[4,0] LIVRE IV. [4,1] CHAPITRE PREMIER. (308a) § 1. Il faut voir maintenant ce que c'est que la pesanteur et la légèreté des corps, quelle est la nature particulière de chacune, et à quelle cause on doit rapporter les forces qui les distinguent. § 2. En effet, la théorie destinée à les expliquer est une partie essentielle des recherches sur le mouvement, puisque nous disons d'un corps qu'il est pesant, ou léger, selon que ce corps peut se mouvoir naturellement de telle ou telle façon. On n'a pas donné de noms spéciaux aux phénomènes que produisent la pesanteur et la légèreté, à moins qu'on ne prenne le mot de direction ou tendance naturelle pour une expression de ce genre. (308b) Mais comme l'étude de la nature s'applique au mouvement, et que la pesanteur et la légèreté renferment, en elles-mêmes, comme les étincelles et le foyer du mouvement, tout le monde est habitué à parler des forces de l'une et de l'autre. Mais on ne s'est guère occupé de les définir, sauf quelques rares philosophes. Ainsi donc, après avoir apprécié d'abord ce que les autres en ont dit et après avoir discuté toutes les questions qu'il est indispensable de résoudre dans cette étude, nous exposerons aussi ce que nous pensons nous-mêmes sur ce sujet. § 3. La pesanteur et la légèreté peuvent s'entendre tantôt d'une manière absolue, et tantôt d'une manière relative et par comparaison d'un corps avec un autre corps; et c'est ainsi que, parmi les choses qui ont toutes de la pesanteur, nous disons que l'une est plus légère, et l'autre plus lourde ; par exemple, que l'airain est plus lourd que le bois. Les anciens n' ont rien dit de la pesanteur et de la légèreté prises au sens absolu ; ils n'ont parlé que du sens relatif; car ils n'ont pas dit ce que sont en soi le pesant et le léger ; mais ils ont simplement étudié ce qui est plus lourd et ce qui est plus léger, parmi les choses qui ont de la pesanteur. § 4. Ce qui pourra nous rendre la question plus claire, c'est de reconnaître qu'il y a des choses qui, naturellement, s'éloignent toujours du centre, et d'autres qui, non moins naturellement, sont toujours portées vers le centre. Je dis donc que ce qui est emporté loin du centre est porté en haut, et que ce qui est emporté vers le centre est porté en bas; car il est absurde de nier qu'il y ait dans le ciel un haut et un bas, ainsi que quelques philosophes croient pouvoir le faire. Il n'y a, disent-ils, ni haut ni bas, puisque l'on est partout sur le globe dans la même position, et qu'on est de tous côtés son propre antipode, et qu'on va partout à sa propre rencontre. § 5. Quant à nous, nous entendons par le haut, l'extrémité de l'univers, point qui en effet est bien en haut par sa position, et qui par sa nature est le premier.. Mais s'il y a une extrémité et, un milieu du ciel, il est évident qu'il y aura aussi un haut et un bas, comme le dit le vulgaire, sans savoir d'ailleurs bien exactement ce qu'il dit. La cause« de cette opinion du vulgaire, c'est qu'il pense que le ciel n'est pas pareil de tous côtés, et que l'hémisphère qui est audessus de nous est le seul et unique. Mais en se disant en outre que cet hémisphère aussi est circulaire, et que le centre est dans un même rapport avec le tout, on arrivera à comprendre que l'un est le haut et que le centre est le bas. § 6. Ainsi donc, nous disons qu'un corps est léger d'une manière absolue, quand il est porté en haut et vers l'extrémité; et nous disons qu'il est absolument lourd, quand il va en bas, c'est-à-dire, vers le centre. Nous appelons relativement léger, et plus léger qu'un autre, celui de deux corps pesants qui, à masse égale, est naturellement emporté en bas avec plus de vitesse que l'autre. [4,2] CHAPITRE II. § 1. Parmi les philosophes qui ont essayé d'aborder avant nous cette étude, la plupart, pour ainsi dire, n'ont parlé des corps pesants (309a) et légers qu'en ce sens où, de deux corps pesants, l'un est plus léger que l'autre. Ils s'imaginent, après cette recherche, avoir étudié le pesant et le léger d'une manière absolue ; mais l'explication qu'ils donnent ne peut pas convenir à ces derniers phénomènes, comme on le verra à mesure que nous avancerons davantage dans cette discussion. § 2. En effet, les uns entendent qu'un corps est plus pesant et plus léger, en ce sens, qui est aussi le sens qu'on trouve dans le Timée, que le plus lourd est le corps qui, étant composé de parties identiques à celles d'un autre corps, a un plus grand nombre de ces parties ; et le plus léger, celui qui en a moins. Ainsi, un morceau de plomb est plus pesant qu'un autre, quand il en a une plus grande quantité; un airain est plus pesant qu'un autre airain, au même titre. Il en est ainsi pour chacune des choses qui sont de la même espèce, puisque, dans chaque espèce, c'est la chose qui contient le plus de parties égales qui est la plus pesante. C'est encore ainsi qu'on dit que le plomb est plus lourd que le bois, quand on admet que tous les corps sans exception sont composés de certains éléments, qui sont