de, et qu'après l'avoir maintenue quel- que temps dans cette situation, on la lais- * aller; choisirait-elle, pour retourner à la situation désirée, le côté oriental, ou le côté occidental (i)? L'or s'imbibe d'ara eut vif, lorsque ce dernier métal est en contact avec le premier. Je demande si l'or happe le vif-argent et le reçoit dans ses pores, sans augmenter de vo- lume , et de manière qu'il en résulte une certaine nouvelle espèce de corps plus massif et plus pesant que l'or même. De même on aide la mémoire, en pla- çant des images de personnes dans des lieux déterminés : obtiendroit-on le mè- me effet en laissant de côté les lieux, et se contentant d'attacher les images des actions et des attitudes aux images de ces personnes mômes? Mais c'est as- sez parlé de la prolongation de l'expé- rience. La translation do l'expérience petit avoir lieu de trois manières : soit de la nature ou du hazard dans l'art; soit d'un art, ou d'une pratique dans un au- tre art, ou dans une autre pratiques soit enfin de telle partie d'un certain art, dans une partie dpprente de ce mena art. Or, les exemples de la translation de la nature, ou du hazard, dans l'art, sont innombrables. Ensorte que presque tous les arts méchaniques n'ont eu que de bien faibles commencemens, dus à la nature ou au hasard. Un ancien proverbe disoit ; raisin contre raisin mdrit plutôt i et c'est ce qu'on a souvent appliqué aux services et aux offices mutuels de l'ami- tié. C'est aussi ce que, chez nous, ceux qui font le cidre ( espèce de vin de pom- mes), savent très bien imiter. Car ils ont soin, avant de piler les pommes, ou de les mettre au pressoir, de les tenir en tas pendant quelque temps, afin qu'elles mû- rissent mieux par leur contact mutuel; ce qui corrige l'excessive acidité de cette boisson. De mème c'est à l'imitation de ces fris naturels produits par un nua- ge chargé de pluie, qu'on produit des iris artificiels, par l'aspersion d'une as- sez grande quantité d'eau réduite en pe- tites gouttes. De mémo l'art des distilla- tions a pu tirer son origine de l'obser- vation de la région supérieure; je veux dire, des pluies, ou de la rosée, ou de cette expérience bannale des gouttes d'eau quis'attachentaux plats qu'on pose sur l'ouverture d'une marmite remplie d'eau bouillante. Mais qui eût osé entre- prendre d'imiter la foudre et les éclairs, si le couvercle de ce Moine chymiste, lancé en l'air avec tant de violence et de fiacas, n'en eût donné la première idée? Or, plus les exemples en ce genre sont nombreux, moins il est besoin d'en allé- guer. Mais, pour peu que les hommes eussent été jaloux de faire (les recher- ches vraiment utiles, ils noroient dû s'at- tacher à observer les opérations et les procédés de la nature ; les considérer fin à un, dans le plus grand détail et à des- sein; puis méditer sur tout cela, y pen- ser et repenser sans cesse, afin de voir ce qu'on pourroit transporter de là dans les arts : car la natuwu est le miroir de l'art. Quant aux expériences qui pour- raient être transportées d'un art à un autre art, ou d'une pratique à une au- tre pratique, elles ne sont pas en moin- dre nombre, quoique cette translation ne soit guère en usage. La nature est toujours sous la main; au lieu que les procédés de chaque art ne sont guère connus que de ceux qui l'exercent. On a inventé les lunettes, pour aider les vues (bibles ; ne pourroit-on pas ima- giner quelque instrument qui, appliqué aux oreilles des personnes' un peu sour- des , les aidiit de mémo et entendre? De même l'on conserve les cadavres en les embaumant, ou en les enduisant de miel; ne pourroit-on pas transporter dans la médecine une partie de ce procédé, et le rendre utile aussi aux corps vivans? L'usage de graver différentes figures dans la cire , le ciment ou le plomb , est Ibn ancien; et c'est ce qui a conduit à l'idée d'imprimer sur le papier , c'est-à- d ire à 1'arttypographique. ])e méme aussi le sel, dans l'art de la cuisine, sert à assaisonner la viande.; et cela mieux l'hiver que l'été : ne pourrait - on pas transporter utilement cette pratique aux bains, pour fixer ou changer au besoin. leur température ? De melne encore le sel, clans cette expérience qu'on a faite dernièrement sur les congélations arti- fie/elles, a une très grande force con- densative; ne pourrait-on pas appliquer cela à la condensation- des métaux.; at- tendu qu'on sait depuis long-temps que les eaux fortes extraites de certains