LECTURE : Francis BACON (1561-1626) : un exemple de parabole : la curiosité inutile. PARABOLA. 4. Sed et cunctis sermonibus, qui dicuntur, ne accommodes auras tuam, ne forte audias seruum tuum maledicentem tibi. EXPLICATIO. Vix credi possit, uitam quantum perturbet inutilis curiositas circa illas res quae nostra intersunt : nimirum, quando secreta illa rimari satagimus quae detecta et inuenta aegritudinem quidem animo inferant, ad consilia autem expedienda nihil iuuent. Primo enim sequitur animi uexatio et inquietudo, cum humana omnia perfidiae et ingratitudinis plena sint. Adeo ut, si comparari possit speculum aliquod magicum, in quo odia et quaecunque contra nos ullibi commouentur intueri possemus, melius nobis foret si protinus proiiceretur et collideretur. Huiusmodi enim res ueluti foliorum murmura sunt, et breui euanescunt. Secundo, curiositas illa animum suspicionibus nimiis onerat, quod consiliis inimicissimum est eaque reddit inconstantia et complicata. Tertio, eadem male ipsa saepissime figit, alias praeteruolatura. Graue enim est conscientias hominum irritare; qui, si latere se putent, facile mutantur in melius ; sin deprehensos se sentiant, malum malo pellunt. Merito igitur summae prudentiae tribuebatur Pompeio Magno, quod Sertorii chartas uniuersas, nec a se perlectas nec aliis permissas, igni protinus dedisset. PARABOLE. 4. Garde toi de prêter l'oreille à tous lespropos qu'on peut tenir, de peur d'entendre ton serviteur disant du mal de toi. {Proverbes, XXIX, 9} EXPLICATION. Il est incroyable combien cette inutile curiosité et cette excessive envie de savoir ce qu'on pense de nous, répand d'amertume sur notre vie; je veux dire, quand nous allons épiant tous ces secrets, dont la découverte ne fait que nous affliger, et n'avance point du tout nos affaires. Car, en premier lieu, tout ce que nous y gagnons, c'est de l'inquiétude et du chagrin, tout en ce monde n'étant qu'ingratitude et perfidie. En sorte que si l'on pouvait faire acquisition d'une sorte de miroir magique, où l'on vit nettement toutes les haines dont on est l'objet, et tout ce qu'on machine contre nous, le mieux serait de le jeter ou de le briser ; car il en est de tous ces propos comme du murmure des feuilles, ils s'évanouissent bientôt. En second lieu, cette curiosité nous rend excessivement soupçonneux. Or, rien n'est plus préjudiciable à nos desseins ; cette défiance les compliquant excessivement, et y jetant de l'irrésolution. En troisième lieu, cette curiosité fixe le mal même, qui, sans cela, n'eût fait que passer; car il est dangereux d'exciter le dépit des hommes qui se sentent coupables ; tant qu'ils s'imaginent qu'on ne les voit pas, il est aisé de les ramener; mais une fois qu'ils se voient démasqués, ils s'en vengent en faisant encore pis. Ainsi, c'est avec raison qu'on a regardé comme un trait de souveraine prudence le parti que prit Pompée de jeter au feu tous les papiers de Sertorius,sans les avoir lus lui-même, et sans avoir permis à qui que ce soit de les lire. {Cfr. Plutarque, Vie de Pompée, ch. 20 et Vie de Sertorius, ch. 27}