les mêmes, et qu'ils sont formés d'une seule et même matière, bien que cette identité ne soit pas apparente. § 3. Mais, dans ces définitions, il n'est pas du tout question de la pesanteur et de la légèreté prises absolument, bien que, dans l'état actuel des choses, le feu soit toujours léger et qu'il se porte en haut, tandis que la terre et tous les corps terrestres sont toujours portés en bas et vers le centre. Par conséquent, ce n'est pas à cause de la petitesse des triangles dont chaque corps est composé, comme le disent nos philosophes, que le feu se porte naturellement en haut ; car alors plus le feu serait en grande quantité, moins il aurait de mouvement ; et il serait d'autant plus pesant qu'il serait composé d'un plus grand nombre de triangles. Mais, dans l'ordre présent des phénomènes, il en est tout autrement; plus le feu est en masse considérable, plus il est léger ; et plus il se porte rapidement en haut ; et quand par hasard le mouvement du feu a lieu de haut en bas, une plus petite quantité est portée d'autant plus vite en bas ; et une plus grande, d'autant plus lentement. § 4. On peut ajouter une dernière remarque ; et la voici. Comme ils appellent plus léger le corps qui contient moins de parties homogènes, et plus pesant celui qui en a davantage ; et comme, pour eux, l'air, le feu, l'eau sont composés des mêmes triangles et ne diffèrent que par le plus et le moins grand nombre de ces triangles, il s'ensuit que, l'un étant plus léger et l'autre plus lourd, il pourra se faire qu'une certaine quantité d'air soit plus lourde que de l'eau. Or, il en est tout le contraire précisément; car plus l'air est en masse, plus il se porte en haut ; et en général une partie quelconque d'air se porte en haut, quand elle sort de l'eau. C'est donc ainsi que quelques philosophes ont parlé de la pesanteur et de la légèreté des corps. § 5. Mais il en est d'autres qui n'ont pas trouvé ces divisions suffisamment exactes ; et, quoique plus anciens par l'époque où ils ont vécu, ils ont dit cependant des choses beaucoup plus neuves sur le sujet qui nous occupe. Ainsi, l'on observe que certains corps ont un plus petit volume, et qu'ils sont néanmoins plus pesants que d'autres. Il est donc évident qu'il n'est plus possible de dire que les corps de poids égal sont composés d'éléments primitifs égaux ; car alors leur volume devrait être égal aussi. § 6. Quand on admet le système des surfaces, dont les corps pesants sont, dit-on, composés, il est absurde de croire que les surfaces soient les éléments primitifs et indivisibles des corps. Mais ceux qui admettent que les éléments primitifs sont solides peuvent dire, avec plus de raison, que le corps le plus grand est aussi le plus lourd. Cependant, comme il n'en est point absolument ainsi pour tous les composés, et que nous pouvons observer que beaucoup de corps plus pesants ont un volume plus petit, et par exemple l'airain comparé à la laine, il a fallu imaginer une explication différente, qu'ont donnée d'autres philosophes. § 7. Selon eux, le vide renfermé dans les corps est ce qui leur donne de la légèreté, et ce qui rend les plus grands parfois plus légers, parce qu'ils ont plus de vide; car c'est aussi pour cela que souvent les corps composés de solides en nombre égal, ou en nombre moindre, ont un volume plus grand. En un mot, la cause qui fait qu'un corps est plus léger, c'est, d'après eux, qu'il y a dans ce corps une plus grande quantité de vide. Telles sont donc leurs théories. (309b) § 8. Mais il faut ajouter nécessairement à ce système que non seulement le corps doit avoir plus de vide, du moment qu'il est plus léger, mais aussi que le solide doit y être en moindre quantité ; car si le solide l'emporte dans cette partie de la proportion, le corps cesse d'être plus léger. C'est là encore ce qui leur fait dire que, si le feu est le plus léger de tous les corps, c'est qu'il contient aussi le plus de vide. On en conclura donc que beaucoup d'or, s'il a plus de vide, sera plus léger qu'un peu de feu, si l'on oublie d'ajouter que l'or a aussi beaucoup plus de solide ; car c'est là la conclusion qu'il faudrait accepter. § 9. Quelques-uns des philosophes qui ont nié l'existence du vide, n'ont rien dit ni de la pesanteur ni de la légèreté; tels sont Anaxagore et Empédocle. D'autres qui en ont parlé, tout en niant le vide, n'ont pas expliqué pourquoi les corps sont absolument ou pesants ou légers, ni pourquoi les uns vont toujours en haut, et les autres toujours en bas. Ils n'ont pas expliqué non plus comment il se fait que certains corps d'un volume plus grand sont plus légers que d'autres corps d'un volume plus petit ; et l'on ne voit pas bien comment, d'après ce qu'ils ont dit, leurs théories pourraient jamais s'accorder avec les faits. § 10. Du reste, quand on attribue la légèreté du feu à la quantité de vide qu'il renferme, on retombe à peu près dans les mêmes difficultés ; car le feu aura bien à la fois, si l'on veut, moins de solide que les autres corps et plus de vide ; mais néanmoins il pourra toujours se trouver une certaine quantité de feu où le solide et le plein l'emporteront sur les solides contenus, par exemple, dans une petite quantité de terre. Mais même en admettant ici l'action du vide, comment expliqueront-ils la pesanteur absolue ? Le corps sera-t-il pesant, parce qu'il aura plus de solide, ou parce qu'il aura moins de vide ? S'ils admettent (310a) la première explication, on en conclura qu'il peut y avoir alors une quantité de terre tellement petite que le solide qui y sera compris, sera moindre qu'il ne serait dans une grande quantité de feu. De même encore, en expliquant les choses par le vide, on arrive à dire qu'il peut y avoir quelque chose de plus léger que le léger absolu, et que ce qui se porte toujours en bas peut être plus léger que ce qui se porte toujours en haut. Or, ceci est impossible ; car le corps qui est absolument léger est toujours plus léger que les corps qui ont un poids quelconque, et qui sont portés en bas. Mais un corps plus léger n'est pas toujours léger, puisque, même parmi les corps qui sont pesants, l'un est dit plus léger que l'autre; et par exemple, l'eau est plus légère que la terre. § 11. Cette difficulté même que nous venons de soulever ici, n'est pas résolue en disant que, dans les corps, le vide est en un certain rapport proportionnel avec le plein. On arriverait encore par cette même théorie à une impossibilité non moins évidente. En effet, dans une quantité de feu plus grande et dans une quantité moins grande, le rapport du solide au vide sera bien toujours le même; cependant une plus grande quantité de feu se porte avec plus de vitesse en haut qu'une quantité plus petite. Et de même, mais à l'inverse, une plus grande quantité d'or se porte toujours plus vite en bas, de même encore que le plomb et tous les corps qui ont de la pesanteur. Mais ce phénomène ne devrait pas se produire ainsi, du moment que l'on définit de cette manière le lourd et le léger. § 12. Il n'est pas moins absurde encore de croire que les corps soient portés en haut par l'action du vide, et que le vide lui-même n'y soit pas porté. Mais si le vide est naturellement porté en haut, et si le plein est porté en bas, et que ce soit là la cause du mouvement de tous les autres corps dans l'un ou l'autre sens, il n'y aurait plus besoin de rechercher pourquoi, parmi les corps composés, les uns sont pesants, et les autres légers. Mais il n' y aurait plus qu'à expliquer seulement, pour le vide et pour le plein, pourquoi l'un est léger, et l'autre a de la pesanteur. §13. Il faudrait dire aussi quelle est la cause qui fait que le plein et le vide ne se séparent pas l'un de l'autre. Il n'est pas moins absurde de faire une place spéciale au vide, comme si le vide lui-même n'en était pas une d'un certain genre. Mais si l'on accorde que le vide est en mouvement, il faut bien qu'il y ait dans ses déplacements un lieu d'où il parte, et un lieu vers lequel il se dirige. D'un autre côté, quelle est avec cette théorie la cause du mouvement? Ce n'est certes pas le vide, puisqu'il n'est pas le seul à se mouvoir, et que le solide se meut aussi bien que lui. § 14. On retombe d'ailleurs ici dans les mêmes difficultés que quand on essaie d'expliquer ces phénomènes d'une autre manière, et qu'on dit que les corps sont plus lourds ou plus légers les uns que les autres, à cause de leur grandeur et de leur petitesse, et qu'on en donne telle autre théorie quelconque, où l'on n'attribue qu'une seule et même matière à tous les corps, ou bien où on leur attribue plusieurs matières qui seraient contraires entre-elles. En effet, s'il n'y en a qu'une seule, il n'y aura dès lors pas plus de lourd ni de léger absolus dans cette théorie que dans le système de ceux qui expliquent la composition des corps par les triangles. Si la matière des corps est contraire, (310b) comme le prétendent ceux qui admettent le plein et le vide, il n'y aura plus moyen d'expliquer, pour les éléments qui sont intermédiaires entre les éléments absolument lourds et -les éléments absolument légers, comment il se peut qu'ils soient plus légers ou plus lourds les uns que les autres, et que les corps simples. § 15. Se borner à définir la pesanteur et la légèreté des corps par la grandeur et la petitesse, c'est encore plus illusoire que tout ce qui précède. Ce qu'il y a de plus sûr, dans la difficile question que l'on discute ici, c'est de constater qu'on peut reconnaître la différence qui distingue chacun des quatre éléments. Mais admettre une seule et même nature pour tous les corps, qui ne différeraient plus que par leur grandeur, cela revient nécessairement au même que de n'admettre qu'une seule matière. Dès lors, il n'y a plus de corps qui soit absolument léger, il n'y a plus de corps qui se porte en haut; mais il y a seulement un corps qui se meut plus lentement, ou qui est comprimé et lancé par d'autres. Enfin un grand nombre de petites choses accumulées peuvent alors devenir plus pesantes qu'un petit nombre de grandes. Or, si