux qu'ils portaient aux doigts, et s'en servirent pour envoyer aux Marathiens une lettre supposée écrite par leurs députés ; cette lettre portait que les Aradiens allaient envoyer un corps d'auxiliaires, de telle façon que les Marathiens, convaincus d'avoir véritablement affaire à une troupe d'auxiliaires, l'admirent dans leur ville. Cependant, cette tentative criminelle ne réussit pas : un homme pieux et juste eut pitié de ceux qui devaient subir un sort si malheureux. Les Aradiens avaient enlevé toutes les barques, afin que personne ne pût aller dénoncer leur perfide dessein, lorsqu'un pécheur, ami des Marathiens, occupé à son métier dans un canal des environs, et privé de sa barque, qu'on lui avait ôtée, traversa, pendant la nuit, le bras de mer à la nage, franchit hardiment une distance de huit stades, et dévoila aux Marathiens. le complot des Aradiens. Instruits par des espions que leur plan était découvert, les Aradiens renoncèrent à leur perfide entreprise. [33,8] Ptolémée {Physcon}, frère de Ptolémée Philométor, débuta dans l'administration de son royaume en commettant de grands crimes. Il fit périr cruellement et injustement beaucoup d'hommes, faussement accusés d'avoir voulu attenter à sa vie : sous divers prétextes, fondés sur de fausses délations, il en condamna plusieurs autres à l'exil et confisqua leurs biens. Ces actes excitèrent contre lui l'indignation et la haine de ses sujets. Il régna néanmoins quinze ans. [33,9] Viriathe, appuyé sur sa lance, contempla, non pas avec admiration ni surprise, mais avec un air de mépris, le grand nombre de coupes d'or et d'argent, ainsi que les étoffes riches et variées qu'on avait exposées le jour de ses noces. Il parla de beaucoup de choses avec un sens pratique ; il laissa entendre, dans une de ses réponses, que l'ingratitude ne manquait pas de prétextes, et qu'il était insensé de se glorifier des dons de la fortune inconstante ; enfin, que toutes ces grandes richesses de son beau-père étaient à la disposition de celui qui avait une lance ; que ce dernier devait plutôt des remerciements à lui, qui était le maître de tout. Viriathe ne se mit ni au bain ni à table ; on lui apporta une table couverte de mets; il prit les pains et les viandes, et les distribua à sa suite ; il ne prit lui-même que fort peu de nourriture, et fit amener la jeune mariée. Après avoir fait les sacrifices en usage chez les Ibériens, il fit monter la jeune épouse sur une jument, et la conduisit aussitôt dans les montagnes. Viriathe pensait que la plus grande richesse consiste à être content de ce qu'on a, que la patrie est dans la liberté, et la possession la plus sûre dans le courage. Cet homme montrait beaucoup d'esprit dans ses entretiens ; car il était simple, naturel et sans fard. [33,10] {Excerpt. Vatican., p. 97-98}. — Aux noces de Viriathe, on avait exposé beaucoup de richesses. Après y avoir jeté ses regards, Viriathe demanda à Astolpas : « Comment les Romains en voyant tant de richesses étalées dans les festins, se sont-ils abstenus de s'en emparer quand ils en avaient le pouvoir? » Astolpas répondit que beaucoup de Romains les avaient vues, mais qu'aucun n'avait songé à les prendre ni à les demander : « Pourquoi donc alors as-tu abandonné ceux qui te laissaient jouir de tes biens tranquillement pour t'allier avec moi, homme obscur et sauvage? » — Viriathe était spirituel dans ses entretiens, et cependant il n'avait eu pour maître que la nature. Les habitants de Tycca se déclaraient, dans leur inconstance, tantôt pour les Romains, tantôt pour Viriathe, et comme ils continuaient ce manège, Viriathe railla leur inconstance et leur défaut de jugement, en leur récitant une fable : « Un homme, leur dit-il, d'un âge moyen, avait épousé deux femmes; la plus jeune, voulant que son mari fût du même âge