diverses sur la nature de lame, tombe sur certain musicien (i) , qui décidoit hardiment que l'aine étoit une harmonie, et dit plaisamment : celui-ci ne s'est pas éloigné de son art. C'est sur ce genre d'erreurs qu'Aristote fait cette remarque si judicieuse et si conforme à ce que nous disons ici : ceux qui voient peu (a) sentier: décisifs. Une autre erreur encore , c'est cette impatience qui, en rendant incapable de supporter le doute, fait qu'on se bitte de décider, au lieu de suspendre son juge- ment, comme il est nécessaire et aussi long-temps qu'il le faut. Car les deux routes de la contemplation ne diffèrent point des deux routes de l'action dont les anciens ont tant parlé: routes dont l'une, disoient-ils, unie et facile au corurnen.: cernent, devient, sur la fin, tout-à-lait impraticable; et l'autre, rude et scabreuse a l'entrée, est, pour peu qu'on y pénè- tre, tout -à-fait libre et applanie. C'est ainsi que, dans la contemplation, si l'un veut commencer par la certitude, on finira par le doute : au lieu que, si, com- mençant par le doute, on a la patience de l'endurer quelque temps, on finira par la certitude. Une erreur toute semblable se montre dans la manière de transmettre les scien- ces; manière qui le plus souvent, au lieu d'être franche et aisée, est impérieuse et magistrale; enfin plus faite pour coin- mander la foi , que pour se soumettre elle-rnértne à l'examen. Je ne disconvien- drai pas que, dans les traités sommaires et consacrés à la pratique, on ne puisse retenir cette forme de style; mais, datte des traités complets sur les sciences, mon sentiment est qu'il faut éviter également les deux extr@mes; savoir, celui de l'épi- curien Veléius, qui ne craint rien tant que de paroftre clouter de quelque chose; ainsi que celui de Socrate et de l'acadé- mie, qui laissoient tout dans le doute. Il vaut mieux ne se piquer que d'une cer- taine candeur et exposer les choses avec plus ou moins de contention, selon que, par le poids des raisons mômes, elles sont plus ou moins fortement prouvées. II est d'autres erreurs qui se rapportent aux différons buts que les hommes se proposent; car les plus ardcns coryphées des lettres doivent avoir pour principal but d'ajouter quelque découverte impor- tante d l'art qu'ils professent. Ceux dont nous parlons ici, contons des seconds rô- les, ne briguent que la réputation de sub- til interprète, d'antagoniste véhément et nerveux, ou d'abbréviateur méthodique; conduite dont l'effet est tout au plus d'augmenter les revenus et le produit des sciences, sans que le patrimoine et le fonds prenne d'accroissement. Mais de toutes les erreurs la plus gran- de , c'est cette déviation par laquelle on s'éloigne de la fin dernière des sciences. Car les hommes qui appètent la science; sont déterminés par difli: reps motifs. Chez les uns, c'est une certaine curiosité na- tive et inquiette:.les autres n'y cherchent qu'un passe-temps et qu'un amusement. D'autres veulent se faire, par ce moyen, une certaine réputation; d'autres encore, ne voulant que s'escrimer, y voient un moyen pour avoir tou jours l'avantage dans la dispute : la plupart n'ont en vue que le lucre, et n'y voient qu'un moyen pour gagner leur vie. Il en est peu qui pensent à employer pour sa véritable fin, la raison dont les a doués la divinité pour l'utilité du genre humain. Voilà leurs dilîérens motifs. Sans doute, comme s'il ne s'agissoit, en acquérant la science, que d'y trouver, ou un lit de repos pour assoupir leur génie bouillant et inquiet; ou encore un portique où l'on pût se promener librement et vaguer au gré de ses désirs ; ou une tour élevée , d'où l'aine ambitieuse et superbe pût abaisser des regards dédaigneux ; ou même une citadelle , un fort pour combattre sans risques tout ce qui se présente; on enfin une boutique destinée au gain et au com- merce; et non un arsenal bien fourni, un riche trésor consacré à la glôire de l'auteur de toutes choses et à l'adoucis- sement de la condition humaine. Car s'il existoit un moyen de mettre la science en honneur et de l'élever dans l'opinion des hommes , ce seroit sans contredit d'u- nir, par un lien plus étroit qu'on ne l'a fait jusqu'ici, la contemplation et l'ac- tion : genre de conjonction qui seroit tout-à-fait semblable à celle qui a lieu entre les deux planètes supérieures, lors- que Saturne , qui préside au repos et à la contemplation; conspire