Paul ALVARO DE CORDOUE Vie et Passion de Saint Euloge de Tolède PREFACE. Me disposant à écrire la passion du bienheureux martyr et docteur saint Eulogius, il m’a paru nécessaire de raconter sa vie en premier lieu, afin que les lecteurs sachent ensuite celui qu’il fut et comment il se signala par ses vertus et sa sainteté. Ils pourront ainsi comprendre comment il mérita après coup de remporter la palme de la victoire céleste à sa mort. Pour cet ouvrage, confiant dans la miséricorde de Dieu et de notre Rédempteur Jésus-Christ, et avec l’aide de sa grâce, j’affirme que je n’écrirai aucune rumeur ou chose douteuse ; je ne relaterai que ce que j’ai vu et expérimenté. Car, étant au service de Dieu qui nous offre sa grâce, le Saint et moi-même avons été de grands amis depuis la période de notre adolescence, liés par le nœud de la charité et par l’amour de l’étude des Saintes Ecritures. Et bien que nous ne suivions pas une manière de vivre identique, nos actes ne manquèrent jamais de la même passion et d’harmonie. Il atteignit la dignité de la prêtrise, s’exaltant plus, transporté vers le ciel par les ailes de ses grandes vertus ; quant à moi, jusqu’à ce jour, les désirs charnels m’ont attiré vers la terre, et je me suis sali de boue. Et c’est pour cela que je ne puis écrire des événements douteux ou incertains, que d’autres m’ont racontés, sinon ceux qui se produisirent devant moi ou que j’ai entendu par moi-même. En effet, je considère comme dangereux d’affirmer audacieusement ce qui est incertain, de même, il me paraît que c’est une faute de dissimuler un fait authentique, la raison en étant connue. Bien que celui qui se trompe moins par malice que par négligence dissimule aussi bien la vérité que celui qui prétend dire des mensonges pour orner ses discours, il vaut mieux relater ce qui est certain et, en les racontant, ne pas y inclure de fiction. Je n’ai pas pris le parti d’aller vers le mensonge et l’incertitude dans mes écrits, car chacun sait que la vérité devant Dieu et les hommes a son prix tout comme le mensonge son châtiment.