qu'elle, lui arrachait les cheveux blancs, tandis que la plus âgée lui arrachait les cheveux noirs; et enfin, grâce à ces deux femmes, il eut bientôt la tête toute chauve. Un sort semblable est réservé aux habitants de Tycca : les Romains tuent leurs ennemis ; les Lusitaniens les leurs, et votre ville sera bientôt déserte. » On rapporte encore beaucoup d'autres bons mots de cet homme, qui n'avait pas fait d'études et qui n'avait d'autre éducation que celle du sens commun. Un homme qui vit selon les principes de la nature a la parole concise et affermie par l'exercice de la vertu. — Une sentence brève et simple s'appelle apophtegme, relativement à celui qui parle, et sentence mémorable relativement à celui qui l'entend. [33,11] Quand on est faible dans une humble condition, on se contente de peu et on aime la justice, tandis, que la richesse a pour compagnes l'avarice et l'injustice. [33,12] {Excerpt. de Virt. et Vit., p. 594}. — Pendant son séjour à Laodicée, Démétrius passait son temps dans les plaisirs et les banquets ; il continua la même conduite criminelle, et il ne fut point instruit par ses malheurs. Les Cnossiens aspiraient au premier rang : ils y prétendaient tant à cause de l'ancienne splendeur de leur ville qu'à cause de la renommée de leurs ancêtres dans des temps héroïques. Selon leurs traditions, Jupiter avait été élevé chez eux, et Minos, le Cnossien, maître de la mer, avait été instruit par Jupiter, et surpassait de beaucoup en vertu les autres mortels. [33,13] {Excerpt. Vatican, p. 96}. — D'après la tradition, Agamemnon avait maudit les guerriers qui étaient restés en Crète. De là vient un ancien proverbe en usage chez les Crétois, lorsqu'on parle d'un malheur récent : « Hélas ! c'est vous, Pergamiens, qui avez attiré sur nous ce malheur. » [33,14] {Excerpt. de Virt. et Vit., p. 514-516}. — En Égypte, Ptolémée devint odieux au peuple par sa cruauté et son injustice envers les magistrats. Sa conduite ne pouvait soutenir aucun parallèle avec celle de Ptolémée Philométor : celui-ci était doux et clément, celui-là cruel et sanguinaire. Aussi le peuple n'attendait-il qu'un moment favorable pour s'insurger. [33,15] Ptolémée (Physcon), selon les lois des Égyptiens, s'était installé dans la résidence royale de Memphis. Ce roi eut un fils de sa femme Cléopâtre. Rempli de joie, il donna à ce fils le nom de Memphitès, parce que l'enfant était venu au monde au moment où le roi accomplissait un sacrifice dans la ville de Memphis. Pendant les fêtes qu'il donnait à l'occasion de la naissance de son fils, Ptolémée, ne démentant pas ses habitudes sanguinaires, ordonna de mettre à mort les Cyrénéens qu'il avait ramenés en Égypte, et qui étaient accusés de s'exprimer avec trop de franchise sur le compte de sa concubine Irène. [33,16] Diégylis, roi des Thraces, à peine monté sur le trône, se laissa aveugler par ses succès inattendus : il traita ses amis et ses alliés non comme des sujets, mais comme des esclaves achetés à prix d'argent ou comme des prisonniers de guerre; enfin il se conduisit en despote cruel. Il fit mourir dans les tortures un grand nombre de braves citoyens thraces, il en outragea beaucoup d'autres et leur infligea les plus cruels tourments. Rien ne lui était sacré, ni la beauté de la femme ou de l'enfant, ni les richesses d'autrui ; mais il remplit ses trésors de butin. Il ravagea les villes grecques du voisinage, et emmena les habitants captifs; il outragea les uns et infligea aux autres des supplices atroces. Il se rendit maître de la ville de Lysimachie, soumise au pouvoir d'Attalus : il incendia la ville, choisit parmi les prisonniers les plus considérables et leur infligea les genres de supplices les plus inouïs. Il coupa aux enfants les mains, les pieds et la tête, et les fit attacher et porter au cou des