cela est, il en résulte que beaucoup d'air et beaucoup de feu pourront être plus pesants que de l'eau et de la terre en petite quantité. Mais c'est là une chose qui est tout à fait impossible. En résumé, voilà tout ce qu'ont dit nos devanciers ; et l'aspect sous lequel ils ont étudié les choses. [4,3] CHAPITRE III. § 1. Quant à nous, nous rechercherons d'abord, en nous attachant à la question qui est pour quelques philosophes la plus embarrassante, pourquoi, parmi les corps, les uns se portent toujours naturellement en haut et les autres en bas, et pourquoi d'autres se portent en haut et en bas tour à tour. Nous parlerons ensuite de la pesanteur et de la légèreté, et nous expliquerons la cause de tous les phénomènes qui se rapportent à ces deux propriétés des corps. § 2. D'abord, il faut admettre que ce qui se passe pour les autres générations des choses et pour les autres mouvements, se passe aussi quand chaque corps est porté dans le lieu qui lui est propre. Ainsi, l'on sait qu'il y a trois mouvements divers : l'un en grandeur, l'autre en qualité, et le troisième dans l'espace ou le lieu. Or, nous voyons que, pour chacun de ces mouvements, le changement se produit en allant des contraires aux contraires et aux intermédiaires, et qu'il n'y a jamais indifféremment un changement fortuit d'un objet quelconque en un objet quelconque. Il n'y a pas non plus de moteur qui, fortuitement et au hasard, puisse communiquer le mouvement au premier corps venu. Mais, de même que le corps qui s'altère par une simple modification de qualité, et que le corps qui s'accroît, sont des corps différents, de même aussi ce qui cause l'altération n'est pas la même chose que ce qui cause l'accroissement. C'est encore de la même manière qu'il faut comprendre le rapport du moteur dans l'espace à l'objet mu dans l'espace, et ils ne sont pas non plus dans un pur rapport de hasard l'un à l'égard de l'autre. Ainsi, la cause qui détermine le mouvement en haut et en bas, est également celle qui produit la pesanteur et la légèreté des corps. Dans ce cas, le mobile qui est mu est ce qui est lourd et léger en simple puissance. Or, quand on dit qu'un corps est porté dans son lieu propre, cela revient à dire qu'il est porté à la perfection de sa propre forme ; (311a) et c'est en ce sens qu'il faut plus particulièrement entendre ce que disaient les anciens, à savoir que le semblable est porté vers le semblable. Mais ce phénomène ne se produit pas toujours et absolument; et si l'on déplaçait la terre et qu'on la mît là où est maintenant la lune, chacune des parties qui composent la terre ne se porterait pas vers la lune, mais elles se porteraient là où elles se portent maintenant. Il faut donc nécessairement que ce soit le même mouvement qui produise cet effet, pour tous les objets qui sont pareils et qui n'offrent pas de différence entr' eux, de telle sorte que, là où se porte une simple partie d'un corps par les lois de la nature, là aussi se porte le corps tout entier. § 3. Mais comme le lieu des corps est la limite du contenant, et que l'extrémité et le centre embrassent et contiennent tous les corps qui se meuvent, soit en haut soit en bas, il en résulte en quelque sorte que c'est là la forme du contenu, et que se porter vers son lieu spécial, c'est, pour un corps, se porter vers le semblable, puisque les substances qui se suivent mutuellement entr'elles, sont semblables les unes aux autres, et qu'ainsi l'eau est semblable à l'air, et celui-ci semblable au feu. On peut admettre cette réciprocité à l'inverse pour les corps intermédiaires, mais non plus pour les extrêmes : par exemple, l'air est analogue à l'eau, et l'eau est analogue à la terre ; car le corps qui est supérieur à un autre est toujours, par rapport au corps qui vient inférieurement au-dessous de lui, comme la forme est à la matière. § 4. Mais chercher pourquoi le feu se porte en haut et la terre en bas, cela revient tout à fait à chercher pourquoi un corps qui se guérit de la maladie, quand il éprouve un certain mouvement et un certain changement, en tant que susceptible de se guérir, revient à la santé et non pas à la blancheur. On en peut dire autant pour toutes les choses qui souffrent une altération quelconque. De même aussi, le corps qui s'accroît, quand il change en tant que susceptible d'accroissement, ne gagne pas la santé, mais bien un simple développement de grandeur. Ainsi donc, de même que chacune de ces choses éprouvent un changement, l'une en qualité, l'autre en quantité, de même aussi dans l'espace les corps légers vont en haut et les corps pesants vont en bas. La seule différence qu'on puisse signaler ici, c'est que, parmi les corps, les uns paraissent avoir en eux-mêmes le principe du changement qu'ils éprouvent, et j'entends les corps qui sont pesants et légers, tandis que les autres corps n'ont pas ce principe intérieur et qu'ils obéissent à un principe qui est en dehors d'eux, comme on le voit pour le corps qui se guérit et pour le corps qui s'accroît et