sels, précipitent les petites particules d'or que recèlent certains métau xmoins denses que l'or marne? Do même enfin la peinture re- nouvelle la mémoire d'un oGjet, par le moyen de son image; n'a-t-on pas trans- porté cela dans cet art auquel on donne le nom de mémoire artificielle? Nous donnerons à ce sujet un avertissement général, c'est que rien ne seroit plus ca- pable de produire une sorte de pluie d'inventions utiles, et qui plus est, neu- ves et comme envoyées du ciel, que de faire des dispositions telles que les ex- périences d'un grand nombre d'arts vins- sentrà la connoissance d'un seul homme, ou d'un petit nombre d'hommes qui, par leurs entretiens, s'exciteroient mutuelle- ment et se donneroient des idées; afin qu'à l'aide de cette expérience guidée, dont nous parlons ici, les arts pussent se fomenter et, pour ainsi dire, s'allumer réciproquement, par le mélange de leurs rayons. Car, bien que cette méthode rtt, tionelle qui procède par le nouvel orga- ne, promette de plus grandes choses; ce. pendant, ù l'aide de cette sagacité qui s'exerce par le moyen de l'expérience guidée, on pourroit saisir une infinité de choses qui se trouveroient plus à por- tée, pour les jeter au genre humain, à peu près comme ces présens de toute es- pèce que, chez lesanciens , on jetoit à la multitude. Reste à parler (le cette trans- lation d'une partie d'un art dans une autre partie; laquelle diffère peu de la translation d'art en art. Mais, comme certains arts occupent de si grands es- paces, qu'ils peuvent se prêter à cette translation des expériences, mème dans leurs limites, c'est une raison qui nous a déterminés à parler aussi de cette espèce de translation; et cela d'autant plus, qu'il est des arts oû elle est de la plus grande importance. Par exemple , rien ne contribueroit plus àenrichir l'art de la médecine, que de transporter les ex- périences de cette partie qui traite de la cure des maladies, dans ces autres par- ties qui ont pour objet la conservation de la santé et la prolongation de la vie. Car, s'il existoit quelque opiate assez puissant pour réprimer cette violente in- flammation des esprits qui a lieu dans une maladie pestilentielle, qui doute qu'une substance de cette espèce à dose convenable et devenue familière, ne pût réprimer et retarder, jusqu'à un certain point, cette autre inflammation qui croit insensiblement, qui semble venir pas à pas, et qui est le simple effet de l'âge ? mais en voilà assez sur la translation- des expériences. Le renversement de l'expérience a lien lorsqu'un fait étant constaté par l'expé- rience, on éprouve aussi le contraire. Par exemple, les miroirs augmentent l'in- tensité de la chaleur; mais augmentent- ils aussi l'intensité du froid? De 'Mme la chaleur, en se répandant en toutsens, se porte toutefois plus volontiers de bas en haut. Le fivid, en se répandant, se porte-t-il de préférence vers le bas? Par exemple, prenez unevereedéf r, chauf- fez-la il l'une de ses extrémités; puis re- dressez cette verge, en plaesanten bas la partie chauffée ; cela posé , si voua ap- prochez la main de la partie supérieure, vous vous brillerez aussi-tôt. Mais, . si vous placez en haut la partie chauffée, et la main en bas, vous ne vous brûle- rez pas si promptement. Actuellement supposons qu'on chauffe toute la verge, et qu'on plonge l'une de ses extrémités dans la neige , ou qu'on la mouille avec une éponge trempée dans l'eau froide : je demande si la neige ou l'éponge étant placée en haut, le froid se portera plus 'lite vers le bas, qu'il ne se fût porté vers le haut, si le corps réfroidissant eût été placéen bas. De même les rayonsdusoleil se réfléchissent sur le Malte et s'éparpil- lent; au lieu qu'ils se rassemblent sur. le noir. Il faut voir si de même les ombres se dispersent sur un corps noir, et se rassemblent sur un corps blanc. Et c'est, comme nous le voyons, eoqui arrive dans une cbarn bre obscure , où l'on fait entrer la lumière par un trou fort petit, et où les images des objets extérieurs viennent se peindre sur un papier blanc, et nul- lement sur un papier noir; de mAme on ouvre la veine du _front pour adoucirles douleurs de la migraine; ne pourroit- on pas scarifier aussi tout un côté du crible , pour adoucir une douleur qui oc- cupe toute la téte ? Voilà ce que nous avions à dire sur le renversement de l'ex- périence. La compulsion de l'expérience a lieu, lorsqu'on pousse l'expérience jusqu'au point d'anéantir ou