parents; il ordonna que les maris et les femmes fissent un échange de leurs membres coupés ; quelques-uns de ceux auxquels il avait fait couper les mains furent disséqués le long du dos, et les lambeaux de chair promenés sur des piques. Enfin, ce roi surpassa en cruauté Phalaris et Apollodore, tyrans des Cassandriens. En passant sous silence les autres détails, nous allons rapporter un fait qui montre toute la cruauté sanguinaire de Diégylis. Pendant qu'il célébrait ses noces, selon les anciennes coutumes des Thraces, il fit enlever, au milieu de la route, deux jeunes Grecs, sujets du roi Attalus; c'étaient deux frères d'une rare beauté: l'un avait le menton recouvert du premier duvet, l'autre était presque du même âge. Ils furent tous deux introduits, parés comme des victimes; il fit étendre le plus jeune par ses satellites, et le coupa par le milieu du corps, s'exclamant que les rois ne doivent pas sacrifier comme de simples particuliers. Comme l'aîné, qui aimait beaucoup son frère, pleurait à ce triste spectacle et qu'il se jetait sur le fer du bourreau, Diégylis ordonna à ses satellites de l'étendre de même. Par un raffinement de cruauté, il le divisa d'un seul coup de part en part, aux grands applaudissements des spectateurs. Ce roi commit beaucoup d'autres monstruosités. [33,17] Attalus, informé que Diégylis s'était rendu odieux à ses sujets par son avarice et son extrême cruauté, affecta une conduite tout opposée : il renvoya généreusement les prisonniers thraces et fit proclamer partout sa mansuétude. Diégylis infligea les supplices les plus outrageants aux otages de ceux qui avaient quitté le pays {pour se retirer auprès d'Attalus}; quelques-uns de ces otages n'étaient que des enfants très faibles, tant pour leur âge que pour leur nature. Les uns eurent le corps divisé par morceaux, les autres eurent la tête, les mains et les pieds coupés ; d'autres enfin furent attachés à des poteaux ou suspendus à des arbres. Beaucoup de femmes, avant de subir la peine de mort, furent exposées, les vêtements retroussés, aux outrages grossiers des Barbares, dont quelques-uns commettaient ces outrages, sans honte, aux yeux du public. Quelques-uns cependant, doués de sentiments humains, eurent pitié des malheureux. [33,18] {Excerpt. de Légat, p. 629-630}. — Les Numantins et les Termessiens avaient envoyé des députés à Rome pour traiter de la paix. Les Romains la leur accordèrent aux conditions suivantes : « Chacune des deux villes livrera aux Romains trois cents otages, neuf mille saies, trois mille peaux, huit cents chevaux de guerre et toutes les armes ; à ces conditions, les Numantins et les Termessiens seront reconnus amis et alliés de Rome, » Au jour fixé, les deux villes allèrent remplir les clauses du traité. Mais, lorsqu'à la fin il fallut rendre les armes, un noble regret et l'amour de la liberté s'emparèrent des habitants. Ils se lamentaient entre eux et se demandaient s'il fallait, comme des femmes, se débarrasser de leurs armes; puis, saisis de repentir, ils se reprochaient réciproquement la conclusion du traité : les pères en voulaient aux fils, les enfants aux parents, et les femmes aux maris. Enfin, revenus à leur ancienne énergie, ils refusèrent de rendre les armes et recommencèrent la guerre contre les Romains. [33,19] Tryphon, devenu roi, de simple particulier qu'il était, voulut se faire confirmer dans sa royauté par un décret du sénat. Il fit donc fabriquer une statue de la Victoire, en or, du poids de dix mille pièces d'or, et envoya des députés à Rome pour l'offrir au peuple. Car il se flattait que, tant par intérêt que comme un heureux présage, les Romains accepteraient la statue et lui donneraient le titre de roi ; mais il trouva que le sénat était bien plus fin que lui et que ce fut lui plutôt qui en était la dupe. En