s'augmente. Parfois cependant, ces derniers corps aussi changent d'eux-mêmes et tout seuls ; et quoiqu'il n'y ait qu'un très petit mouvement dans les causes extérieures, l'un peut recouvrer la santé, et l'autre gagner de l'accroissement. Mais, tandis que le même corps qui peut, tout à la fois, être susceptible de guérison et susceptible de maladie, peut, s'il est mis en mouvement en tant que guérissable, aller à la santé, et s'il est mu en tant que susceptible de maladie, aller à la maladie, le grave et le léger paraissent davantage avoir en eux-mêmes le principe de leurs mouvements, parce que leur matière est rapprochée, autant que possible, de leur essence. La preuve, c'est que la chute est le mouvement naturel des corps libres et complets ; et que, sous le rapport de la génération, c'est le dernier de tous les mouvements. Par conséquent, ce mouvement doit être regardé comme le premier de tous sous le rapport de l'essence. (311b) § 5. Lors donc que de l'air se forme en venant de l'eau, et qu'un corps devient léger de pesant qu'il était, ce corps se porte en haut. Mais en ce même moment, il est léger ; donc il ne le devient pas, et il reste dans le lieu où il doit être. Ainsi, il est évident que le corps qui était en puissance et qui va vers sa réalisation parfaite ou son entéléchie, se rend avec la quantité et la qualité qu'il a, au lieu où cette entéléchie s'accomplit, avec la quantité, la qualité et le lieu qui lui appartiennent. C'est là aussi ce qui fait que les corps qui sont déjà ce qu'ils doivent être de toutes pièces, terre et feu, se dirigent vers le lieu qui leur est propre, si nul obstacle ne s'y oppose. C'est encore ainsi que la nutrition, quand le mal qui pourrait l'empêcher est écarté, et que le corps susceptible de guérir, quand ce qui s'oppose à la guérison n'existe plus, se portent vivement l'un et l'autre là où ils doivent se porter. Alors le mouvement vient, soit de ce qui a fait la chose dès l'origine, soit de ce qui a supprimé l'obstacle, soit de ce qui a fait rebondir le corps, ainsi qu'on l'a dit dans les études antérieures, où il a été démontré que, dans aucun de ces cas, le corps ne se meut réellement pas lui-même. § 6. On voit donc maintenant quelle est la cause qui fait que chacun des corps qui se meuvent peuvent se mouvoir, et ce que l'on doit entendre quand on dit qu'un corps se dirige et est porté dans le lieu qui lui appartient. [4,4] CHAPITRE IV. § 1. Expliquons maintenant les différences et les phénomènes que présentent ces propriétés des corps. Mais avant tout, définissons le corps absolument pesant, comme le définit tout le monde en disant que c'est celui qui reste au-dessous de tous les autres corps, et le corps absolument léger, en disant que c'est celui qui reste à la surface de tous les autres. Quand je dis, Absolument, c'est en regardant uniquement au genre des substances, et en ne voulant parler de que celles qui n'ont pas les deux propriétés à la fois. Ainsi, une quantité quelconque de feu se porte toujours au haut, ainsi qu'on peut l'observer, si rien n'y fait obstacle ; une quantité quelconque de terre se porte toujours en bas; et c'est encore de la même façon qu'une plus grande quantité de l'un ou de l'autre, se meut avec plus de vitesse. Dans un autre sens, qui n'a plus rien d'absolu, on entend par pesants et légers, des corps qui ont ces deux propriétés à la fois, et qui, comme l'air et l'eau, sont tantôt à la surface et tantôt au-dessous de certaines autres substances. § 2. Mais, absolument parlant, ni l'un ni l'autre de ces éléments n'est léger ni pesant. Tous les deux, en effet, sont plus légers que la terre, puisqu'une partie, quelle qu'elle soit, de ces corps reste toujours à la surface de la terre ; mais ils sont l'un et l'autre plus lourds que le feu, puisqu'une de leurs parties quelconque reste toujours au-dessous du feu. Mais comparés entr'eux, l'un est léger et l'autre est pesant; car l'air, quelle que soit sa quantité, reste à la surface de l'eau ; et l'eau, quelle que soit aussi sa quantité, reste au-dessous de l'air. § 3. Mais comme, même parmi le reste des corps, les uns ont de la pesanteur, et les autres de la légèreté, il est évident que la cause qui agit sur eux tous, c'est la différence que présentent les corps non-composés ; car selon que les corps auront plus ou moins de ces éléments, les uns seront légers, et les autres seront pesants. Il faut donc d'abord étudier la nature de ces éléments primitifs; car tout le reste n'est qu'une conséquence des premiers principes ; et c'est là précisément, avons-nous dit, ce qu'auraient dû faire ceux qui expliquent le pesant par le plein, et le léger par le vide. (312a) § 4. On peut remarquer que les mêmes corps ne paraissent pas partout pesants et légers, par suite de la différence seule des éléments primitifs qui les composent. Ainsi dans l'air, un morceau de bois qui pèse un talent, sera plus lourd qu'un morceau de plomb qui ne pèse qu'une mine; mais dans l'eau, il sera plus léger. La cause de cette