de faire disparottre totalement la vertu. Car, dans les autres espèces de chasses , on se contente de prendre la hôte; mais dans celle-ci, on la tue. Voici un exemple de compulsion. L'aimant attire lefer: tourmentez donc l'aimant; tourmentez aussi le fer, de ma- nière qu'enfin il n'y ait plus d'attraction. Voyez , par exemple, si l'aimant étant brûlé et macéré dans les eaux-fortes, il se dépouille totalement de sa vertu , ou en perd la plus grande partie. Voyez aq contraire si le fer, converti en safran de mars, ou en cette substance connue sous le nom d'acierprepari; ou enfin dissous dans l'eau-forte, serait encore attiré par l'aimant. De plus, l'aimant attire le fer à travers tous les milieux que nous con- noissons, soit qu'on interpose de l'or, de l'argent, du verre : cherchez, cher- chez bien, jusqu'à ce que vous ayez trou- vé quelque milieu qui intercepte sa ver- tu, si toutefois il en est de tels. Éprou- vez le mercure ; éprouvez l'huile , les gommes , le charbon ardent, et toutes les autres substances qui n'ont point en- core subi cette épreuve. De même on a invénté, dans ces derniers temps, cer- tains instrumens d'optique, qui ampli- fient prodigieusement les plus petits ob- jets visibles ; poussez - en l'usage aussi loin qu'il peut aller, en les appliquant, d'un côté , à des objets si petits , qu'ils ne puissent plus servir à les rendre visi- bles; et de l'autre, à des objets si grands, que les images paraissent confuses (s ). Pourront-ils servir d appercevoir, dans l'urine, des molécules que , sans ce se- cours, on n'y et jamais apperçues? Pour- ront-ils rendre visibles, dans les diamans qui paroissent bien nets et d'une belle eau, les bulles ou les petites tacites; et faire voir, sous un volume sensible, les petits grains de cette poussière qui vol- tige au soleil, et qu'on objectoit si mal- t-propos a Démocrite, en prétendant que c'étoient là ses atomes et les prin- cipes des choses? Pourroient-ils f'aire voir assez distinctement les parties d'une pous- siéro quelque peu grossière , et compo- sée de cinnabre et de céruse, au point qu'on distinguàt ici un grain rouge , là un grain blanc; amplifier les grandes images, comme celle du nez, de l'oeil , autant à proportion qu'ils amplifient les petites, comme celle d'une puce, d'un ver- inisseau ; faire paroitre un tissu de lin , ou toute autre espèce de toile très fine ; niais un peu claire ; la faire paro?tre , dis-je, si remplie de trous, qu'elle ait l'air d'un filet. Au reste , nous ne nous arrêtons pas à ces compulsions d'expé- riences, parce qu'elles sont presque hors des limites de l'expérience guidée, et se rapportent plutôt aux causes, aux axiâ- mes et au nouvel mette; car par-tout où l'on peut établir une négative, une privative, ou une exclusive, on com- mence déja sl voir jour à la découverte des formes. En voilà assez sur les com- pulsions des expériences. L'application d'une expérience n'en est qu'une ingénieuse traduction , par laquelle on la transporte à quelque chose d'utile (1). En voici un exemple : chu- que corps a son volume et son poids clé- terminés: l'or a plus de poids et moins de volume que l'argent. Il en est de même do l'eau par rapport au vin. Uri tire ilo là cette expérience utile, qui consiste a emplir successivement et exactement de difiëren tes matières , une certah le mesure déterminée , et à les peser avec la manie exactitude. Par ce moyen, l'on sait com- bien il y a eu d'argent maté avec l'or, ou d'eau mêlée avec le vin , et qui fût précisément l'^.r=« (je l'ai trouvé) d'Ar- chimède (t ). De même les chairs se pu- tre ent plus vite dams certains garde- mangers que dans d'autres. Il seroit utile de tirer de cette expérience un moyen pour discerner les différentes espèces d'air, plus ou moins salubres, afin d'ha- biter de préférence les lieux où les chairs son t plus long-temps préservées de la pu- tréfaction. Une autre application qu'on en pourroit tirer, ce seroit de distinguer les temps de l'année , plus salubres ou plus pestilentiels ; mais il est une infi- nité d'applications de cette espèce faciles à faire , pourvu que les hommes s'éveil- lent et tournent leurs regards, tantôt vers la nature des choses, tantôt vers l'utilité de leurs semblables. Mais en voilà assez sur l'applicatioades expériences. La copulation de l'e.rpetrience est cette liaison et cet enchaînement d'applica- tions qui a lieu , lorsque ,telle choses qui seules ne seroient pas utiles, orles