effet, le sénat accepta la statue, tant par intérêt que comme un don de bon augure; mais il l'accepta, non pas au nom de Tryphon, mais au nom du roi (Antiochus) qu'il avait assassiné. Par cette conduite, il montra son horreur pour le meurtre du jeune roi, et refusa d'accepter un don offert par des mains impies. [33,20] Les députés de Rome, dont le chef était Scipion l'Africain, arrivèrent à Alexandrie pour visiter tout le royaume. Ptolémée les accueillit avec une grande pompe, prépara de magnifiques festins, et leur montra lui-même son palais et ses trésors. Les envoyés romains, distingués par leur vertu, ne touchèrent qui un petit nombre de mets sains, et méprisèrent le luxe comme corrompant l'âme et le corps. A peine jetèrent-ils un regard sur les richesses auxquelles le roi attachait tant de prix; mais ils examinèrent avec soin la situation de la ville, l'importance et les particularités du phare. Ils remontèrent ensuite le Nil jusqu'à Memphis, et admirèrent la fécondité du sol, l'utilité des inondations du Nil, le nombre des villes, leurs innombrables habitants, l'assiette forte de l'Égypte, et les immenses avantages du pays, bien situé pour fortifier et agrandir un empire. Enfin, après avoir vu avec surprise combien l'Égypte était peuplée et bien située, ils furent convaincus que ce pays pourrait devenir un très grand empire sous des rois dignes d'un tel royaume. Après avoir visité l'Égypte, les députés s'embarquèrent pour l'île de Cypre, et passèrent de là en Syrie. Ils parcoururent ainsi la plupart des contrées de la terre, et, en raison de leur réputation de sagesse, ils reçurent partout le meilleur accueil, et retournèrent chez eux comblés de bénédictions. Car, dans leur voyage, ils s'étaient chargés de la décision des procès ; ils avaient réconcilié les uns avec leurs adversaires, appuyé le droit des autres, obligé les turbulents d'obéir à la force, et renvoyé au sénat les affaires les plus difficiles à décider. S'étant mis en rapport avec les rois et les peuples, ils renouèrent les anciens liens d'amitié, et, pour gagner encore dans leur estime, ils en avaient augmenté la puissance ; tous, très satisfaits, envoyèrent des députations à Rome pour faire l'éloge de Scipion, et féliciter le sénat d'avoir envoyé, dans les provinces, de tels émissaires. [33,21] {Excerpt. de Virt et Vit, p. 596, 597}. — Pendant que Pompée assiégeait la ville appelée Lagni, les Numantins, pour venir au secours de leurs compatriotes, envoyèrent de nuit quatre cents soldats. Les assiégés les reçurent avec des transports de joie, les saluèrent comme leurs sauveurs, et les honorèrent de présents. Mais, peu de jours après, les habitants, frappés de terreur, offrirent de rendre leur ville, à la condition d'avoir la vie sauve. Pompée répondit qu'il ne consentirait à aucun accommodement, à moins qu'on ne lui eût livrée auparavant leurs alliés. Les assiégés hésitèrent d'abord à trahir leurs bienfaiteurs; mais, comme le danger pressait, ils envoyèrent des parlementaires pour déclarer qu'ils étaient prêts à racheter leur salut par la perte de leurs alliés. Lorsque ces derniers apprirent ce dessein, qui avait été d'abord tenu secret, ils recoururent à la force ; ils profitèrent de la nuit pour attaquer les habitants, et en firent un grand carnage. En entendant ce tumulte, Pompée fit appliquer les échelles contre le mur, et s'empara de la ville. Il fit mettre à mort toute la noblesse, et renvoya sains et saufs les alliés, au nombre de deux cents ; car il était touché de pitié pour le courage de ces malheureux, qui devaient être sacrifiés par l'ingratitude ; en même temps il voulait, par ce bienfait, inspirer aux Numantins de l'affection pour les Romains. Enfin, il rasa la ville. [33,22] Le roi Arsace, grâce à sa clémence et son humanité, s'attira les biens