variation, c'est que tout corps, excepté le feu, a de la pesanteur, et que tout corps, excepté la terre, a de la légèreté. Ainsi la terre même, et tous les corps qui, en majeure partie, sont de terre, doivent avoir nécessairement partout de la pesanteur. L'eau en a partout, excepté dans la terre ; l'air en a partout aussi excepté dans la terre et dans l'eau. § 5. C'est que tous les corps, quand ils sont en leur lieu propre, ont de la pesanteur, excepté le feu. L'air lui-même est pesant. La preuve c'est qu'une outre, quand elle est gonflée, a plus de poids que quand elle est vide, de telle sorte que, soit qu'elle ait alors plus d'air ou plus de terre et d'eau, elle peut être dans l'eau plus légère que telle autre substance ; mais dans l'air elle est plus lourde, puisqu'elle ne surnage pas à la surface de l'air et qu'elle surnage à la surface de l'eau. § 6. Voici ce qui prouve bien qu'il y a une pesanteur absolue, et une absolue légèreté. J'appelle absolument léger, le corps qui se dirige toujours en haut ; et absolument lourd, celui qui se dirige naturellement en bas, quand il n'y a aucun obstacle ; car il y a certaines choses de ce genre ; et tous les corps n'ont pas de poids, comme l'affirment certains philosophes. § 7. Il est vrai qu'en effet, il y a certains corps différents qui semblent n'avoir que de la pesanteur, et qui sont toujours portés vers le centre; mais il y a également des corps qui n'ont que de la légèreté; car nous voyons, ainsi qu'on l'a déjà dit auparavant, que les corps formés de terre restent toujours au-dessous de tous les autres, et qu'ils se portent sans cesse vers le centre ; or, le centre est limité. Si donc il y a un corps qui reste à la surface de tous les autres, comme semble y rester le feu, et qui soit porté en haut même dans l'air, l'air demeurant en repos, il est évident que ce corps se dirige et se porte vers l'extrémité. Par conséquent, il ne peut pas avoir de poids quelconque ; car alors il serait porté au-dessous de quelqu'autre corps. Mais si cela était, il faudrait alors qu'il y eût quelque autre corps qui, à la place de celui-là, serait porté vers l'extrémité, et qui serait capable de rester à la surface de tous les corps en mouvement. Or, on n'observe actuellement rien de semblable. Donc le feu n'a pas de pesanteur, ni la terre de légèreté, puisqu'elle est au-dessous de tous les corps, et que le corps inférieur à tous les autres est porté vers le centre. § 8. On peut se convaincre de bien des façons qu'il y a nécessairement un centre, où se dirigent les corps qui sont pesants, et d'où s'éloignent les corps légers. La première raison qui le prouve, c'est qu'aucun corps ne peut avoir un mouvement à l'infini ; car de même que rien de ce qui existe réellement, ne saurait être impossible, de même non plus l'impossible ne peut jamais se produire. Or, la direction et le mouvement d'un corps est un phénomène qui se produit d'un lieu vers un autre. Un second argument, c'est que le feu paraît se porter en haut suivant des angles égaux, et que la terre se porte de même en bas, ainsi que tous les corps pesants. Il faut donc nécessairement que ces corps se dirigent vers le centre. (312b) Quant à savoir si c'est vers le centre de la terre ou vers le centre du monde, qui se confondrait avec lui, qu'ils se dirigent, c'est une autre question. § 9. Puis donc que tout corps qui reste au-dessous des autres se porte vers le centre, il faut nécessairement aussi que le corps qui se tient à la surface de tous les autres corps, soit porté vers l'extrémité de la région dans laquelle ils font leurs mouvements ; car le centre est le contraire de l'extrémité, de même que le corps qui reste au-dessous des autres est le contraire de celui qui se tient à la surface. Voilà comment on peut fort bien concevoir que le pesant et le léger sont deux choses tout à fait distinctes; car les lieux qu'ils occupent sont deux aussi, à savoir, le centre et l'extrémité. Il y a de plus entr'eux quelque chose d'intermédiaire, qui peut être dit indifféremment l'un ou l'autre, relativement à tous deux ; car le lieu intermédiaire est en quelque sorte une extrémité et un centre à l'égard de tous les deux ; et c'est là ce qui fait qu'il y a en outre quelqu'autre chose de lourd et de léger, comme le sont l'eau et l'air. § 10. Nous disons que, le contenant se rapportant à la forme, et le contenu à la matière, cette même distinction se retrouve dans tous les genres de catégories, puisque, dans la qualité et dans la quantité, on peut regarder telle partie plutôt comme forme, et telle autre partie comme matière. De même aussi dans les rapports d'espace, le haut représente le défini et le limité, et le bas représente la matière. Par suite, on peut également distinguer, dans la matière même du pesant et du léger, une matière du pesant, en tant que le corps est pesant seulement en puissance, et une matière du léger en tant qu'il est en réalité effectivement léger. La matière alors est bien la même certainement; mais son mode d'existence n'est