avec Jupiter qui préside à la pratique et à l'action. Ce- pendant, par ce que je dis ici de la pra- tique et de l'action , je n'entends nulle- ment cette doctrine dont on fait une sorte de métier lucratif (1); car je n'ignore pus combien cela ,mine nuit au progrés et à l'accroissement de la science. Il en est d'un but de cette espèce comme de la, pomme d'or jutée devant les yeux d'Ata- lante; car, tandis qu'elle se baisse pour la ramasser, elle cesse de courir ; et, comme dit le poëte : Elle se détourne de son chemin pour enlever cet or qui roule devant elle. Mon dessein n'est pas non plus d'imiter Socrate, en évoquant du ciel la philosophie, et la forçant à demeurer sur la terre; je veux dire, d'ex- clure la physique , pour ne mettre en honneur que la morale et la politique. Mais, de même que le ciel et la terre conspirent et sont si parfaitement d'ac- cord , pour conserver la vie des hom- mes et augmenter leur bien-être ; la fin de cette double philosophie doit être de ne penser, en rejetant et les vaines spé- culations , et tout ce qui se présente de frivole et de stérile, qu'à conserver tout ce qui se trouve de solide et de fructueux ; par ce moyen , la science ne sera plus une sorte de courtisane , instrument de volupté ; ni une espèce de servante, instrument de gain; mais une sorte d'épouse légitime , destinée à don- ner des enfans, t procurer des avantagea réels, et des plaisirs honnêtes. Je crois désormais avoir assez bien montré, et, en quelque manière, anato- ncisé la totalité, ou du moins les princi- pales de ces humeurs vicieuses qui n'ont pas seulement fait ebatacle au progrès des lettres, mais qui ont de plus donné prise sur elles aux détracteurs. Que si, en fui- sant cette anatomie, j'ai tranché dansle vif, on doit se souvenir que les blessures d'un ami sont des preuves de fidélité, et que les baisers d'un ennemi sont des trahisons. Quoi qu'il en soit , je crois avoir du moins gagné un point , c'est de mériter d'en être cru sur l'éloge qui va suivre , ayant usé d'une si grande li- berté dans la censure qui a précédé. Ce- pendant je n'ai point du tout le projet de composer le panégyrique des lettres, et de chanter un hymne én l'honneurdes muses, quoiqu'il y ait déja long-temps qu'on n'a célébré leur fête comme elle aurait dtt l'âtre : mon dessein est seule- ment de faire connottre le vrai poids des sciences comparées aux autres choses, et de déterminer leur véritable prix; et cela sans ornements superflus, sans hy- perboles, mais seulement d'après les té. moignages divins et humains. Ainsi, en premier lieu, cherchons la dignité des sciences dans l'archétype ou l'original; c'est-à-dire dans les attributs et les actes de Dieu même; en tant que l'homme les connaît par révélation, et que , sous la condition d'une certaine réserve , ils peuvent âtre le sujet de nos recherches. Sur quoi j'observerai que ce mot de doctrine n'est point du tout le terme propre. Car, toute doctrine pro- prement dite est acquise; au lieu qu'en Dieu, toute connoissance est non ac- quise, mais originelle. Cherchons donc un autre nom .. je trouve celui dosa- gesse, qui est indiqué par l'écriture elle- même. Voici quelle est l'idée qu'on doit s'en former: nous voyons clans les oeuvres de la création, deux émanations de la vertu divine, dont l'une se rapporte à la puis• sauce; et l'autre, à la sagesse. La pre- mière se manifeste principalement dans la création de la masse de la matière; et la seconde, dans la beauté de la forme qui lui a été donnée. Cela posé, ilfaut ob- server que, dans l'histoire de la création, noies ne voyons rien qui nous empoche de penser que la masse du ciel et de la terre fut d'abord confuse, et que la ma- tière fut créée dans un seul instant. Au lieu que six jours furent employés à la disposer et à l'ordonner; tant est visible et manifeste le soin avec lequel Dieu a distingué les oeuvres de sa puissance de celles de sa sagesse. A quoi it faut ajouter que, par rapport à la création de la ma- tière , l'histoire sainte ne fait nullement entendre que Dieu ait dit : que le ciel et la terre soient faits;.comme il est dit des oeuvres suivantes; mais qu'il est dit d'une manière nue et simplement histori+ que Dieu créa le ciel et la terrer en- sorto que la matidre semble avoir été com- me laite . la main; et que le discours qui exprime l'introduction de la forme, ale style d'une loi, ou d'un décret (t).