de la fortune, et augmenta son empire : il en recula les limites jusqu'à l'Inde, et régna tranquillement sur le pays jadis soumis à Porus. Malgré l'immense pouvoir auquel il était parvenu, il n'était ni luxurieux ni insolent, comme cela arrive d'ordinaire à la plupart des souverains ; mais il était aussi doux envers ses sujets qu'il était courageux en face de ses adversaires. Enfin, après avoir soumis beaucoup de nations, il enseigna aux Parthes les meilleures institutions qu'il eût observées. [33,23] {Excerpt Vatican., p. 98à. — Le consul Popilius, sollicité par Viriathe de lui accorder un entretien, résolut de dicter le traité article par article, de crainte qu'en indiquant ces articles à la fois, il ne poussât Viriarthe au désespoir et à une guerre à outrance. [33,24] {Excerpt de Virt. et Vit., p. 597, 598}.—Le corps de Viriarthe reçut de magnifiques funérailles : pour honorer le courage de cet homme célèbre, ils (les Lusitaniens) ordonnèrent sur son tombeau un combat de deux cents paires de gladiateurs. Car, de l'aveu de tout le monde, c'était l'homme le plus brave dans les dangers, le général le plus prévoyant, et, ce qui plus est, pendant toute la durée de son commandement, il fut on ne peut plus aimé de ses soldats. Dans la répartition du butin, il ne s'attribuait jamais aucune part injuste ; et la part qui lui revenait, il l'employait à récompenser les soldats de mérite et à soulager les pauvres ; il était sobre, dormait peu, supportait tout genre de travail et de péril, et ne se laissait pas subjuguer par les plaisirs. Voici les preuves évidentes de ses vertus : il avait été, pendant onze ans, le chef des Lusitaniens; jamais, pendant ce temps, les troupes ne se sont révoltées et n'ont presque jamais été vaincues. Sa mort mit un terme à la considération des Lusitaniens, privés d'un si grand chef. [33,25] Ptolémée {était devenu odieux} par sa cruauté, ses meurtres, ses débauches, et l'ignoble épaisseur de son corps, qui lui avait valu le surnom de Physcon. Mais le général Hiérax, homme fort instruit dans l'art militaire, très éloquent dans les assemblées populaires, conserva le royaume de Ptolémée. Ce roi manquait d'argent, et les troupes allaient passer dans le parti de Galaestès, lorsque Hiérax les solda avec l'argent de sa propre cassette, et apaisa la rébellion. — Les Égyptiens méprisèrent complètement Ptolémée en le voyant se conduire comme un enfant dans les assemblées, livré aux plus honteuses débauches et énervé par l'intempérance. [33,26] {Excerpt. Vatican., p. 99}. — La ville appelée Contubris envoya des députés chargés d'ordonner aux Romains de quitter immédiatement le territoire de Contubris, ou de s'attendre à quelque catastrophe : car tous ceux qui avaient osé envahir cette contrée avec une armée ennemie avaient péri. Le consul répondit aux envoyés : « Les Lusitaniens et les Celtibériens ont le verbe haut et beaucoup d'ambition ; mais les Romains savent châtier les coupables et mépriser les menaces. Il vaut mieux montrer son courage par l'action que par la menace, et les Lusitaniens l'apprendront à leurs dépens. » Il pensa qu'il valait mieux mourir glorieusement en combattant que de rendre ses armes et subir le plus honteux esclavage. [33,27] Junius exhorta ses soldats : « II faut maintenant, plus que jamais, faire preuve de courage, et se montrer dignes des victoires précédentes ; l'âme doit résister aux fatigues et l'intelligence fortifier la faiblesse du corps. La vengeance implacable avec laquelle les Romains poursuivent les ennemis est universellement connue, de même que leur extrême clémence envers ceux qui se soumettent. » [33,28] {Excerpt. de Virt. et Vit., p. 598}. — Le consul Émilius, en raison de son extrême obésité et des difficultés qu'il avait à se mouvoir, était impropre au service militaire.