pas le même. C'est comme le corps qui est malade et le corps qui est sain sont bien le même corps ; mais la manière d'être n'est pas la même, et aussi n'este-ce pas du tout la même chose d'être malade ou d'être en santé. [4,5] CHAPITRE V. § 1. Ainsi donc, le corps qui a l'espèce de matière qui convient est léger ; et il est toujours porté en haut. Le corps qui a la matière contraire, est pesant, et il est porté toujours en bas. Mais il y a aussi le corps qui a des matières différentes de celles-là, et qui sont entr'elles dans le même rapport, c'est-à- dire absolument portées tantôt en haut et tantôt en bas. Voilà comment l'eau et l'air ont tous deux de la légèreté et de la pesanteur ; et comment l'eau, si l'on en excepte la terre, se tient au-dessous de tous les autres corps, et l'air, si l'on en excepte le feu, se tient à la surface de tous également. § 2. Mais comme il n'y a réellement qu'un seul corps qui soit à la surface de tous les autres, et un seul aussi qui se tienne au-dessous, il faut nécessairement qu'il y ait deux autres corps qui puissent être, et au-dessous d'un certain corps, et à la surface d'un certain autre corps. Par conséquent, il faut que les matières soient comme ces éléments eux-mêmes, au nombre de quatre, et qu'elles soient quatre en ce sens qu'il n'y a bien qu'une seule matière, commune à tous les corps sans exception; puisqu'après tout ils sortent les uns des autres, et que la manière d'être de cette matière soit seule différente. § 3. Rien n'empêche, en effet, que les contraires n'aient un ou plusieurs intermédiaires, (313a) comme on peut le remarquer pour les couleurs ; car l'intermédiaire et le milieu peuvent avoir une foule d'expressions et de nuances. Ainsi, chacun des corps qui ont pesanteur et légèreté a, dans son lieu propre, un certain poids, tandis que la terre a du poids dans tous les corps; et ils n'ont jamais de légèreté, si ce n'est dans les éléments à la surface desquels ils surnagent. Aussi quand on retire ce qui les soutient, ils descendent sur le champ dans l'espace inférieur et se portent en bas ; l'air, alors, vient à la place de l'eau, et l'eau, à la place de la terre. § 4. Mais le feu aurait beau disparaître, l'air ne monterait pas à la place du feu, si ce n'est par force, de même que l'eau est attirée en haut, quand la surface devient une, et qu'on l'attire en haut, par le mouvement qu'on lui imprime, plus vite qu'elle même ne se dirige en bas. L'eau ne viendra pas non plus davantage à la place de l'air, si ce n'est de la façon que nous venons d'indiquer. Mais la terre n'éprouve pas cet effet, parce que sa surface n'est point une; voilà pourquoi l'eau, quand on la fait chauffer dans un vase, se développe et s'échappe, et que la terre au contraire ne s'échappe pas. Mais de même que la terre ne va point en haut, le feu non plus ne va point en bas, si l'on retire l'air qui est dessous, parce que le feu n'a point de pesanteur, même quand il est en son lieu propre, non plus que la terre, dans son lieu spécial, n'a point de légèreté. Mais les deux éléments de l'air et de l'eau sont portés en bas, si l'on retire ce qui est dessous. Voilà aussi pourquoi le corps qui est pesant d'une manière absolue, est celui qui reste au-dessous de tous les autres corps ; et le pesant relatif, soit dans sa place spéciale, soit par rapport aux choses à la surface desquelles il demeure, n'est pesant que par la ressemblance de sa matière à celle du pesant absolu. § 5. On voit donc sans peine qu'il faut nécessairement admettre entre les éléments des différences égales à leur nombre. En effet, s'il n'y a qu'une seule et même matière pour les éléments, soit le vide, soit le plein, soit la grandeur ou les triangles, tous les éléments alors seront nécessairement portés en haut, ou tous seront portés en bas ; et il n'est plus possible qu'il y ait pour eux un mouvement différent de celui-là. Par suite encore il n'y aura plus de corps qui soit léger absolument, s'il est vrai que tous les corps tombent avec plus de vitesse, parce qu'ils sont composés de parties plus grandes, ou de parties plus nombreuses, ou même parce qu'ils sont pleins. Or nous voyons, et il a été démontré, que certains corps sont toujours et en tous lieux également portés en bas, et d'autres toujours portés en haut. Mais si c'est le vide ou tel autre principe qui est toujours porté en haut, il n! y aura plus rien dès lors qui soit toujours porté en bas. Il y aura même des éléments intermédiaires qui pourront être portés en bas plus vite que la terre ; ou dans une grande masse d'air il y aura plus de triangles, soit qu'on les suppose solides, soit qu'on les suppose aussi petits qu'on le voudra. Or on ne voit jamais aucune parcelle de l'air se porter en bas. 11 en serait tout à fait encore de même pour le léger, en supposant qu'un élément l'emportât sur un autre élément par une plus grande quantité de matière. § 6. Mais s'il n'y a, en effet, que deux propriétés, comment alors les éléments intermédiaires, l'air et l'eau, pourront-ils