Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu'à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux. Le temps aux plus belles choses Se plaît à faire un affront, Et saura faner vos roses Comme il a ridé mon front. Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits On m'a vu ce que vous êtes; Vous serez ce que je suis. Cependant j'ai quelques charmes Qui sont assez éclatants Pour n'avoir pas trop d'alarmes De ces ravages du temps. Vous en avez qu'on adore; Mais ceux que vous méprisez Pourraient bien durer encore Quand ceux-là seront usés. Ils pourront sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux, Et dans mille ans faire croire Ce qu'il me plaira de vous. Chez cette race nouvelle, Où j'aurai quelque crédit, Vous ne passerez pour belle Qu'autant que je l'aurai dit. Pensez-y, belle marquise. Quoiqu'un grison fasse effroi, Il vaut bien qu'on le courtise Quand il est fait comme moi.