rend telles en les réunissant. Par exemple, vou- lez- vous avoir des !oses ou desfruits tar- difs, vous parviendrez à ce but,enarra- chant les boutons les plus précoces ; vous obtiendrez le même effet en mettant les racines à nud, et les laissant exposées à l'air, jusqu'à coque le printemps soit fort avancé; mais plus sàrement encore eu réunissant ces deux moyens. De moine 1a glace et le nitre ont, au plus haut degré, la propriété de réfiroidir., et. mieux en- core , lorsqu'ils sont Mêlés ensemble ; mais c'est un point dont. personne ne doute. Il pourroit cependant se glisser ici quelque. erreur, comme dans toutes les ex- périences où l'on n'est point guidé par la lumièredesaxiômes; par exemple, si l'on coinbinoit ensemble de ces substances qui agissent de manières très différentes , et qui semblent même se. combattre (1). Restent donc les hazards de l'expe- rience : Qr4 cette:uuinière do faire des tentativema quelque, chose de déraison- nable et de fou; car , quoi de plus fou , x la première vue , que de tenter une expérience, non parce quo la raison , ou quelque autre fait vous y a conduit, mais seulement parce que rien de sem- blable n'a jamais été tenté. Il se pour- roit pourtant que , sous cette extrava- gance mémo , se cachût je ne sais quoi de vraiment grand; je veux dire, si l'on avoit le courage de remuer , pour ainsi dire , tontes les pierres dans la nature ; car tous les grands secrets de la nature sont hors des sentiers battus et de la sphère de nos connoissances. Mais si la raison présidait à de tels essais , c'est-à- dire, que si, tout en s'assurant que rien do semblable n'a jamais été tenté , on avoit pourtant quelque raison puissante pour essayer , alors ces tentatives har- dies auroient de grands avantages, et pourroient fi-rcer la nature à révéler son secret. Par exemple, lorsque lefeu exerce son action sur quelque corps naturel, il arrive toujours l'une de ces deux choses: ou une partie do la substance s'exhale (comme la flamme ou la fumée, dans la combustion ordinaire), ou il se fut une séparation locale de parties qui se por- tent à une certaine distance , comme dans les distillations où les parties fixes se déposent ; les vapeurs, après avoir joué quelque temps, allant enfin se rassem- bler dans les récipiens. Quant à la distil- lation dans les vaisseaux clos (1) (car tel est le nom que nous pouvons lui don- ner) , c'est cc qu'aucun mortel n'a en- core tenté. Or, il est vraisemblable que si la chaleur, une ibis emprisonnée dans les limites d'un corps , était à taLtme d'e- xercer toute sa force altérante, et de jouer tout son jeu, comme alors il n'y auroit aucune déperdition de substance, aucun dégagement de parties volatiles, alors enfin tenant ce protée de la matière pour ainsi dire encha'lné, garotté, on le forcerait à se transformer d'une infinité de manières: pourvu toutefois qu'on eût soin de tempérer la chaleur, en l'aug- mentant et l'afYoiblissant tour-à - tour, pour prévenir la rupture des vaisseaux; car ce serait lei une sorte de matrice sem- blable aux matrices naturelles, oà la chaleur exercerait son action sans émis- sion ni séparation de substance , si ce n'est que clans la matrice animale il y a de plus l'alimentation ; mais quant ù la transformation, il paraît que c'est a peu près la même chose (i). Tels sont donc les hazards de l'expérience. Au reste, il est encore, au sujet de cette sorte d'ex- périences, un avertissement à donner; c'est qu'il ne faut pas, pour quelque ten- tative où l'on aura échoué, se découra- ger tout-à-fhit, et perdre, pour ainsi dire, la tête. Les succès, il est vrai, sont plus flatteurs , on s'y coinplalt davan- tage; mais la plupart des tentatives, pour être malheureuses, n'en sont pas moins instructives; et ce qu'il ne faut jamais perdre de vue, et que nous nous effor- çons perpétuellement d'inculquer, c'est qu'il faut s'attacher bien plus aux expé- riences lumineuses qu'aux expériences fructueuses. Voilà donc ce que nous avions à dire sur l'expérience guidée , laquelle , comme nous l'avons déja fait entendre, est plutbt une sorte de saga- cité, do flair de chien de chasse, qu'un véritable science. Nous ne dirons rien pour le moment du nouvel organe, et notre dessein n'est pas d'en donner ici un avant-goût; car ce sujet étant sans cor~treditcequ'il yacle llIS grand en plhi- losoplhic, nous nous proposons, moyen- nant la faveur divine , de composer sur cette matière un ouvrage complet.