agir comme ils agissent, en admettant par exemple (313b) que l'une de ces propriétés est le vide et que l'autre est le plein ? Dans cette hypothèse, le feu serait le vide, et voilà pourquoi il irait constamment en haut ; la terre serait le plein, et voilà pourquoi elle irait sans cesse en bas. Mais pour l'air, il faudrait dire alors qu'il a plus de feu et que l'eau a plus de terre ; car il pourrait y avoir une certaine quantité d'eau qui aurait plus de feu qu'une petite quantité d'air ne peut en contenir; et une grande quantité d'air, qui aurait plus de terre que n'en a une petite quantité d'eau. Par conséquent, il faudrait qu'une certaine quantité d'air descendit plus rapidement en bas qu'une petite quantité d'eau; or c'est là un phénomène qui ne se voit jamais nulle part. Il faut donc admettre nécessairement que, de même que le feu est porté en haut, parce qu'il a quelque chose comme par exemple le vide, tandis que les autres éléments ne l'ont pas, et que de même que la terre est portée en bas, parce qu'elle a le plein ; de même aussi l'air se rend à sa place et reste au-dessus de l'eau, parce qu'il a quelque chose de convenable à cette fonction, et qu'enfin l'eau reste en dessous, parce qu'elle est ainsi faite. Mais si les éléments intermédiaires n'avaient tous deux qu'une seule propriété, ou s'ils avaient les deux, il s'ensuivrait ces deux conséquences pour l'un et pour l'autre, qu'il pourrait y avoir dès lors, pour chacun des deux, une certaine masse qui ferait que l'eau l'emporterait sur une petite quantité d'air, pour être portée en haut, et que l'air aussi l'emporterait sur l'eau, pour être porté en bas, ainsi qu'on l'a déjà dit si souvent. [4,6] CHAPITRE VI. § 1. Les formes des corps ne sont pas les causes de leur mouvement absolu, soit en haut soit en bas ; mais ces formes font seulement que les corps se meuvent avec plus de vitesse, ou avec plus de lenteur. Il n'est pas difficile de voir pourquoi. Ainsi, on se demande comment des morceaux de fer qui sont plats, et même le plomb en feuille, peuvent surnager sur l'eau, tandis que des morceaux plus petits et moins lourds, s'ils sont ronds et épais, par exemple une pointe de flèche, vont au fond sur le champ. On demande aussi pourquoi certains corps surnagent et flottent dans l'air, à cause de leur petitesse, comme les poudres de divers corps, et les grains de terre et de poussière. Admettre que les causes de tous ces phénomènes sont telles que les suppose Démocrite, ce serait se tromper; car il prétend que les parties chaudes, qui s'élèvent de l'eau, (314a) soutiennent ceux des corps pesants qui sont plats, et que les corps qui sont étroits tombent et descendent à fond, parce qu'il y a peu de ces parties chaudes qui s'opposent à eux et les soutiennent. § 2. Mais alors ce phénomène devrait se produire dans l'air encore bien davantage. C'est une objection que Démocrite se fait à lui-même. Mais tout en se la faisant, il y répond imparfaitement; car il prétend que l'élan ne se réunit pas en un seul et unique point, entendant par le mot d'Élan, le mouvement des parties chaudes qui se portent en haut. § 3. Mais comme, parmi les corps continus, les uns sont facilement divisibles et les autres le sont moins, et que, de la même manière, les choses qui peuvent diviser les continus les divisent tantôt mieux et tantôt moins bien, ce sont là, à ce qu'on doit supposer, les vraies causes qui font que les corps tombent avec plus ou moins de vitesse. Ce qui se divise aisément est aussi ce qui se délimite aisément ; et plus un corps est l'un, plus il est aussi l'autre. Or l'air est plus facilement divisible que l'eau, et l'eau, plus que la terre. Ajoutez que, dans chaque genre, plus l'objet est petit, plus il est facilement divisible, et plus il se sépare aisément. § 4. Ainsi donc, les corps qui ont une grande largeur demeurent à la surface, et se soutiennent, parce qu'ils embrassent un plus grand espace et qu'une quantité plus grande d'espace ne se disperse pas aisément. Les corps, au contraire, qui ont une forme différente, précisément parce qu'ils embrassent moins d'espace, sont portés en bas, en ce qu'ils divisent sans peine l'obstacle qui s'oppose à leur chute. Le phénomène se produit d'autant plus aisément dans l'air que l'air est plus facilement divisible que l'eau. § 5. Mais comme, d'une part, la pesanteur a une certaine force qui entraîne les corps en bas, et que, d'autre part, les corps continus en ont une qui fait qu'ils ne se séparent pas, il faut nécessairement que ces conditions luttent et concourent entr'elles; car si la force de la pesanteur l'emporte sur celle qui est dans le continu, pour en amener la division et la séparation, le corps sera porté d'autant plus vite et plus violemment en bas ; et si la pesanteur est la plus faible, le corps surnagera à la surface. § 6. Telles sont dont les considérations que nous avions à présenter sur la pesanteur et la légèreté des corps, ainsi que sur tous les phénomènes qui les accompagnent et qui en résultent.